Chronique : Franc-parler : Pourquoi le capitaine Sanogo a montré les muscles
Au moment où les Maliens croyaient avoir réussi, sous l'égide de la CEDEAO, un retour à l'ordre constitutionnel, ils ont assisté, médusés, à des arrestations massives entre le 16 et le 17 avril. 22 personnalités civiles et militaires furent jetées au violon, accusées, selon le patron de la gendarmerie, de détenir illégalement des armes de guerre, voire de comploter contre l'Etat. Le chef des gendarmes, à titre de pièces à conviction, a brandi à la télé quelques malheureuses mitraillettes dont nul ne sait si elles ne sortent pas tout droit des stocks de l'armée.
Cette affaire est une authentique mise en scène digne de la Corée du nord. Dans un pays où existe un président légal (Dioncounda), aucun militaire n'est habilité à arrêter ni à détenir un citoyen; les procédures pénales sont dévolues à un magistrat de l'ordre judiciaire qui ordonne et contrôle d'éventuelles perquisitions puis place les preuves saisies sous scellés. Or en l'espèce, les 22 personnalités ont été cueillies par une escouade d'hommes armés encartés au CNRDRE. Aucun juge n'a été saisi du dossier et les libérations sont intervenues comme les arrestations: sur décision souveraine des militaires, ce qui prouve bien que l'affaire n'a rien de judiciaire. Voilà pour la forme.
Sur le fond, nul ne peut nous convaincre que l'Adema ait tenté un putsch alors que son président vient d'être investi Chef d'Etat
intérimaire. On ne peut, non plus, nous faire croire que Soumaila Cissé, rival de l'Adema, se serait, contre toute prudence, entendu avec ce parti pour renverser les autorités. On nous convaincra encore moins que tous ces apprentis-comploteurs ont manqué d'argent au point d'avoir recours à un prêt bancaire charitablement accordé par le directeur de la BMS, une banque d'Etat ! Quant aux généraux arrêtés, il eût été idiot qu'ils tentent de renverser par des mitraillettes une junte qui les a balayés, eux et leur chef, à coups de BRDM et de roquettes !
La réalité est plus prosaïque. Et plus politique. En effet, lorsque Dioncounda a été investi, il a prononcé un discours qui montrait qu'il se prenait pour un vrai président, non pour une marionnette, et inscrivait son action dans la durée, bien au-delà des 40 jours où le CNRDRE entendait la cantonner. Dioncounda a aggravé son cas en recevant des généraux et de proches collaborateurs d'ATT. Le capitaine Sanogo a vu dans ces actes une menace pour le pouvoir qu'il détient et qu'il entend exercer pleinement tant que durera la transition. Et pour que tout le monde le sache, il a ordonné les arrestations. Fait significatif, Me Kassoum Tapo, dirigeant de l'Adema et du FDR, et Tièman Coulibaly, président de l'UDD et allié de Dioncounda, ont été ramassés par des soldats dans la salle d'attente même du président intérimaire. Comme pour prouver à ce dernier et à tous que le pouvoir réside à Kati et non à l'hôtel Salam, où siège Dioncounda...
Faisant d'une pierre trois coups, le capitaine a cru bon de mettre le grappin sur des leaders politiques (Soumaila et autres) qui contestent son action et des généraux dont il sait qu'ils ne le portent pas dans leur coeur: ils sauront désormais que l'armée les garde à l'oeil et n'aime pas qu'on lui montre la voie des casernes comme on l'a fait à Ouagadougou.
Le sens de l'affaire des arrestations nous a été résumé par un haut gradé à travers cette formule toute militaire: "Il s'agissait d'une opération d'auto-défense préventive".
Qui disait qu'un bon soldat ne parlait pas français?
Tiékorobani
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