Cheick Ibrahim Kalil Kanouté, président des pieds nus : « Je suis pour la charia, mais contre la violence »

Nov 27, 2012 - 22:15
Nov 28, 2012 - 00:59
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A l’occasion de l’édition 2012 de la rencontre biennale du mouvement des pieds nus qui s’est déroulée à Bougouni courant septembre dernier, le président fondateur,  Cheick Ibrahim Kalil Kanouté a été rapproché par nos soins. [caption id="attachment_108210" align="alignleft" width="350"] Cheick-Ibrahim-Kalil-Kanoute[/caption]

Concernant la crise sécuritaire au Nord-Mali, le président du mouvement des pieds nus a affirmé qu’il est pour l’application de la charia, mais pas pour la violence.

Relais : Comment  ce mouvement a été créé ?

CIK : Lorsque j’étais étudiant au lycée technique de Bamako en 1984, la révélation m’a été faite. Le 4 novembre 1984, j’ai vu  le prophète Mohamed suspendu à 2m d’altitude environ. Quand je me suis réveillé, je ne l’ai plus vu. Dans la nuit du 5 du même mois, le même scénario  s’est reproduit avec un grand bruit m’ordonnant d’adorer Dieu. En plus, j’ai vu le prophète marcher  pieds nus, habillé de cotonnade et je lui emboîtais le pas.  C’était vers la prière de l’aube. Je me suis levé, j’ai fait  mes ablutions et accompli des prières. C’est comme ça que le mouvement est parti. J’ai consacré ma vie à la dévotion à  Dieu.

 Dès lors, mes collègues et les professeurs ont commencé à dire que j’ai changé dans mon  comportement que je ne suis plus comme avant.  Pour autant je ne sentais rien en moi de changé.

De 1988 à 1990, j’ai voyagé sur la Côte d’ivoire et la Guinée. En 1991, je suis venu à Bougouni où j’ai eu des disciples.

 J’ai été torturé,  emprisonné et expulsé de Bougouni avec  une interdiction de séjour de 2 ans. Je suis parti à Kati, de Kati je suis  allé à Ségou puis à Mopti.

Suite à l’assassinat du juge de Dioïla en son temps, le pouvoir m’a accusé sur du mensonge et m’a enfermé à Tombouctou. J’ai fait 15 ans environ en prison. Quand les rebelles sont venus libérer les prisonniers de la maison d’arrêt de Tombouctou, ils m’ont dit de partir et  j’ai refusé.  Je leur  ai fait savoir qu’ils ne m’ont pas mis là. D’ailleurs, quand je leur ai dit  que je ne comprends pas leurs attitudes, c'est-à-dire  tortures, sévisses, des crimes envers les citoyens, eu-égard aux règles divines, les rebelles m’ont demandé de rencontrer leurs  chefs afin qu’on échange sur la religion. J’ai accepté, puis je suis allé rencontrer les chefs des rebelles dans le désert. Chacun de nous a avancé ses arguments, de toutes  les façons je leur  ai demandé de ne pas attaquer mon pays et que je ne suis pas d’accord avec cette violence  sur les citoyens.

Après, je suis venu prendre la décision de ma libération auprès du procureur général de Mopti avant de venir chez mes parents à Kati. De Kati je suis revenu à Bougouni pour la rencontre biennale des pieds nus qui se déroule  actuellement.

Mais je pardonne à tous ceux qui m’ont torturé ainsi qu’à  ceux  qui ont torturé mes disciples.

Relais : Quels sont les principes du mouvement des pieds nus ?

CIK : Ce sont les mêmes recommandés par l’islam. Seulement, moi j’ai voulu imiter le prophète Mohamed (PSL)  que  j’ai vu marcher  pieds nus,  habillé de cotonnade, avec un turban autour  de la tête.

Mes disciples m’ont aussi imité.

 Le prophète était  modeste et très simple dans la vie et nous,  les pieds nus,  voulons être pareils. Sinon, je n’ai dit à personne de porter une chaussure ou de ne pas porter une chaussure. Je n’ai pas dit à quelqu’un de ne pas  porter  un habit « nazarien ». Même parmi  les compagnons du prophète (PSL), il y avait des gens qui étaient galants et qui s’habillaient de façon élégante.

Mais, moi je veux une vie modeste  et simple comme le prophète l’a fait.

 Je tiens à rappeler à tout le monde que je ne suis pas fou, je ne suis pas non plus un escroc qui veut vivre aux  dépends  des autres.  Pour preuve, je n’ai  même pas une poule à mon nom a fortiori une maison ou un autre bien.

Relais : Donc, vous n’avez fait aucune interdiction concernant l’utilisation de la fabrication « nazarienne » ?

