Affaire Karim WADE : La rançon de la patrimonialisation du pouvoir

Octobre 17, 2013 - 05:15
Octobre 17, 2013 - 05:15
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[caption id="attachment_107014" align="alignleft" width="315"]Karim Wade, en octobre 2008 AFP Karim Wade, en octobre 2008
AFP[/caption] C’est peu dire que d’affirmer que Karim Wade, le fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, est dans la tourmente. Le mardi 15 octobre dernier, pendant que les Sénégalais célébraient la Tabaski, lui était entendu à nouveau par la Cour de répression de l’enrichissement illicite, après six mois de détention préventive. A l’issue de cette longue et harassante audience qui aura duré près de 16 heures, Karim Wade va devoir passer au moins six autres mois en détention préventive, au grand dam de ses avocats, le temps pour la Cour de boucler ses investigations sur son empire financier estimé à environ 700 milliards de F CFA, soit un peu plus d’un milliard d’euros.     Il n’est pas exagéré de penser que ce qui arrive à Karim est la conséquence du comportement de son père     Dans cette affaire, le Sénégal a une réputation de pays de bonne gouvernance à défendre, et l’on comprend fort aisément que Macky Sall, qui veut s’inscrire dans la lignée des Senghor et autre Abdou Diouf, est bien fondé à vouloir élucider cette affaire où Karim Wade est soupçonné d’avoir construit son patrimoine en ayant détourné l’argent de l’Etat et certains financements lorsqu’il était en fonction, à la tête de départements tout aussi prestigieux que juteux, sous le règne de son père à qui Macky Sall a justement succédé. En effet, outre le fait que le ministre « du ciel et de la terre » du président Wade était ministre d’Etat, il était en charge des Infrastructures, de la Coopération internationale, des Transports aériens et de l’Energie. Cerise sur le gâteau, il avait été installé par son père pour piloter les grands travaux entrant dans le cadre de la préparation du 11e sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), qui devait se tenir à Dakar en mars 2008, et dont le budget s’élevait à plusieurs milliards de F CFA.   Il n’est pas exagéré de penser que ce qui arrive à Karim est la conséquence du comportement de son père qui, non seulement s’est inscrit dans une logique de patrimonialisation du pouvoir en s’entêtant à vouloir rester aux affaires contre vents et marées, mais aussi a entraîné, dans son sillage, son fils Karim à qui il a confié des postes tout aussi juteux que stratégiques au sein de l’appareil d’Etat. En l’élevant au rang auquel il l’a fait, avec tous les pouvoirs discrétionnaires qui étaient les siens, il l’a exposé, pour n’avoir pas su tirer les bonnes leçons de l’héritage de ses devanciers qui s’en sont abstenus.     Cette affaire Karim Wade pose assurément le problème des paradis fiscaux     A la limite, Karim peut s’en prendre à son père qui, dans sa mégalomanie, n’a pas su le couver d’un amour distant pour le protéger, trop admiratif qu’il était de son fils dont il se plaisait à faire le panégyrique.   A la lumière du cas Wade, il est plus que jamais évident qu’il n’est pas stratégique, pour les chefs d’Etat, d’impliquer leur famille (progéniture et fratrie) dans la politique, en dehors de la première dame qui a un rôle à tenir en tant que telle. Bien sûr, en tant que citoyens, ils peuvent être appelés à occuper des postes de hautes responsabilités au service de leur pays, et, s’ils en ont le talent politique, à demander la confiance des populations pour un mandat électif. Malheureusement, l’histoire montre à souhait toute la délicatesse, pour les chefs d’Etat, de faire rentrer leurs proches dans la politique à leurs côtés, en les nommant à des postes de hautes responsabilités. Jean-Christophe Mitterrand par exemple, appelé par son président de père à jouer un rôle politique à ses côtés en tant que chargé des affaires africaines, a souvent été tourné en dérision avec le sobriquet « papa m’a dit ». De même, lorsque Jean Sarkozy, le fils de Nicolas, était pressenti pour briguer le stratégique poste de président de l’Etablissement public d’aménagement de la défense (EPAD) au budget colossal, cela a valu une levée de boucliers en France contre son président de père dont l’ambition de créer une lignée a été dénoncé au regard du jeune âge du candidat au poste à l’époque.   Il n’est donc pas étonnant que le Sénégal, qui veut s’inscrire dans une logique de bonne gouvernance, veuille voir clair dans cette affaire où les sommes faramineuses qui sont en jeu, donnent le tournis.   Cette affaire Karim Wade pose assurément le problème des paradis fiscaux, où beaucoup de nos dirigeants thésaurisent des fortunes colossales détournées aux faibles économies de leurs pays avec des prête-noms, alors que ces mêmes sous, utilisés au profit des populations, contribueraient à résoudre bien des problèmes. En cela, il faut encourager Macky Sall dans sa démarche et espérer qu’il fasse des émules, surtout que nos Etats sont souvent dépourvus de moyens pour traquer ces fonds et les ramener dans les caisses, quand ce n’est pas la volonté politique de le faire qui manque le plus.   C’est le lieu d’interpeller nos dirigeants à plus d’orthodoxie dans l’exercice du pouvoir, et de les inviter à ériger en règle de bonne conduite la propension à faire systématiquement un état des lieux clair, en cas d’alternance et de passation des charges.

Outélé KEITA/ lepays.bf/

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