Afrik’Actu* : Pourquoi le torchon doit cesser de brûler entre le Faso et la Côte d’Ivoire
Il est des situations conflictuelles qu’un pays doit à tout prix, éviter de provoquer à l’encontre de son voisin pour ne pas conduire au finish à sa propre déstabilisation. Ce que le tout nouveau pouvoir Burkinabè, toujours plongé dans la ferveur populaire, ne semble pas comprendre.
En accusant Guillaume Soro, le Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, d’avoir soutenu à travers des conversations téléphoniques, le putsch manqué du 17 septembre 2015 et en émettant un mandat d’arrêt international contre celui-ci et contre l’ancien président Compaoré résidant en Côte d’Ivoire, la justice militaire burkinabè a malheureusement fait le choix de ne pas faciliter la reprise des relations bilatérales déjà très tendues, pour ne pas dire conflictuelles, entre les deux pays frères.
Pourtant le déplacement du Chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara à Ouagadougou le 29 décembre 2015, pour assister à l’investiture du Président Roch Kaboré, offrait aux yeux des observateurs politiques tous les gages d’un rapprochement possible entre les deux Etats. Ainsi, au lieu de chercher à colmater les nombreuses brèches laissées par la Transition politique, le Président Kaboré et son équipe gouvernementale sont naïvement en train de laisser le torchon continuer de brûler entre leur pays et la Côte d’Ivoire. Alors qu’au contraire, les contraintes de la real politik exigeraient aujourd’hui que le pouvoir burkinabè, pour ne pas être empêché de s’atteler à la recherche de solutions aux nombreux problèmes économiques qui minent le pays, aille vers un règlement à l’amiable de certains dossiers politiques, fussent-ils judiciaires. Comme notamment le cas du dossier Compaoré et par ricochet de celui très complexe de Sankara.
De toute évidence des dossiers, extrêmement liés et ayant désormais des ramifications chez le voisin ivoirien, qui portent potentiellement tous les germes de la déstabilisation du Burkina Faso. Une menace potentielle qui devrait raisonnablement inciter le tout nouveau régime Burkinabè à primer l’approche de la raison sur celle de la passion, pour ne pas envenimer les choses avec son puissant voisin. Ainsi les autorités burkinabè, dans la logique de la quête de la préservation des intérêts supérieurs de la nation, devraient tout faire pour mettre de l’eau dans leur vin. Ce, afin de pouvoir désamorcer la bombe latente qui pourrait éclater à tout moment entre les deux pays. Au-delà de l’histoire et de la géographie qui les lient intimement, les deux peuples sont aussi extrêmement complémentaires sur le plan économique. En l’occurrence, avec une dépendance nette du Burkina Faso de la Côte d’Ivoire.
Les nombreux projets communs, dont ceux de la construction de l’autoroute Ouagadougou-Abidjan, la réhabilitation de la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou, l’usage privilégié du port d’Abidjan par le Burkina Faso pour le transit du fret à l’exportation comme à l’importation, mais aussi l’interconnexion du réseau électrique ouest-africain très largement fourni par la Côte d’Ivoire peuvent, entre autres, corroborer cette interdépendance des deux Etats. Encore que dans ce dernier pays vit une importante diaspora burkinabè estimée entre 4 et 5 millions d’âmes, majoritairement constituées de binationaux. Des personnes qui seraient extrêmement exposées si jamais le torchon continue de brûler entre les deux pays frères !
Gaoussou M. Traoré
Quelle est votre réaction ?