Résultats d'un sondage d'opinion sur la crise malienne: -55% des Maliens sondés pensent que la France aide les rebelles et non le Mali - 54% favorables à la force pour récupérer le nord - ‘79% des Maliens satisfaits de la composition du gouvernement

Peut 8, 2012 - 05:25
Peut 8, 2012 - 05:31
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Ce sondage d'opinion a été réalisé les 29 et 30 avril sur 1 100 personnes de 18 ans ou plus par Guindo Sidiki, ingénieur statisticien économiste, qui n’est pas à sa première expérience en la matière. Les questions posées aux enquêtés sont entre autres : la population est-elle satisfaite du coup d'État ? La population est-elle satisfaite de la composition du gouvernement ? La CEDEAO, les USA, la France aident-ils le Mali ou les rebelles ? Le président par intérim doit-il continuer avec la transition ?  Sur ces questions, les Maliens ont des points de vue divergents. Ainsi, 79% des Maliens satisfaits de la composition du gouvernement et 54 % d’entres eux sont favorables à l’utilisation de la force pour récupérer les trois régions du nord tombées aux mains des bandits armés depuis plus d’un mois déjà. Le même sondage révèle que plus de la majorité de la population enquêtée (55%) pense que la France aide les rebelles et non le Mali.   [caption id="attachment_65153" align="alignleft" width="310" caption="Guindo Sidiki"][/caption]

Depuis le mois de mars, le Mali connaît une crise sans précédent : les rebelles réclament le partage du pays en deux, le groupe des Ansar-dyne veut une application de la charia, des sous officiers se sentent trahis par certains de leur hiérarchie, les trois régions du nord (Tombouctou, Gao et Kidal) ne sont plus sous le contrôle de la république, le président ATTa été chassé du pouvoir, un nouveau gouvernement a été mis en place, etc.

Pour une gestion efficace de la crise, il est important de recueillir l'avis de la population malienne par un sondage d'opinion. Ce sondage se veut neutre vis à vis des partis politiques, du nouveau et de l'ancien gouvernement, des putschistes et des organisations internationales. Ainsi, avec la situation difficile que vit notre pays, notre curiosité de statisticien combinée à celle d'un chercheur nous pousse à recueillir l'avis des Maliens sur différents aspects de la crise.

Les résultats de cette étude peuvent aider le nouveau gouvernement et les amis du Mali à bien gérer la crise.

L'ancien gouvernement peut tirer de ces résultats différentes leçons. Nous avons cherché à répondre aux questions suivantes : le peuple est-il satisfait du coup d'État ? Quel est le point de vue de la population sur les responsabilités dans cette crise ? Le peuple est-il satisfait de la composition du nouveau gouvernement ? La population veut-elle l'utilisation de la force pour récupérer le nord? Selon la population, la CEDEAO doit-elle envoyer seulement des armes ou des hommes et des armes? La France, les USA, la CEDEAO aident-ils le Mali ou les rebelles ? La population est-elle satisfaite du comportement général des putschistes ? Quelle est l'image des différentes personnalités auprès de la population ? Le président par intérim doit-il continuer avec la transition ?

Le sondage d'opinion a été réalisé les 29 et 30 avril sur 1 100 personnes de 18 ans ou plus. La pertinence scientifique de cette étude est à deux niveaux :

" une conception rigoureuse de l'étude : la conception théorique de cette étude respecte toutes les théories d'un tel sondage ;

"des outils statistiques appropriés pour l'analyse des résultats de l'enquête : différents outils ont été utilisés et nous nous sommes assurés de la pertinence de chaque outil avant son utilisation.

Pour cette première phase de l'étude, nous nous sommes limités au district de Bamako. Ainsi, Bamako sert de zone test pour les autres phases à venir.

Aussi, le poids du district n'est pas négligeable dans la perception de la situation que vit le pays. Par ailleurs, les résultats de la capitale ne sont pas sans lien avec les résultats globaux du pays. Il serait cependant intéressant d'effectuer un sondage au niveau national afin de cerner l'avis du peuple dans la gestion de la crise. Il faut souvent diriger le peuple selon son opinion.

L'enquête utilise la méthode des quotas (cette méthode est la plus utilisée dans le monde des sondages d'opinion). Les variables de quotas utilisées sont : la commune, le sexe, l'âge et le niveau d'étude. Nous avons enquêté sur 1 100 personnes réparties proportionnellement entre les six communes du district. Cette taille, qui respecte l'ensemble des hypothèses à vérifier pour l'estimation des paramètres, correspond à une précision de 3% au niveau du district. Cette première contribution traite d'une partie des questions soulevées, les autres contributions traiteront des autres aspects et du lien entre les réponses.

La population est-elle satisfaite du coup d'État?

À la question de savoir si vous êtes satisfait que le régime de ATT prenne fin avant même l'organisation des élections, 64% des personnes déclarent être satisfaites de la manière dont l'ancien régime s'est terminé alors que 36% ne sont pas satisfaites et pensent que l'on devrait laisser le régime organiser les élections.

