Plus de la trentaine, bon teint, Joyce Johnson, de nationalité libérienne, est une vendeuse de sexe. Elle est dans ce milieu depuis 15 ans. Au moment où elle quittait notre pays pour une destination qu’elle s’est refusée de révéler, à cause des multiples maladies qu’elle traînait, elle a préféré nous parler de son état de santé lamentable, de ses malheurs et de ses déboires pour que les autres filles puissent s’en inspirer afin de cesser de se prostituer. Lisez attentivement ses confidences. C’est pathétique !
Le Prétoire : Comment êtes vous venue dans ce milieu de la prostitution qui traîne derrière elle la violence, l’escroquerie, le déshonneur et des maladies de tout genre?
Joyce Johnson : Je suis née à Abidjan à un moment où je n’ai pas eu la chance de connaître ma mère. En un mot, elle est décédée au moment où je venais de naître. J’ai été élevée par mon père et sa deuxième épouse. Mon père était chaque fois sous l’effet de l’alcool et me battait pratiquement tous les jours. C’est ainsi que grâce à une amie, j’ai décidé de fuir la maison familiale pour partir à l’aventure et subvenir à mes besoins. J’ai mobilisé des moyens et nous avons pris la route de la Guinée dans un premier temps. Après des mois de recherche pour trouver un job, la déception était toujours au rendez-vous. La monnaie guinéenne, une vraie monnaie de singe parce qu’elle ne vaut rien, nous a permis de nous installer dans un premier temps au Nigeria, puis au Bénin et finalement au Mali depuis une dizaine d’années. C’est maintenant que j’ai compris que le métier de la prostitution n’a que des inconvénients.
Parlez-nous un peu de vos aventures à travers ces pays?
C’est une aventure à risque. Il n’y a rien de sérieux dans la vie qui puisse amener une personne à vendre son corps. C’est pour cela que je demande à mes sœurs que vendre de l’eau au bord de la voie ou au marché vaut mieux que de se livrer à des hommes, moyennant une rémunération. J’ai quitté le Nigeria parce que j’ai été tabassé par des hommes. Au départ, c’est un seul client qui s’est présenté à moi pour l’accompagner à la maison. Je fus surprise de voir qu’ils étaient au nombre de quatre pour faire l’amour avec moi. Je ne disposais d’aucune force pour éviter le pire au cours de cette soirée. Une date qui est restée gravée dans ma mémoire. Au Bénin, j’ai été dépouillée de la somme de 300.000 Fcfa. Après avoir amené le client chez moi pour y passer la nuit, pendant que j’étais en plein sommeil, il m’a dévalisée. C’est un chauffeur routier qui m’a fait comprendre que la prostitution marche au Mali. J’ai compris, à Bamako, que tous les hommes n’aiment pas le préservatif. Ils préfèrent mettre assez d’argent en jeu pour trouver la partie intime sans aucun préservatif. Ce sont vraiment des aventures à risque.
Malgré que le Vih/Sida existe, vous prenez le risque de vous livrer à des relations occasionnelles sans vous protéger?
Il faut être de ce milieu pour comprendre que l’argent à droit de cité. La manière dont tu le reçois, c’est de cette manière que l’argent se volatilise. La prostituée est obligée de se donner dès que l’argent est déposé pour une simple séance. Aujourd’hui, j’ai peur de faire le dépistage de cette maladie qui est le Sida. La fois passée, un homme m’a proposé sur le champ cinquante mille (50.000) Cfca pour une nuit. Et voilà que j’étais à la recherche de 40.000 Fcfa pour payer mon loyer. Impossible de refuser dans ce cas. J’ai accepté du coup sans me protéger.
Vous avez peur de faire le dépistage. Dites-nous de quelle maladie vous souffrez exactement?
Impossible de vous le dire concrètement. Je suis tout le temps fatiguée. C’est pour cela que j’ai décidé de partir pour un autre pays dont la destination est un secret pour moi seule. C’est le lieu de vous dire que toutes les prostituées sont des malades. Ce travail est une malédiction sur cette terre et personne ne pourra me dire le contraire.
Peut-on avoir une idée de tes lieux de prédilections et pourras-tu nous dire si ce métier rapporte gros pour toi?
Je pars juste dans les bars pour prendre trois consommations de whisky pour pouvoir tenir le coup. Je préfère les hôtels et les maisons. Si le client me paraît un peu suspect, je refuse de partir chez lui pour éviter des ennuis, comme cela s’est passé avec moi au Nigeria. Au départ, cela me rapportait gros. Il arrivait des moments où je rentrais à la maison avec cent mille (100.000) Fcfa ou plus. De nos jours, je peux avoir plus de 20.000 Fcfa par jour si la chance n’est pas de mon côté. Sans vous mentir aussi, il y a des jours où je rentre à la maison sans un seul rond.
Ce qui veut dire que votre teint attire les adeptes du sexe?
(Rire).
Quelque part oui. La première des choses est d’être propre pour les attirer. Et il faut la manière pour mettre l’homme dans le sac. Lorsque la première fois marche, la fois suivante, il est obligé de te joindre sur ton portable quand il sera dans le besoin. Je n’accepte pas tous les hommes. Les petits délinquants proposent la somme de 2 000 ou 5 000 Fcfa. Il me faut toujours un gars qui peut mettre la main à la poche. D’autres hommes me proposent de se marier avec moi, mais j’ai toujours refusé car ils ne sont pas du tout sincères de nos jours. Je comprends que c’est tout simplement une manière de bien profiter de moi et me dire merde un beau matin.
Est-ce qu’il arrive aux prostituées de faire le bilan de leurs clients occasionnels à la fin du mois ?
J’ai eu mon Bepc à Abidjan. Faire le bilan est très facile pour moi. A chaque fois que je rentre à la maison, je note le nombre de mes clients. Je ne me rappelle plus pour les années passées. Mais en 2011, j’ai eu le passage de 312 hommes. En 2012, je suis à 201 hommes avant de prendre la route pour un autre pays. Pour cette année, cela est dû à la crise. Je retourne pour faire du commerce et voir si cela est encore possible pour moi de trouver l’homme de ma vie. C’est mon souhait le plus ardent.
Un conseil à l’endroit de vos sœurs qui sont dans le plus vieux métier du monde?
Je leur demande de mettre fin à ce travail abominable dans lequel on a l’impression d’être une esclave. Je leur conseille de se mettre au bord de la route pour vendre quelque chose et de ne plus offrir leur corps. Le corps de la femme est sacré. Nous, nous avons commis des erreurs et nous demandons pardon au bon Dieu.
Propos recueillis par
Destin GNIMADI