Venus en foule et à toutes jambes, avec nattes, bouilloires et appétit, assiéger LadjiBourama en sa résidence de Sébénicoro, devenue, pour l'occasion, fort exiguë, les mille et un nomades politiques de la saison 2013 en sont pour leurs frais. Tiékorobani leur consacre, [en page 3], sa chronique satirique des lundis.
LadjiBourama, comme chacun le sait, a fait le pèlerinage à la Mecque; visité, conformément à la prescription prophétique, les deux saintes mosquées; effectué les sept tours de la
Ka'aba et parcouru les collines de
Saffah et
Marwah.Depuis, LadjiBourama ne porte plus qu'un grand boubou blanc et des babouches blanches, couleurs de l'islam. Pas l'islam
jihadiste d'Iyad Ag Ghali mais l'islam cartésien (nuance !). Cérise sur...le chapelet, LadjiBourama a, dans la foulée, oublié tout le latin et le grec appris à l'école au profit des versets coraniques qu'il récite de mémoire. Bien entendu, il s'est lié d'amitié avec le Chérif de Nioro dont on connaît la piété et qui a mobilisé des fonds et des jeunes musulmans pour le soutenir dans la dure marche pour Koulouba. Le Chérif a fait plus : il a maudit publiquement les ennemis de son ami; or, d'une malédiction publique, il reste toujours quelque chose, n'est-ce pas ?
On le voit, LadjiBourama est devenu imam, pardon!, président de la République.
En d'autres termes, Grand Maître des Ordres Nationaux (un collier doré en fait foi) et, surtout, Grand Détenteur du Gâteau National. Et quand il dit quelque chose, il le fait,
inch Allah! Mais voilà: le sort (un très triste sort, franchement!) a voulu que lors de son premier discours d'après-victoire, LadjiBourama, après avoir remercié tout le monde, ait annoncé qu'il n'y aurait
"pas de gâteau à partager". Rajoutant une bonne couche de nivaquine (rien de moins !) à cette grave annonce, LadjiBourama a précisé qu'il "
ne regarderaitpas les visages pour nommer" aux postes de responsabilité, c'est-à-dire pour appeler au festin.
Obligé de tenir parole et d'honorer sa réputation de
Kankelentigui,LadjiBourama s'est condamné, par son court discours, à priver de gâteau ses amis transhumants. Ces derniers, du coup, n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. Et quand on sait combien ils ont faim et soif, l'exercice du sanglot s'avère singulièrement éprouvant.
En vérité, il semble que la montre ait beaucoup joué dans l'affaire.
Le premier à nomadiser a été le seul servi: il a raflé tout seul la part de gâteau réservée aux gens de sa catégorie. Il s'appelle Soumeylou BoubèyeMaiga, nouveau ministre de la Défense. Journaliste dans une autre vie, Boubèye est aussi, et surtout, un éminent spécialiste de la météo politique. Il a détecté, six mois à l'avance, le couloir où souffleraient les vents porteurs de soupe. Et sans souffler mot de ses intentions à personne, ce vieux routier de l'Adema a posé, avant tout le monde, ses valises, sa natte de prière (eh oui, rien ne vaut la prière pour le bonheur d'un transhumant !) , sa bouilloire, son assiette et sa cuillère de nomade chez LadjiBourama.Boubèye s'en lèche aujourd'hui les coudes même s'il a failli tout perdre en nourrissant un sérieux appétit pour les lambris dorés et les gigots grillés de la primature.
Moussa Mara (nouveau ministre de l'Urbanisme et de la Ville) et Tiéman Hubert Coulibaly (nouveau ministre des Affaires Foncières) ne sont pas, en réalité, des nomades mais plutôt des voyageurs libres qui ont sollicité la charité islamique de LadjiBourama.
Ils sont, tous deux, chefs de parti et ils sont venus chez LadjiBourama avec armes, bagages et... appétit. On pourrait les appeler émigrants légaux. Ils n'ont rien à voir avec les "sans papiers", déplacés et autres réfugiés politiques. Lesquels, à dire vrai, se retrouvent tous dans le lac, malgré la qualité de leurs propgrammes et de leur musique. Il faut, en effet, savoir que parmi les nomades, il y en a qui manient la louange et le balafon comme Balla Fasséké, l'ancêtre des griots. Ils passaient la nuit à chanter des poèmes à la gloire de l'homme au gâteau, oubliant que celui-ci, en vrai Ladji, avait lu la très vieille fable du corbeau (possesseur de fromage) et du renard (grand amateur de fromage devant l'Eternel).
Bon, eh bien ! Question gouvernement, les nomades en sont pour leurs frais. Y a-t-il autre chose de comestible à l'horizon ? Il faut bien l'espérer pour eux. Par ces temps de galère où tout politicien qui se respecte s'est ruiné en distribuant du thé et du sucre aux électeurs, il ne fait pas bon de s'asseoir devant une marmite vide. Problème : LadjiBourama, depuis sa prestation de serment, n'est plus joignable, ni physiquement, ni au téléphone. Quant au nouveau Premier Ministre, il a, hélas !, toutes les qualités d'un bon banquier: il n'envie rien à Harpagon !
Va-t-il falloir que les nomades et assimilés se cherchent des sièges de députés ? Là aussi, c'est la croix et la bannière. Avec des scores de 0 à 2% à l'élection présidentielle, rares sont les chefs de tribus nomades à pouvoir se faire élire dans un fief quelconque. Et si jamais ils veulent figurer sur les listes de candidatures du RPM (le parti de LadjiBourama), ce n'est pas gagné d'avance puisque, comme à la Bourse des valeurs, les places y sont devenues chères depuis le 11 août 2013. D'ailleurs, une liste RPM ne sera pas forcément victorieuse puisque LadjiBourama ne tient pas sa victoire de son parti mais d'une main divine.
Alors, faire liste commune avec l'opposition ? La question n'est pas saugrenue, sauf qu'il faut refaire les malles et transhumer à nouveau. Avec le risque de ne pas recevoir chez SoumailaCissé et Modibo Sidibé le gâteau non distribué chez LadjiBourama et de se retrouver grillé des deux côtés comme un
takoula!
Pauvres nomades !
Tiékorobani