La libération des régions Nord du Mali, sous la double occupation d’envahisseurs islamistes et indépendantistes, ne tient qu’à volonté politique qui fait malheureusement défaut du côté où l’on s’y attend le plus. Les élus des régions de Tombouctou, Gao et Kidal l’ont appris à leurs dépens, la semaine dernière, lors d’une rencontre avec les hautes autorités auprès desquelles ils sollicitaient l’intervention des Forces en Attente de la CEDEAO (FAC).
Las d’attendre une démarche concrète de la part des autorités pour libérer leurs contrées respectives, les élus des régions du Mali, face à la situation chaotique de leurs concitoyens et mandants, sont montés au créneau, depuis deux semaines, pour exprimer leurs attentes et interpeller les opinions nationale et internationale sur la tragédie du septentrion. Des députés, des élus communaux et nationaux de diverses obédiences politiques - mais ayant en partage la sensibilité au drame de leur commune origine - ont choisi en effet de rompre le silence et d’attirer les projecteurs sur l’inaction des décideurs, ainsi que des pouvoirs de fait devant le pénible sort de populations abandonnées par l’armée malienne au joug des envahisseurs. Il faut dire que la débandade des forces armées et son corollaire d’invasion sauvage ont été à l’origine d’un déplacement massif d’habitants, ainsi que d’une situation humanitaire qui frôle de plus en plus la catastrophe, sans compter la destruction progressive de la substance culturelle locale, au nom d’une autre conception de l’Islam.
Sans être opposés aux mesures urgentes en direction des populations (déplacées et demeurant compris), les élus des Régions Nord du Mali estiment que le salut de leurs terroirs respectifs réside plus dans la défense de l’intégrité territoriale. Ils l’ont fait savoir lors d’une récente conférence de presse à la faveur de laquelle ledit collectif, par la voix de leur président, le député Elhaj Baba Haïdara, ont également appelé de tous leurs vœux le recours du Mali aux Forces en Attente de la CEDEAO, en vue de libérer le septentrion du joug d’Ançardine et du MNLA. Il s’agit d’un cri du cœur partagé par l’ensemble des élus des trois régions, lesquels ont par ailleurs convenu de prendre langue avec les hautes autorités, pour les inciter à faire usage de la brèche ouverte au Mali par les chefs d’État de la Sous-Région depuis leur sommet d’Abidjan et confirmée par un plus récent conclave à Dakar.
La démarche des élus du Nord, sous la houlette du parlementaire élu à Tombouctou, les a ainsi conduits tour à tour chez le président de la République par intérim, le Pr. Dioncounda Traoré, et le Chef du Gouvernement, Cheick M. Diarra. Si le premier interlocuteur a donné entièrement satisfaction aux élus en partageant leur approche, le second aura quant à lui totalement éconduit par une perception triviale où le faux et le vrai se côtoient.
De sources bien introduites, en effet, le Dr. Cheick Modibo Diarra, qui donne l’air d’être redevable à la junte même au détriment de la raison et du rationnel, a jugé bon de réagir en rabat-joie. Contre l’attente et l’espoir d’élus déjà meurtris devant le triste sort infligé à leurs administrés et mandants, le Premier Ministre proposé de commun accord entre la junte et la CEDEAO - et nommé par le président de la République par intérim - a été catégorique : pas question d’appeler la CEDEAO au secours malgré l’incapacité criarde de l’armée malienne à satisfaire convenablement aux attentes de reconquête des 2/3 du territoire occupés par les combattants nationaux et étrangers.
Le Dr Cheick Modibo Diarra ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Selon les mêmes sources, il s’est également confondu dans les justifications allant jusqu’à prêcher le faux dans sa tentative de dissuader ses interlocuteurs. «Il faut éviter de réclamer les forces de la CEDEAO», leur a-t-il dit, expliquant dans la foulée que lesdites forces nécessitent des moyens colossaux que l’économie malienne n’est pas en mesure de supporter. Et le PM du CNRDRE d’ajouter, par ailleurs, qu’aucun salarié n’est prêt à renoncer à ses salaires de deux (2) mois pour la libération du septentrion ,comme pour présumer d’une absence totale d’orgueil patriotique chez ses concitoyens et créditer du même coup l’idée de plus en plus répandue que le Nord n’est plus la cause de l’ensemble des Maliens.
Ce faisant, l’actuel Premier Ministre aura pour le moins récolté les fruits d’un arbre planté et entretenu depuis le Sommet de Dakar où il s’est battu de la tête et des épaules pour obtenir que les Forces en Attente de la CEDEAO n’interviennent qu’en cas de demande expresse des autorités maliennes. A quelles fins ? L’explication est toute simple : une intervention de la CEDEAO a été déjà rejetée par la junte qui la perçoit comme force d’interposition et de protection des institutions qu’elle continue de surplomber et de malmener en dépit d’un retour formel à l’ordre constitutionnel.
Mais le hic c’est que les explications et justifications données par le chef du Gouvernement à ses interlocuteurs sonnent comme un parjure dans certaines oreilles. Et pour cause : elles ont été battues en brèche par des connaisseurs qui défendent que nulle part il n’est mentionné, dans les protocoles de la CEDEAO, que les interventions militaires de l’organisation se font aux dépens des contribuables du pays bénéficiaire. Selon tous les textes et traités afférents à la question, c’est la commission de la CEDEAO qui est chargée de trouver les mécanismes de financement, en faisant recours notamment à des systèmes de financement disponibles auprès des partenaires techniques et financiers appropriés. C’est ce qui ressort du reste en filigrane dans le communiqué final du dernier Sommet extraordinaire de Dakar où il est mentionné ce qui suit :
«La conférence instruit également la Commission de prendre contact avec tous les partenaires au développement en vue de les amener à participer au financement effectif et rapide de cette intervention ».
A.Keïta