La proportion élevée de personnes satisfaites concorde bien avec le fait que 51% de la population pensent que le régime ATT est le principal responsable de cette crise qui frappe le pays. L'ancien régime doit donc en toute humilité faire son bilan des dernières années et tirer toutes les leçons liées à cette crise et à la colère d'une bonne partie de la population.

La population est-elle satisfaite de la composition du gouvernement ?

A la question de savoir si vous êtes satisfait de la composition du nouveau gouvernement, 79% de la population se disent satisfaits, 10,8% ne sont pas satisfaits et 9.7% ne sont pas du tout satisfaits. Ces résultats montrent que la majorité de la population est satisfaite de la composition du nouveau gouvernement. Les différents partis politiques, les groupements de partis notamment le Front national pour la Démocratie et le MP22 doivent laisser de coté leur vision personnelle pour suivre celle du peuple. Il est important que tous les partis aident le nouveau gouvernement à réussir sa mission.

La population est-elle satisfaite du comportement général des putschistes ?

À la question de savoir si vous êtes satisfait ou pas du comportement général des putschistes, 60% se disent satisfaits de leur comportement, 21% ne sont pas satisfaits de leur comportement et 19,2% ne sont pas du tout satisfaits de leur comportement. Le capitaine Sanogo doit-il tenir compte de ces résultats dans ses prises de décision ? Si son groupe est jusque-là positivement apprécié par plus de 60% de la population, il ne faut pas se laisser piéger dans différentes situations, comme les affrontements entre étudiants et forces de l'ordre. Il est aussi important d'être moins présent sur la scène politique pour que le gouvernement qui est déjà bien apprécié puisse faire son travail. Cependant, les propositions du type " regagner purement les casernes " ne collent pas pour le moment avec les réalités du terrain.

La population veut-elle l'utilisation de la force pour récupérer le nord ?

54% de la population opte pour une utilisation de la force pour récupérer le nord alors que 45% préfère une négociation pour le moment. Le nouveau gouvernement doit donc communiquer sur sa stratégie de récupération des trois régions du nord, il faut surtout expliquer au peuple pourquoi le gouvernement privilégie une option à une autre. Cela permet au nouveau gouvernement être en phase avec son peuple. Jusque-là, on ne voit aucune stratégie de communication.

La CEDEAO, les USA, la France aident-ils le Mali ou les rebelles ?

Pour 66% de la population, la CEDEAO aide le Mali contre les rebelles, cette statistique est de 39% pour les USA alors qu'elle est seulement de 15% pour la France. La majorité de la population enquêtée (55%) pense que la France aide les rebelles et non le Mali. Cette situation peut s'expliquer par les comportements des personnalités françaises pendant la crise et le fait que ce pays héberge les responsables rebelles sur son sol.  Le président par intérim doit-il continuer avec la transition ?

A la question de savoir si le président actuel doit être reconduit après les 40 jours d'intérim ou bien s'il doit être remplacé après les 40 jours, 52% de la population pense que le Pr Dioncounda doit rester pour continuer avec la transition alors que 43% pense qu'il doit être remplacé. La majorité des enquêtés n'est donc pas contre le fait que le président intérimaire dirige aussi la transition. Le comportement assez irresponsable de la CEDEAO qui a consisté à prendre à contre pied les putschistes et le peuple malien risque de fragiliser davantage la situation. Il serait plus stratégique de laisser Dioucounda diriger au moins 30 jours avant de commencer à négocier une prolongation de la situation. Cette période de 30 jours allait permettre au nouveau président de montrer ses talents de rassembleur et gagner ainsi la confiance de tous. La décision unilatérale de la CEDEAO dépopularise le nouveau président auprès du peuple (fort heureusement, le président s'est bien prononcé sur la situation à l'occasion de son discours pour la fête du travail). La CEDEAO devrait actuellement penser à la réunification de l'armée malienne qui est plus que jamais dessoudée. Cette réunification semble être oubliée lors de la négociation de l'accord cadre. Il faut absolument une place aux officiers supérieurs.

L'indice de popularité de différentes personnalités du pays :

Nous présentons ici la proportion des personnes ayant un avis favorable sur une personnalité donnée (le complément à 100% de cette statistique est composé des avis neutres et défavorables). Selon nos résultats, la personne ayant le plus d'avis favorables est le premier ministre Cheick Modibo Diarra (78%). Cette situation peut s'expliquer par le choix de son gouvernement. La deuxième personne est le candidat du RPM (IBK), cette personnalité a 76% d'avis favorables, la troisième personnalité est le capitaine Amadou Haya Sanogo avec 65% d'avis favorables. La popularité de Sanogo peut s'expliquer par son comportement responsable et ses discours à la nation pendant cette crise. Il n'est cependant pas souhaitable qu'il accepte de prendre les rênes du pouvoir pour la transition même si on venait lui proposer cela. En effet, la popularité ne se transfère pas forcement d'un domaine à un autre. Le président ATT a 29% d'avis favorables alors que le président par intérim (le Pr Dioncounda) a 44% d'avis favorables.

Par Sidiki Guindo

Ingénieur Statisticien

Economiste.  Ancien Élève des Écoles d'Excellence de Statistique et d'Économie appliquée d'Afrique

guindosidiki@yahoo.fr

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