Au Mali, avec les rescapés du massacre d’Ogossagou
![Au Mali, avec les rescapés du massacre d’Ogossagou](uploads/news/images/2019/03/Ogossagou-.jpg)
Près de 600 morts depuis mars 2018
Peut-être ont-ils réussi à sortir, comme son ami Moctar Diallo*, assis à sa droite, dont les mains, brûlées, attestent du combat contre les flammes. C’est ce qu’espère M. Dicko*, qui tient à expliquer pourquoi, ce 23 mars, il n’a pas pu, comme tant d’autres, secourir sa propre famille : « Tous ceux qui ont cherché à secourir leurs proches blessés ont reçu des balles. […] Quand les enfants voulaient courir, ils leur tiraient dessus. Ils tuaient tout le monde : les enfants, les femmes ». Son œil gauche, fermé et boursouflé, a été éraflé par une balle.![A l’hôpital de Mopti, dans le centre du Mali, en mars 2019.](https://img.lemde.fr/2019/04/08/0/0/4614/3076/688/0/60/0/a8d4bff_-b-ROhqaMaqrg2cArZDqmw_N.jpg)
Des villages entiers en otage
Ce sont ses voisins dogon qui l’avaient aidé à s’échapper avant que les miliciens de la même ethnie qu’eux n’attaquent les Peuls : « Les Dogon de mon village ne font pas partie de ces groupes-là. Voilà pourquoi ils nous ont aidés », insiste-t-il. Au centre du Mali, les civils, peuls comme dogon, sont victimes de conflits perpétrés par des groupes d’autodéfense armés qu’ils ne soutiennent pas toujours. Ils sont aussi victimes, tous deux, des groupes djihadistes qui prennent des villages entiers en otage quand ils ne les rayent pas de la carte. « En janvier, les terroristes sont venus dans mon village. Ils ont tiré sur les hommes, volé les animaux et mis le feu à nos greniers et à nos maisons. Tout a été brûlé, il n’y a plus de village », s’inquiète encore Adam Guindo*. Ce vieil homme au regard triste est le seul Dogon parmi les dizaines de Peuls, venus ce 31 mars, bénéficier d’une des distributions du Programme alimentaire mondial (PAM), en périphérie de Mopti. « Il n’y a pas de problèmes entre nous,s’exclame-t-il après avoir récupéré son sac de riz. On est ensemble ici, dans le même problème. On se cherche tous. » Comme lui, après l’attaque d’Ogossagou, plus de 3 500 habitants du centre du Mali ont déserté la zone pour trouver refuge dans la commune urbaine de Mopti. Depuis mars 2018, dans la région, le nombre de déplacés a été multiplié par 26, passant de 2 151 à plus de 56 000. Ce 2 avril, les bus et les camions, plein de villageois déplacés, continuaient à arriver à Mopti. Tous ont abandonné leur village par peur de vivre le même cauchemar que les habitants d’Ogossagou. Mais combien sont-ils à être encore coincés chez eux, pris au piège par des groupes armés qui ne laissent, à certains endroits, ni sortir les civils ni entrer les organisations non gouvernementales ? Au centre du Mali, l’accès humanitaire n’a jamais été aussi entravé par des points de contrôle principalement tenus par des miliciens dogon, mais aussi par des miliciens peuls. Après le drame d’Ogossagou, le ministère de la sécurité a promis de désarmer tous ceux qui détiennent illégalement des armes, annonçant une vaste opération militaire en préparation.« Nous craignons une crise alimentaire »
« Les transporteurs refusent d’aller dans certaines zones pour venir aider les civils à s’échapper. J’ai dû fuir à pied », raconte M. Guindo*. Derrière lui, la distribution de vivres se poursuit. Les rescapés du centre, listés par les autorités locales, défilent devant les salariés du PAM. Une fois leur identité prouvée, un coupon alimentaire de 7 000 francs CFA (10,70 euros) leur est remis – 42 000 francs CFA (64 euros) pour un ménage de six personnes –, leur permettant de récupérer du riz, de l’huile, du sel, du lait et du sucre.![Des familles reçoivent du riz, de l’huile, du sel, du lait et du sucre du Programme alimentaire mondial, à Mopti, en mars 2019.](https://img.lemde.fr/2019/04/08/0/0/5184/3456/688/0/60/0/09762a9_F62dEq9WUT1wwLUpTY38o1o_.jpg)
Des respacés dans l’incompréhension
Comme elle, d’autres rescapés assurent avoir donné l’alerte aux autorités. Leur marabout était menacé depuis des mois, tant par les groupes terroristes que par la milice d’autodéfense dogon Dan Na Ambassagou, officiellement dissoute par le gouvernement le 24 mars. « Tout le monde était au courant qu’une menace pesait sur lui. Mais on minimisait. Personne ne pensait à un tel projet », admet une autorité de la région. Selon le dernier rapport du groupe d’experts indépendants des Nations unies sur le Mali, publié en février, ce cas n’est pas isolé : « Neuf autres attaques ont été perpétrées dans le cercle de Bankass en décembre 2018 et, selon les informations recueillies, bien que la communauté humanitaire ait alerté très tôt le gouvernement, aucune réelle mesure n’a été prise. » « A chaque fois que les conditions l’exigent, le gouvernement prend des mesures pour apporter des corrections, dans le dessein de voir s’améliorer les choses. Nous saluons le travail des forces armées et de sécurité. Un travail qui n’est pas du tout facile », a déclaré le ministre Amadou Koïta, porte-parole du gouvernement malien, le 29 mars, avant d’assurer que l’attaque d’Ogossagou, « acte ignoble et barbare, ne restera point impunie ». Une enquête a été ouverte pour connaître les auteurs de ce massacre. Les rescapés, eux, restent dans l’incompréhension. Car les forces de sécurité de Bankass sont arrivées dans le village au minimum trois heures après les premières alertes. Leur base n’était pourtant qu’à une quinzaine de kilomètres d’Ogossagou.Source: lemonde.fr
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