Cahiers du vendredi : Le coup de poker d’Amadou Haya Sanogo

Mar 31, 2012 - 04:33
Mar 31, 2012 - 04:33
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Une semaine après son coup de force, le CNRDRE est à la pesée des destinées. Aujourd’hui encore, nos rues étaient remplies de cris de fureur aux alentours de la Bourse du Travail. On voit bien que l’heure n’est pas encore à la quiétude des esprits. Côté jardin, des ralliements se font jour et nos militaires boivent du petit lait en revenant aux échos de la marche des jeunes d’hier. Nous disons bien par les jeunes car cela implique une typologie et un changement de perspectives. De l’autre côté, nous avons la visite de nos amis de la CEDEAO qui nous regardent d’un œil noir. L’alternative démocratique que l’on chantait si bien était-elle un leurre ? Nos lecteurs se souviennent de nos précédents articles sur « La course à la clarté démocratique » vue de Bamako et à Dakar. La leçon faite sur ces deux crises en parallèle concernant le cas ATT et celui de Wade : nous avons cédé du terrain d’une petite foulée à côté de la marche de nos amis sénégalais. Wade est allé jusqu’au bout d’une procédure démocratique et il a perdu (Vox Populi). Quant à ATT qui sera évincé, c’est comme si on nous rappelait qu’en gare ferroviaire, un terrain pouvait en cacher un autre. Un Amadou chassait un autre Amadou du pouvoir. C’est la sanction de l’histoire, à savoir que nos deux premiers Présidents de la 3è République ont rendu notre démocratie factuelle. Et nous allons vite vous faire relire ce petit communiqué. S’agit-il d’une lecture aléatoire? Un communiqué signé de l’UMAM soutenant le candidat Jeamille Bittar en date du 23 mars nous livrait ainsi sa sagacité en disant que conformément à la Constitution, toute formation politique qui soutient un coup d’Etat devrait (soulignez par nous) être dissoute et ses dirigeants interdits d’exercer le pouvoir à n’importe quel niveau. Sommes-nous à l’heure des nouveaux Saint-Just ( un révolutionnaire français proche de l’incorruptible Robespierre) ? Toujours est-il que les ralliements aux jeunes putschistes se multiplient au rythme des déclarations à l’ORTM qui se prête au jeu. Un peu comme si nos compatriotes sortaient d’une langueur, d’une torpeur qui avait anesthésié les esprits. C’est un test pour les esprits démocratiques où l’on voit et sait qu’une vraie colère rentrée  habitait les cœurs. Ce sont de jeunes gens qui ont pris d’assaut le tarmac de l’aéroport de Bamako. Ils veulent, à toutes fins utiles, l’immixtion de la communauté internationale dans nos affaires domestiques. Nous avons une démocratie qui prenait les couleurs d’un fruit mûr, cependant nous ne sentions pas la fermentation. Quelque chose sourdait, prête au jaillissement. Mais comment donc le CNRDRE pouvait-il manœuvrer pour s’éloigner de la logique routinière propre à la machinerie de tout putsch militaire ? En se mettant sans doute à l’heure des contre-feux. Et si le comité des militaires se fait seconder dans cette manœuvre par des populations entreprises, il lui faudra faire preuve de beaucoup de doigté. L’ensemble de la classe politique est aujourd’hui appelé à la vigilance et à la plus grande des prudences. C’est une contre-épreuve pour les militaires au pouvoir         Après la nuit des Généraux écartés des allées du pouvoir, hier soir sur les ondes de l’ORTM, ce fut la promesse des Colonels. C’est une clé pour comprendre l’évolution du CNRDRE. Une pluie de nominations d’officiers supérieurs à des postes de commandement, tous par ordonnances numérotés de 1 à 15. Peut-on considérer cela comme un premier acte de gouvernance ? En prélude, le mardi 27 mars était donnée par le Lieutenant-magistrat J.Koné la publication de l’Acte fondamental en considération des nécessités de fixer l’organisation provisoire des pouvoirs publics. L’avènement de la Constitution de la 3è  République y est salué en des termes propres dans un préambule qui nous rappelle le génie propre du peuple dans ses formes de patriotisme et d’unité. Le but de ce repère identitaire de l’Acte fondamental : redonner confiance au peuple, assumer la réconciliation nationale et enfin garantir l’intégrité territoriale du pays. Si les putschistes,  par un trait de plume, avait suspendu une Constitution votée par référendum en 1992, la nouvelle boussole proposée n’en posait pas moins des interrogations, des réserves. D’où ce mélange d’intérêt et de surprise en face des réactions enregistrées face au putsch. Soumaïla Cissé nous dira que les militaires « prétextent » un nécessaire rétablissement de la démocratie quand le Nord n’est ni sécurisé, ni défendu. Nous sommes en face d’un choix occulté, à 35 jours des élections. Tout le cadre institutionnel mis en place depuis 1992 est placardisé. Le Manifeste du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République y va dans ses considérants que tout coup d’Etat rompt avec la forme républicaine de l’Etat., qu’aucun acte pris par le pouvoir de l’Etat d’exception, qu’il s’agisse de l’Acte fondamental ou de communiqué,  n’est assorti d’aucune légalité ou légitimité  qui permet de soumettre les citoyens. Avec la Constitution suspendue, les lois qui en sont la dépendance nécessaire le sont aussi. Tout revient à l’illégalité. Soumaïla Cissé avertissait des conséquences de suspension des programmes de coopération. Et un communiqué du service de presse de l’Ambassade de France à Bamako ne soulignait-il pas « l’impasse dans laquelle s’engageait le CNRDRE en se coupant de la communauté internationale » ? Amadou H. Sanogo et les siens devaient se retrouver ce jeudi 29 mars avec des émissaires Chefs d’Etat de la CEDEAO. L’histoire retient pour l’heure son souffle. Une visite de mise en conditionnement ou d’une conduite à tenir avant toute mise en examen ? Nos voisins venaient-ils  pour dévisager les putschistes et non pour deviser, a-t-on entendu ? L’Union africaine, par la déclaration d’Alger en 1999, condamne toute rupture constitutionnelle avec des sanctions automatiques. Dans l’Acte fondateur du CNRDRE, il y a 5 considérants et il se termine par une sorte d’ordalie, de recueillement sur la mémoire des illustres disparus dans les évènements du Nord-Mali. S’il était apparu plus facile pour l’ancien régime d’ATT de céder, il est désormais plus juste de parler de ceux qui ont renversé ce régime, de résister et de montrer aux rebelles de quel bois les militaires sont faits. C’est une partie serrée qui s’engage entre Amadou H. Sanogo et ses interlocuteurs de tous bords. Prestement, les jeunes militaires nous donnent l’impression de vouloir réviser tout le logiciel de la guerre au Nord. Nouveaux commandements à la tête de structures, nouvelle direction à imprimer, même si les militaires devaient se battre à mains nues ( ?). Le fait est audacieux en attendant d’avoir une vraie discussion avec la classe politique et la société civile et où la confiance serait au rendez-vous… S. Koné  

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