Alors que l’opération Serval a été bien accueillie à ses premières heures par les Maliens et par voie de conséquence avait réchauffé les relations entre le Mali et son ancien colonisateur, voilà que l’étape de Kidal vient empoisonner cette belle aventure. Et pour l’une des rares fois, le Mali a dit non à son libérateur.
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![François Hollande](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/09/FRANCOIS-HOLLANDE-ONU.jpg)
François Hollande[/caption]
Quand le président français, François Hollande, engageait son armée dans la guerre au Mali contre la vague des jihadistes qui voulaient faire une OPA sur notre pays, au Mali comme en France, l’opération a été applaudie des deux mains. D’ailleurs, c’était la première fois que tous les Français appréciaient une action de François Hollande depuis son arrivée au pouvoir.
Au Mali, il a tout simplement été baptisé à Tombouctou comme 334 Saints de la ville, pour dire combien de fois l’homme était devenu populaire au Mali. Ce n’est pas pour rien que lors de sa visite au Mali le 2 février 2013, il avait laissé entendre sur la place de l’Indépendance qu’il venait de vivre la journée la plus importante de sa carrière politique. Des Maliens l’ont même baptisé François Hollande Traoré.
Cette lune de miel entre le pays colonisateur et ses "colonisés" était certainement due à la manière dont le colonisateur était en train de libérer sa colonie du joug des jihadistes. Parce que lorsque la France est arrivée, elle a d’abord mis en avant le fait qu’elle intervenait à la demande du président malien, Dioncounda Traoré. Donc la mission était censée être à la demande du président d’un pays souverain.
C’est dans cette logique qu’on a pu voir les forces françaises en appui à l’armée malienne dans la libération des villes comme Konna, Diabaly, Douentza, Gossi, Léré, Gao, Tombouctou. L’image était d’un symbole fort quand on voyait les forces françaises derrière leurs homologues maliens dans la libération de ces différentes villes comme pour dire que les actes étaient conformes au discours.
Mais voilà qu’à l’étape de Kidal, l’invité décide de devancer l’hôte. Dans un premier temps, il fut dit que c’était dû au fait que l’armée malienne n’avait pas les moyens de poursuivre le reste de l’aventure. Des allégations finalement battues en brèche par les militaires maliens eux-mêmes qui ont fini par lâcher le morceau : "C’est la France qui nous empêche d’être à Kidal".
Finalement, les Maliens s’en sont rendus compte et ont commencé à manifester leur mécontentement dans la mesure où le MNLA, qui s’était ressuscité à la faveur de l’opération Serval, s’est emparé de Kidal et refuse la présence de l’armée malienne.
C’est dans ces entrechats que le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en visite au Mali en mois d’avril, indiquait que l’armée malienne avait besoin d’être formée, disciplinée et soumise à l’autorité civile pour être à Kidal et que le désarmement du MNLA devrait intervenir au terme d’un processus de dialogue avec Bamako.
Bandits armés et diviseurs d’amis
C’est là où les Maliens ont véritablement soupçonné la bonne foi de la France. Et le baroud d’honneur du gouvernement qui prévoyait de libérer Kidal avant la mi-mai n’y fera rien, d’ailleurs cela a encore détérioré le climat de confiance. A ce jour, cette ville n’est toujours pas libérée des bandits armés.
Récemment, c’est le président Français, François Hollande, pressé de voir le Mali se doter d’autorités légitimes au détour de la présidentielle du 28 juillet 2013, qui proposait l’envoi de l’administration civile malienne à Kidal pour la préparation du scrutin et qu’ensuite l’armée pouvait suivre. D’autant plus qu’il faut que les élections se tiennent sur l’étendue du territoire national. Cette proposition, il l’a réitérée lors du dernier sommet de l’Union africaine en Addis-Abeba.
Une proposition qui rejoint la déclaration de son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, faite en mois d’avril et selon laquelle pour que l’armée soit à Kidal, il faut qu’elle soit formée, disciplinée et soumise à une autorité civile. Ça voudrait dire qu’avant l’arrivée de l’armée malienne à Kidal, il faudrait qu’il y ait une élection présidentielle d’où sera issu un président légitime et entre-temps, un accord aura été trouvé avec les bandits armés du MNLA pour que ceux-ci puissent accepter d’être désarmés.
Ce schéma, le Mali l’a purement et simplement rejeté. Le président de la transition, Dioncounda Traoré a, pour une fois, dit non à son homologue et ami, François Hollande. Dioncounda a martelé que l’armée malienne sera à Kidal avant le scrutin du 28 juillet 2013. Sauf qu’effectivement il n’y a plus assez de crédit à accorder aux promesses de nos autorités, surtout lorsqu’il s’agit de Kidal. Cette fois, c’est l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), la plus grande centrale syndicale de l’administration malienne, qui a emboité le pas à Dioncounda Traoré en refusant d’être à Kidal sans l’armée malienne.
"L’administration sera à Kidal avec l’armée malienne ou ne le sera pas", a expliqué le patron de l’UNTM lors d’une conférence de presse tenue le mardi 28 mai 2013 à la Bourse du travail. Cette voix n’est pas n’importe qui.
En tout cas de quoi donner le tournis à François Hollande à deux mois du scrutin, auquel il tient tant. Il y a beaucoup à faire pour que Kidal puisse voter ! N’oublions pas que beaucoup de candidats à cette même présidentielle ont conditionné leur participation au scrutin à la libération de Kidal.
C’est vraiment dommage que toute cette belle aventure se termine en queue de poisson entre Français et Maliens à cause d’un mouvement armé complètement désavoué au sein même de sa propre ethnie. En somme, des criminels à col blanc.
Abdoulaye Diakité