[caption id="attachment_56307" align="alignleft" width="344" caption="Les mutins apparaissent à la télévision malienne le 22 mars. REUTERS/Mali TV"]
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Alors que le président ATT reste introuvable et que les nouveaux maîtres du pays peinent à contenir les rebelles, les autres chefs d'Etat d'Afrique de l'ouest tiennent un sommet pour adopter une position commune. L'occasion de faire le point sur la situation malienne.
Pourquoi ce putsch militaire?
Jeudi dernier, une partie de la junte militaire a renversé le président Amadou Toumani Touré. A quelques semaines seulement de l'élection présidentielle du 29 avril, l'autoproclamé Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE) a voulu précipiter les choses... Le porte-parole de ces soldats, le lieutenant Amadou Konaré, l'a expliqué à l'antenne de la radiotélévision nationale dont les mutins ont pris le contrôle.
Le but de ces soldats menés par le capitaine Amadou Sanogo: "mettre fin au régime incompétent" qui se trouve dans "l'incapacité (de) gérer la crise au nord" du Mali depuis la mi-janvier. La rébellion touareg y connaît en effet un nouveau souffle depuis la mi-janvier: elle bénéficie du soutien d'hommes revenus de Libye, lourdement armés, après avoir combattu pour le défunt "Guide" libyen Mouammar Kadhafi. Elle est également parfois aidée par des groupes islamistes armés, en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
"Voilà plus d'un mois que le malaise au sein de l'armée était palpable", notait un universitaire proche d'ATT dès jeudi. "Les effets collatéraux de la révolution libyenne (...) ont ébranlé une société politique fragile", note Vincent Hugeux, grand reporter au service Monde de L'Express en répondant aux questions de nos internautes ce lundi. Le putsch n'est donc pas une réelle surprise.
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Où sont le président ATT et ses ministres?
Le sort du président déchu, silencieux depuis son éviction, reste incertain depuis jeudi. La junte a assuré qu'il allait "très bien" et se trouvait "en sécurité", mais sans dire où il se trouvait. On ignore s'il est prisonnier des mutins ou si, protégé par des militaires loyalistes ou la garde présidentielle, peut-être dans une base proche de Bamako, il préparerait une contre-offensive comme l'a assuré jeudi dernier son entourage... Cette option est peu probable selon une source cité par Libération, "mais il peut tenir longtemps dans sa caserne".
Ce mardi, l'ambassadeur de France Christian Rouyer "a pu s'entretenir par téléphone avec le président ATT, qui l'a rassuré sur son sort [et celui de ses proches]", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bernard Valero, en refusant tout commentaire sur le lieu où se trouverait le président. Un entretien qui, selon Bernard Valero, a eu lieu lundi
Plusieurs membres du régime déchu ont été arrêtés et sont détenus au camp de Kati, QG du nouveau pouvoir, près de Bamako. Quatorze d'entre eux ont entamé dimanche une grève de la faim pour protester contre leur détention "arbitraire" par la junte, selon leur entourage. Parmi les détenus figurent le Premier ministre et des membres du gouvernement.
Les soldats mutins en quête de soutien
Cinq jours après le putsch, la junte semble toujours naviguer dans "l'improvisation permanente", selon Vincent Hugeux... Les militaires mutins espèrent une normalisation de la situation, paralysée depuis jeudi dernier. Ce mardi matin, l'activité semble reprendre dans la capitale avec la réouverture des administrations et de tous les commerces. "Les pillages et débordements des premiers jours ont cessé", mais l'ambiance reste tendue à Bamako, raconte l'envoyé spécial du Monde. "Cette nervosité s'explique. (...) La junte au pouvoir, composée de militaires dont les plus gradés sont des capitaines, (...) est de toute évidence inquiète pour l'avenir."
En quête de soutien, le chef de la junte a "exhorté la classe politique malienne à vite nous rejoindre, sans délai, pour tracer le chemin le plus court de retour à un ordre constitutionnel". Pour l'heure, seul le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi) archi-minoritaire (trois députés sur 147 sièges à l'Assemblée... dissoute!) lui a apporté son soutien en créant le Mouvement populaire du 22 mars (MP22).
Mobilisation générale contre la junte
Le nouveau pouvoir s'est attiré la condamnation de la majeure partie de la classe politique malienne. Les principaux partis du pays ont créé dimanche un "Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FUDR)", pour dénoncer le coup d'Etat. Ce front du refus manifestait ce lundi à Bamako. "Nous exigeons le retour à l'ordre constitutionnel", "A bas les putschistes, vive la démocratie et vive le Mali", proclamaient des banderoles.
Sur le plan international, la moisson des soutiens est tout aussi maigre... Le putsch a aussi été condamné par l'ensemble des nations. Les Etats-Unis ont même annoncé la suspension de plusieurs dizaines de millions de dollars d'aide au pays. Cette unanimité s'explique par le fait que le mouvement des mutins "conduit à un recul de la démocratie", comme le note l'anthropologue André Bourgeot interrogé par Slate Afrique. Ce coup d'Etat semble "porteur de graves périls pour l'unité nationale du Mali", selon un africaniste de l'Elysée interrogé par L'Express, pour qui "ce putsch n'arrange rien pour personne."
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Quelle est la situation dans le nord, où la rébellion progresse?
Principal "péril": la progression de la rébellion dans le nord du Mali. Les putschistes ont dénoncé l'incapacité du régime déchu à la stopper... mais leur action nourrit un flou susceptible de profiter aux rebelles du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad), analyse encore l'anthropologue André Bourgeot sur Slate Afrique.
Totalement acculée, la junte a appelé lundi soir les rebelles touareg à "cesser les hostilités". "Nous les exhortons déjà à cesser les hostilités et à rejoindre dans les plus brefs délais la table de négociation", a déclaré sur la télévision publique son chef, le capitaine Amadou Sanogo. "Tout est négociable à l'exception de l'intégrité du territoire national et de l'unité de notre pays", a-t-il affirmé.
Comment sortir de la crise malienne?
Un sommet extraordinaire s'est ouvert ce mardi à Abidjan sur la situation au Mali, afin de remettre le pays sur des "rails constitutionnels", comme le note l'International Crisis Group. Sur invitation du chef de l'Etat ivoirien, Alassane Ouattara, patron en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, qui regroupe 15 états, sept présidents ouest-africains ont fait le déplacement d'Abidjan. Deux représentants de la junte malienne sont aussi à Abidjan et "seront entendus par les chefs d'Etat", selon l'entourage de Ouattara.
Le chef de la junte s'est d'ailleurs adressé à ces représentants réunis à Abidjan, ce mardi, écrit Jeune Afrique. "Dans ces heures difficiles mais historiques, nous leur demandons de bien vouloir accepter d'accompagner le CNRDRE à réussir sa mission de redressement de notre démocratie et de la restauration de l'autorité de l'État", a demandé le capitaine Amadou Sanogo.
"Nous devrons prendre d'importantes décisions à l'occasion de ce sommet qui engage l'avenir de la démocratie", a déclaré le président ivoirien, en ouverture des discussions. "Il nous faudra adopter une position commune sans équivoque sur la double crise politique et militaire qui secoue le Mali. (...) Nous devons également mettre en oeuvre des stratégies pour lutter contre les fléaux et les menaces qui fragilisent notre sous-région" au-delà du cas malien.
lexpress.fr
27/03/2012 à 18:42