Avec l'arrivée des troupes françaises, le président de la transition reprend des forces et les Maliens découvrent même, soudain, qu'il y a au pays une Première Dame. Qui l'eût cru ?
![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2013/01/Dioncounda_Traore1.jpg)
S'il y a quelqu'un, sous nos cieux, qui se réjouit, plus que les autres, de l'arrivée des troupes françaises, c'est bien Dioncounda Traoré. Depuis le 11 janvier, date du largage de la première bombe française sur notre sol, notre homme a cessé d'être un demi-président pour devenir président tout court. Même le qualificatif
"intérimaire" commence à disparaître du langage officiel. Certes, Dioncounda garde toujours son petit sourire et son foulard blanc en signe de paix, mais il ne semble plus craindre les bastonneurs ni les bastonnades. Du coup, il a pris quelques kilos supplémentaires et reluit comme un miroir neuf au soleil. Il est devenu un autre homme et Iyad Ag Ghali a eu tort de prendre à la légère la
"riposte cinglante et massive" que Dioncounda a promise aux bandits.
Vous l'avez sans doute remarqué, c'est Dioncounda seul qui a rendu visite à l'état- major du corps expéditionnaire français au Mali. Il y a à peine trois mois, il n'aurait pu s'y rendre seul; il aurait sûrement été flanqué d'un certain capitaine chargé des reformes militaires et du machin, n'est-ce pas ? Requinqué à bloc, le président, qui craignait de rester dix minutes d'affilée à Koulouba, y multiplie à présent les conseils des ministres. Il en a, par exemple, présidé trois (rien de moins !) la semaine dernière. Et les
"pleins pouvoirs" du Premier ministre ne sont désormais qu'un vieux souvenir. Au reste, après le départ mouvementé de l'astrophysicien Diarra, son successeur Django Sissoko n'a jamais prononcé les mots
"Accord-cadre" et
"pleins pouvoirs". Il a franchement le sens de la diplomatie, celui-là, et il n'a aucune envie de voir quelqu'un
"faciliter" son départ !
Comme un nouveau vent souffle sur Koulouba, monsieur le président est désormais suivi à la trace par les micros de l'ORTM qui, auparavant, semblaient avoir élu domicile à Kati, siège de la junte. Mieux, les Maliens découvrent soudain qu'ils ont une Première Dame. Et qu'elle parle même le français ! En tout cas, du temps où les bastonneurs de
Yerewolo Ton et autres anarchistes du MP22 visitaient le palais, nul n'a vu l'ORTM couvrir les activités de la Première Dame ni n'a entendu parler d'elle. Or depuis six jours, on a eu droit, sur le petit écran, à tous les discours lus par Mme Traoré SirandouDoucouré au Niger et le journaliste, assurément passionné de service public, n'a pas oublié de faire état du généreux don de 5 millions de FCFA que Mme Traoré a effectué.
Cérise sur le gâteau, le président ne dit plus un mot sur les concertations nationales que réclamaient à cor et à cri le docteur Oumar Mariko et ses...patients. Cette joyeuse bande, qui faisait journellement du
ho ha ho dans les rues, a même tout à coup perdu la voix depuis que l'ambassadeur français a tenu à dire sur les antennes que
"l'armée française n'est pas venue au Mali pour amuser la galérie". Quand un ambassadeur ayant, dans les faits, rang et prérogatives de proconsul du Mali parle ainsi, il s'ensuit forcément un couvre-feu comme celui qui a été hâtivement décrété par le gouvernement. Depuis, toute manifestation publique est interdite et les partisans des concertations n'ont plus d'autre territoire que les antennes de
Radio Kayira. Moi, à leur place, j'aurais tenté d'occuper, comme en mars dernier, la piste de l'aéroport de Sénou pour empêcher les cargos français de débarquer. Après tout, il faut se tenir prêt à mourir pour ses convictions, non ? En fin de compte, les concertations nationales sont bel et bien enterrées en lieu et place de Dioncounda Traoré qui, à 70 ans sonnés, n'a jamais été si loin du tombeau de luxe que les
concertateurs lui destinaient.
La rumeur court qu'à l'ombre du parapluie militaire français, Dioncounda va bientôt mettre en place un nouveau gouvernement. Ce ne serait pas trop tôt, en effet, car là-bas, au niveau du parti ADEMA, on n'entend que les sanglots des affamés. Les cadres, qui ont investi leurs derniers sous dans la campagne électorale, se sont vus chasser des hauts postes qu'ils occupaient dans l'administration. Quant au gouvernement, il est, depuis mars 2012, rempli de colonels et de vice-colonels. Il est temps de sécher les larmes des politiciens amaigris avant que la troupe française s'en aille. Car le jour où elle s'en ira, cette vaillante troupe, nos amis bastonneurs pourraient reprendre du service !
Tiékorobani