Burkina : « Nous aimerions que la Russie prenne la place qui lui revient dans mon pays » (Premier ministre)
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Il y a aussi le volet du commerce qui pourrait être un aspect de la coopération entre la Russie et le Burkina Faso. Est-ce qu’il y a des produits que la Russie pourrait fournir au marché burkinabè ? Ça c’est à vous de répondre. Comme j’ai eu à répondre à mes interlocuteurs, la Russie est une grande puissance mais on ne voit pas la Russie chez moi alors que vous produisez beaucoup de choses. Par exemple en matière de médicaments, vous produisez beaucoup de médicaments qui pourraient être moins chers. Pourquoi, les russes ne viendraient pas ouvrir des pharmacies chez moi au Burkina Faso comme le font les français. Pourquoi, on ne vendrait pas les médicaments russes comme on vend les produits français ? Tous les chantiers sont ouverts. Ça dépendra aussi de la disponibilité des russes. Nous souhaiterions avoir plus de produits russes chez nous au Burkina Faso pour diversifier notre partenariat et ne pas être lié seulement aux occidentaux. Au regard de la crise alimentaire qui se profile dans le monde, est-ce que le Burkina Faso compte aussi sur le soutien russe dans ce domaine ? C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je suis là. Nous ne cultivons pas le blé alors que nous en consommons. Par exemple, pour fabriquer le pain et les gâteaux, on a besoin du blé. Donc, à court terme, nous aimerions que la Russie nous aide en nous fournissant du blé. Parce que à moyen terme, nous aimerions cultiver le blé chez nous. Si la Russie peut nous aider avec ses experts à produire le blé chez nous ça serait une bonne chose. Autre chose, vous savez également que la Russie est un grand fournisseur d’engrais. Ce que nous n’avions pas encore. Nous aimerions aussi que la Russie nous fournisse en engrais. Voilà autant de domaines de coopération. Dans le domaine de l’agriculture également, nous savons que vous avez de bons ingénieurs et de bons experts. On pourra avoir la coopération dans ce domaine également. Actuellement, les engrais russes sont bloqués à cause des sanctions. Mais des efforts sont faits pour dégager les voies afin de fournir gratuitement certains produits aux pays d’Afrique.
La Russie est une grande nation, historiquement, économiquement et militairement. Si elle veut vraiment acheminer des produits chez nous, elle le peut et elle trouvera les moyens. Si elle ne le fait pas, c’est qu’elle ne le veut pas. Est-ce que vous avez pu évoquer la coopération au niveau culturel et universitaire lors de vos échanges ? Oui, on a évoqué cette question avec la vice ministre chargée de l’enseignement supérieur. Nous avons trouvé une grande disponibilité de leur part. Elle a promis que d’ici-là, la coopération va se renforcer à ce niveau. Je dois dire qu’au temps de l’Union soviétique, il y avait un centre culturel soviétique à Ouagadougou. C’est là-bas que nous en tant qu’étudiants, on partait lire les ouvrages de la Russie, les journaux etc. C’est ainsi que nous nous sommes imprégnés de la culture soviétique à l’époque. Mais malheureusement après la chute de Gorbatchev, tout cela s’est fermé. Il n’y a plus de présence russe au Burkina Faso sauf quelques armes. Est-ce qu’avec la venue des spécialistes russes, la langue russe pourrait être apprise dans les écoles burkinabè ? Pourquoi pas. C’est ce que nous souhaitons. Moi-même qui suis là, j’aurais voulu apprendre le russe. Là, notre intervention se serait passée en russe. Malheureusement, il n’y a pas cette occasion. Je vois les écrits dans la ville mais je ne sais pas ce que cela signifie. Parce que je ne sais pas lire en russe. Nous espérons que ceux qui viendrons après nous, seront formés et auront appris la langue russe de telle sorte que les relations seront beaucoup plus faciles. J’ai même proposé qu’il y ait un vol de aeroflot Moscou-Ouagadougou. Parce que la première fois que je suis venu ici en 1988, c’était avec aeroflot Moscou. Cette compagnie a été supprimée. Elle ne vient plus chez nous. Il n’y a vraiment plus de contact entre la Russie et le Burkina Faso. Est-ce que les chaînes russes pourraient un jour remplacer les chaînes françaises ? Remplacer, ça je ne sais pas. Notre objectif, c’est toujours avoir en plus. Ce n’est pas que quelqu’un vient remplacer un autre. Maintenant, si vous êtes présents chez nous, il reviendra aux burkinabè de choisir. Par exemple si vous venez avec des médicaments russes chez nous et que les gens remarquent que ces médicaments sont moins chers et les plus efficaces, spontanément les gens vont aller vers les médicaments russes. Pourquoi moi j’avais pris aeroflot pour faire Paris-Moscou-Moscou-Ouagadougou ? Parce que j’avais comparé les prix et c’était moins cher. C’est pour cela que j’avais pris aeroflot. Si les russes sont aussi présents sur le marché, les gens vont apprécier ; ils auront plus de diversités de choix. L’arrivée de la Russie au Burkina Faso pourrait aussi créer la concurrence avec d’autres acteurs ? Oui et même pour la Russie. Ça pourrait aider la Russie à perfectionner ses produits. Parce que les produits russes seront confrontés aux produits européens, américains, asiatiques. Donc, les russes vont se réadapter et faire face à la concurrence. C’est ce que nous souhaitons. Quand vous venez chez moi, il y a plein de voitures asiatiques qui viennent de Corée, du Japon. Les engins à deux roues qui viennent de la Chine, du Vietnam etc. Mais il n’y a rien de la Russie. Nous souhaiterions avoir plus de produits russes aussi chez nous au Burkina Faso et même des vêtements. Ça pourrait diversifier et ça sera un moyen de compétition pour tout le monde et d’amélioration au profit de la consommation. Est-ce que vous pensez qu’il y a un public qui pourrait être réceptif aux chaînes russes ? Tout dépend de la disponibilité et de la qualité du produit. Si ce que les chaînes russes proposent est compétitif, il n’y a pas de raison que les gens ne choisissent pas de suivre cette chaîne d’autant plus qu’actuellement ils sont saturés par les chaînes traditionnelles. Tout le monde connaît par exemple France 24, CNN qui est une chaîne américaine, et BBC. Mais on ne connait pas de chaîne russe. Vous avez l’avantage de la nouveauté. Les chinois ont une chaîne qui émet chez moi et les gens suivent. Donc, les chaînes russes si elles sont compétitives, il n’y a pas de raison qu’elles ne ravivent pas le marché aux autres. Interview retranscrite par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
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