Arrestation des personnalités politiques et militaires : La junte viole le retour à l'ordre constitutionnel
Après la libération de plusieurs anciens membres du gouvernement du régime d’ATT la semaine dernière, la junte a procédé de nouveau dans la nuit du lundi au mardi à l’arrestation de plusieurs alliés politiques et militaires de l'ancien président malien. Il s'agit, entre autres, de Modibo Sidibé, du général Sadio Gassama, du général Hamidou Cissoko, de Mahamadou Diagouraga, directeur national de la police, de Soumaila Cissé, l’ancien patron de l’Uemoa, de Bani Kanté, de Tiéman Coulibaly, de Me Kassoum Tapo et du Pdg de la BMS, Babaly Bah. Cette vaste opération de la junte s'inscrit dans le cadre d'une enquête de la police judiciaire et de l'équipe du capitaine qui reprochent à ces personnalités trafic d'arme et complot contre le Cnrdre.
Le dernier coup de filet opéré par la junte risque de compliquer le processus de retour à un régime civil après le coup de force du capitaine Amadou Sanogo le 22 mars 2012. La junte militaire commandée par cet officier subalterne a officiellement remis ses pouvoirs à un président intérimaire et un Premier ministre civils mais elle continue de contrôler les affaires de l'Etat alors que les tractations en vue de former un gouvernement de transition se poursuivent.
Parmi les personnalités arrêtées figurent l'ancien Premier ministre Modibo Sidibé, l'ex ministre de la Défense Sadio Gassama, l'ex-chef d'état-major du président Touré, le général Hamidou Cissoko, Soumaila Cissé l'ancien patron de l'Uemoa, ainsi que Bani Kanté, conseiller spécial d’ATT sur les investissements libyens au Mali. De source militaire, plusieurs officiers supérieurs des forces armées et de sécurité n'ont pas été retrouvés dans leurs domiciles par les éléments de la junte.
En plus de ces personnalités civiles et militaires, un haut cadre de banque est accusé de complicité avec les responsables militaires de l’ancien régime. Il s'agit de Babaly Ba, directeur général de la Bms.
La même source indique que l'ancien Premier ministre, Modibo Sidibé, a été interpellé à son domicile par la police militaire le lundi vers 23hoo. L'ancien chef du gouvernement a déjà été appréhendé et libéré deux fois depuis le coup d'Etat du 22 mars 2012. Ils sont actuellement sous bonne garde dans la caserne de Kati, le QG du capitaine Sanogo.
Dans un communiqué en date du 17 avril 2012, la junte indique que ces arrestations sont les résultats d'une enquête de police judiciaire en cours, ouverte à l'encontre desdites personnalités, lesquelles sont au nombre de vingt-deux dont onze civils et autant de militaires. Les dossiers seraient très bientôt confiés aux organes compétents, en vue d'initier des poursuites judiciaires. En plus de ce communiqué, le directeur national de la gendarmerie, Col Diamou Keita, dans un entretien accordé à nos confères de l’Ortm a justifié lesdites arrestations. Selon lui, des armes auraient été retrouvées dans les domiciles de certaines des personnes interpellées, après des fouilles.
Dans le quartier-général de la junte à Kati, des rumeurs circulent sur un projet d'arrestation de Tiébilé Dramé du Parena, d’Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l'Assemblée nationale, de Siaka Diakité de l'Untm et d'autres membres de la société civile. En tout cas, la panique est de taille dans le milieu politique.
En prenant compte de la déclaration de Dioncounda Traoré sur Rfi, on comprend que cette opération de la junte est une décision unilatérale. « J'ai saisi le capitaine Sanogo pour dire que dans un Etat de droit, ce ne sont pas des choses qui se font. Et en premier, de s'occuper de la question. Je pense donc que c'est un problème qui va trouver son dénouement.» Tels sont les propos de Dioncounda Traoré, Président par intérim de la République du Mali.
Avant cette opération, le lundi soir, le capitaine Sanogo a fait diffuser un communiqué à la télévision nationale expliquant que l'armée s'intéressait à plusieurs dossiers qui seront transmis à la justice.
Si certains parlent de dossiers économiques ouverts qui identifieraient certaines parmi les personnalités arrêtées, d'autres n'hésitent pas à dire que ces arrestations seraient liées à une tentative de contre coup d'Etat et de trafic d'armes. En tout cas, les avis sont partagés quant à leur arrestation qui vient au mauvais moment. Dans cette situation, ce qui est à déplorer, c’est la manière. Ce n’est ni plus ni moins qu’une série d’enlèvement d’hommes politiques à laquelle on assiste.
Pourquoi cette opération après la rencontre de Ouaga ?
En tout cas, une démonstration de force qui risque de mettre en mal le processus de sortie de crise et rend la tâche plus que jamais difficile pour le président Dioncounda Traoré et surtout le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra. En théorie, le nouveau chef de l'Etat par intérim, Dioncounda Traoré, dispose de 40 jours pour organiser de nouvelles élections et apporter une solution à la crise du nord. Mais ce délai paraît difficilement réalisable pour de nombreux observateurs compte tenu de l'insécurité régnant dans la moitié nord du pays tombé aux mains de rebelles touaregs et islamistes. De quoi les officiers subalternes de Kati ont-ils peur ? Dioncounda Traoré et son Premier ministre doivent-il accepter ce double jeu de la junte? Il est important que l'ordre revienne dans la grande famille du Mali pour faire face aux deux priorités.
Nouhoum DICKO
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