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![Adam Thiam Chronique du vendredi : Ces « Konna » silencieux !](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/09/adam-thiam-republicain.jpg)
Adam Thiam[/caption]
26 ans, son nom était Marcel Kalafut. Français né en Tchécoslovaquie. A son palmarès : les fronts afghan et centrafricain. Il était écrit qu’il tomberait à Kidal et qu’il serait le huitième soldat français tombé au Mali non au cours d’une expédition coloniale mais d’une campagne de libération qui aura vu tant de sang pur abreuver nos sillons! Damien Boiteux, le précurseur, sept autres de ses compatriotes, et les héroïques Tchadiens qui ont pris l’imprenable Tegargar, les Nigériens, les Nigérians, les Sénégalais.
De temps en temps, l’actualité nous rappelle ces héros tombés ainsi que les milliers d’autres soldats qui veillent notre pays, contre les embuscades traitresses, contre les mines sournoises, contre les roquettes téléguidées. Combien de nos compatriotes se souviennent t-ils encore qu’il y a juste seize mois, le pays qu’ils jurent de chérir fumait sous les feux ennemis ?
Combien, en allant au lit et en se réveillant le matin se rappellent t-ils que quelle qu’épique que fut la lutte pour Konna, elle fut courte et à notre détriment ?
Nous qui aimons convoquer et invoquer Kaya Magan Cissé, Soundiata Kéita, Askia Mohamed, Soni Ali Ber, Samory Touré, Babemba Traoré et tous ces grands noms qui irriguent notre histoire et peuplent nos orgueils. La vérité est que 2012, avec un Etat s’effondrant comme un château de cartes, n’a fait que nous renvoyer au visage nos piteux mensonges, le boomerang de nos dissimulations.
Les kalach pointés sur le pays, le regard rouge-sang de bidasses ivres, cette honte increvable devant un président battu par ses enfants, cette expression gratuite de violence verbale, tout cela était le produit toxique du vent que nous avons semé pour certains, laissé semer pour d’autres. Les replis tactiques, l’alliance narco-jihadiste, les rébellions suscitées ou tolérées, la soldatesque assoiffée de femme, d’argent et de bijoux : rien de ceci n’est la cause du déclin, tous en étaient des symptômes.
Notre mal alors ? Plus exactement nos maux. Ils demeurent. En tout cas, il faut être sûr que nous n’avons pas fait que cacher les symptômes, le temps de les laisser évoluer et réapparaître, « chimio-résistants » et revenant cette fois pour le dégât maximal.
L’incompétence n’est pas la moindre de nos tares : elle ne se corrige pas avec les parchemins de Cambridge ou Oxford et elle se voit aux priorités imposées, aux devoirs esquivés, aux fausses prémisses qui enfantent toujours le mauvais jugement, donc les germes d’autres dérives, d’autres erreurs. Ensuite qui peut ne pas déplorer le sacre permanent de l’individu au détriment de la communauté ?
Nous avons le pays toujours sur les lèvres, dans le ventre quand on peut mais rarement dans le cœur. Les faux fuyants feront le reste aux côtés d’évaluations-bidon et de l’enfumage à grande échelle. C'est-à-dire, le terreau de tous ces « Konna silencieux ». La formule est à la fois profonde et frappante. Elle vient de Moussa Mara. Nous la lui rappelions tous les matins, si nous pouvions. Pour que chaque pas que nous faisons nous éloigne de cette honte.
Adam Thiam