CIK : Ce que je peux vous dire, c’est qu’en religion musulmane,  « el araham » qui signifie « l’interdit » est brillant comme le soleil. Ce qui est aussi « autorisé »  est aussi brillant comme le soleil. Cependant, entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, il y a le doute. Le musulman doit s’écarter du doute, de ce qui est douteux.  S’il y a des  choses dont nous ne connaissons pas la source  ou dont les sources sont douteuses nous nous en méfions.

Relais : Quelles sont les perspectives pour l’expansion du mouvement ?

CIK : Je vais toujours continuer à apporter les messages de Dieu aux êtres humains au Mali, en Afrique et dans le monde entier. Je déteste les violences  sur les citoyens, mais je tiens à l’application de la charia. Tout ce que je peux dire, c’est dire aux maliens d’accepter la charia. C’est la charia qui est la loi de Dieu et c’est son application  qui fera le bonheur du peuple. La bénédiction de Dieu  accompagne toujours les communautés qui appliquent la charia.

 Malgré les souffrances que  j’ai rencontrées  à Bougouni, à Ségou  et  à Mopti, ma conviction reste toujours la même. L’application de la charia n’est pas quelque chose de nouveau au Mali. Les pieds nus ont appliqué la charia à Bougouni, à Ségou et à Mopti bien avant l’arrivée des mouvements qui revendiquent  l’application de la loi divine actuellement. Notre mouvement est « abloulah », qui regroupe  « ançardine, kadriya  et autres ».

Mieux encore,  El Hadj Oumar, Tall, Sékou Amadou, Samory Touré, tous ceux-ci  ont appliqué la charia au Mali. Donc, ce n’est pas nouveau.

Nous ne nous  découragerons pas et nous ne serons jamais fatigués dans l’accomplissement de cette mission, qui est de défendre la religion de Dieu

A Kadiolo, 200 militaires  se sont attaqués à 7 pieds nus  et ils ont froidement abattu 3 d’entre eux.

A Dioïla, lorsque le chef d’un village environnant  a adhéré au mouvement des pieds nus, ses détracteurs lui ont demandé de céder la chefferie du village. Suite à cette mésentente  le juge a emprisonné ce vieux, âgé de plus de 70 ans. Ce dernier déjà fatigué par la vieillesse  est tombé malade en prison. Les pieds nus ont sollicité le juge afin qu’il libère le chef de village en vain. Par finir  le vieux est décédé en prison. Vous savez que des situations pareilles font révolter les gens. Et mes gens n’ont pas pu se retenir, ils ont commis cet acte. Et c’est à cause de cela  que le pouvoir a torturé mes disciples à Dioïla et m’a condamné à la prison sur le mensonge. Car, au cours des enquêtes, personne n’as  dit aux agents que j’ai donné l’ordre à quelqu’un d’assassiner le juge.

Mais je  pardonne à tous ceux qui ont commis ces violences sur nous.

Je continuerai de  prêcher la religion dans le monde, d’ailleurs de nos jours, il y a  des disciples  du mouvement au Cameroun, au Canada, en France  et même à la Mecque. C’est pour dire que notre mouvement est répandu aujourd’hui  partout dans le monde.

 Et cela est une chance que le Mali et l’Afrique doivent  profiter, parce que j’ai fermé la porte aux européens qui cherchent à me côtoyer.  Je suis un bon patriote, c’est pourquoi, je  vais toujours servir ce pays. Je m’abstiens d’agresser les paisibles citoyens comme des gens le font actuellement au Nord  et comme les autorités maliennes ont fait sur moi et mes disciples.

Relais : Après votre libération, allez- vous élire domicile à Bougouni où ailleurs ?

CIK : C’est une question délicate. Les disciples de Kati, ceux de Ségou, de Sikasso, partout où il y a des disciples du mouvement des pieds nus, tous ceux-ci veulent que je m’installe  dans leur localité. C’est Dieu qui sait où je serai domicilié dans les jours à venir. Ce qui est sûr,  je serai dans toutes ces localités et en  même temps. Pour cette raison,  de Bougouni  je vais continuer sur le Burkina Faso. Donc, je rassure toutes ces localités que je serai toujours avec elles.

Relais : Quels est votre mot de la fin ?

CIK : Je demande aux maliens d’éviter  d’humilier les grandes personnalités, d’éviter  d’humilier les hommes qui accomplissent la mission de Dieu, « les hommes de Dieu ». Si le peuple cherche à anéantir toutes les étoiles qui doivent l’éclairer, il restera dans l’obscurité.

Le Mali, qui est un pays béni par Dieu, perd progressivement toutes  ses valeurs intrinsèques.

Que Dieu nous bénisse !

Wa assalamou halayekoum !

 

Seydou KONE

 

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