Confidentiel Axe San-Bamako: La route qui tue
Exploitation d’or au Mali: Ruine et désolation pour les populations vivant sur les sites miniers
Les grandes montagnes naturelles et les immenses cours d’eau poissonneux cèdent la place à un champ de ruine et de désolation Il n'y a pas pire cauchemars que de voyager entre Kayes et Kéniéba en période hivernale. J'en ai appris à mes dépends à la faveur d'une expédition que j'ai effectuée en septembre 1998. Au cours de cette expédition, nous avions souffert le martyr. J’y avais accompagné un ami d’école, qui rendait visite à ses parents, qui y étaient installés depuis des décennies. Les siens ne sont pas originaires de cette bourgade, jadis petite et souriante ville perdue au milieu des collines verdoyantes qui l’entourent et sous les feuillages des grands arbres qui séparaient les dernières maison et les hauts plateaux. Le père de mon ami, le premier membre de leur famille à s’installe, est arrivé à Kéniéba au début des années 70. Il était un agent de l’ex-SOMIEX (Société malienne d’importation et d’exportation), qui y avait été affecté. Les opportunités de réussite sociale que cette ville lui a offertes ont fini par avoir raison de la nostalgie de son village d’origine (Soulouba dans l’Arrondissement de Kéléya, Cercle de Bougouni). Après sa retraite, il s’y est définitivement installé pour exploiter un vieux camion de son ex-service employeur, qu’il a acquis à la réforme. Avec ce vieux camion de transport des personnes et des marchandises, il a parcouru toute la zone. Pour en venir à notre expédition, j’avoue que nous avions souffert le martyr. Nous étions partis pour seulement deux semaines de repos, dont dix jours passés sur la route. Car, c’est au dixième jour de parcours que nous franchissions enfin les portes de la ville à bord d’un Pick-up, affrété par le père de mon ami pour cueillir à moins de 80 km de la ville, où le camion, qui nous transportait, un Berley de fabrication allemande, était immobilisé dans la boue, impossible de bouger. Nous avions séjourné au bord d’une autre grande marre pendant 72 heures. Le temps que le niveau de l’eau baisse permettant aux usagers de gagner l’autre rive du cours d’eau. Rappelons que Kéniéba est situé dans la zone pré-guinéenne. Elle peut recevoir plus 1000 à 1 200 mm de pluie par an. La zone est traversée par une succession de chaînes de montagnes et de grands cours d’eau. Selon les anciens géologues de la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM) et de la Société nationale de recherche et d’exploitation minière (SONAREM), jusqu’au début des années 90, Kéniéba était un paradis terrestre. Il y faisait bon vivre. Les grandes mares produisaient d’énorme quantité de riz et de poissons de belle facture. Pour accéder à certains endroits, le visiteur était obligé de lutte contre les longues des lianes qui coupaient la voix au passage. Certaines mares contenaient de l’eau les 12 mois de l’année. Les populations alternaient entre le travail de la terre (agriculture, élevage et pêche), l’orpaillage et le commerce. Mais, victime de sa trop pleine de richesse en or et d’autres ressources de valeur cet étendu de terre paradisiaque d’alors devient au fil des ans l’enfer des populations. Avant d’embarquer à bord d’un camion Berley de fabrication allemande, j’hâtais de voir cette bourgade, tant ventée par mon ami. Jusqu’ici, le camion est le moyen idéal pour relier Kayes-Kéniéba par route. Actuellement, certains transporteurs changent de carrosserie en remplaçant le carassore par une voiture avec des fauteuils pour le transport des personnes. Après notre départ de la gare de Kayes, notre misère commença après seulement une trentaine de kilomètres parcourus. C’était devant une rivière, appelé par les habitants du coin « Bitèguèla ko ». Elle coule avant ou après le village de l’ancien président, gl Moussa Traoré, selon la direction de la destination. Nous y avons trouvé sur place un parterre de véhicules (camions et voitures de transport de personnes et des biens) et de particuliers. Ils partaient dans les deux sens Kéniéba-Sadiola-Kayes et vis versa. Bitèguèla ko est à environ une cinquantaine de km de Sadiola, où la première grande unité industrielle d’extraction d’or grâce à sa taille est installée. La mine est exploitée depuis 1996 par la Société d’exploitation de la mine d’or de Sadiola (SEMOS-SA), appartenant IAMGOLD (38 %), à AngloGold Ashanti (38 % et exploitant), le gouvernement du Mali (18 %) et à la Société financière internationale (un membre de la Banque mondiale) 6 %). Sadiola est une commune rurale dans le cercle et la région de Kayes. Elle est située à 80 km de Kayes. D’une superficie de 3 050 km², elle englobe 46 villages et 50 hameaux. Elle compte environ 3 000 habitants. À Bitèguèla, nous avons passé notre première nuit de route avec des véhicules appartenant et transportant des employés de SEMOS-SA. Au premier jour de notre séjour devant le cours, une Land-Rover de couleur blanche appartenant à la SEMOS-SA s’est renversée dans la rivière avec ses occupants, au nombre de six y compris le chauffeur. Heureusement, il n’y a pas de perte en vies humaines. Le Chauffeur avait été trompé par le niveau de l’eau qui semblait baissée de volume parce que les villageois traversaient le cours d’eau à pied. Mais étant natif du lieu, ils avaient certainement un secret ignoré de simples passants. Le chauffeur en a appris à ses dépens. Le même soir un autre véhicule, une Land-Cruser, appartenant à une compagnie de transport de la place, s’est lui aussi renversée avec ses occupants. À la différence du premier, deux des passagers de la Land-Cruser ont manqué à l’appel après leur repêchage. L’une des deux victimes, un certain Mamadou un natif de Djiocoroni para, était le chauffeur d’un camion-citerne de la même compagnie. Après avoir transporté le carburant à Sadiola, son camion y était resté immobilisé avec d’autres gros-porteurs pendant des jours à cause de l’état de la route. Au lendemain de ce drame, alors que le niveau de l’eau s’était réellement baissé, nous embarquions tôt le matin à bord de notre camion pour se lancer à l’assaut de la route de Kéniéba. Sur le trajet, nous atteignons, après une vingtaine de kilomètres de parcours, un convoi d’environ une dizaine de camions-citernes remplis de carburant destiné à la consommation de l’usine. Le convoi était accompagné, ce jour-là, par un arsenal de guerre contre la boue, composé de pelles, de bennes, des chargeurs et des gratteurs. Toute la crème de commandement de l’usine avec le directeur en tête était là. Les ouvriers réparaient la route pour dégager le passage des camions au fur à mesure que le convoi avance jusqu’à Sadiola. Selon les témoignages recueillis sur place en son temps, les camions étaient partis de Kayes environ cinq jours en avance. Il n’était pas non plus évident qu’ils atteignent la destination en temps voulu. Tandis que le stock de carburant de l’usine s’était séché jusqu’à atteindre le seuil critique. Si les camions ne rentraient pas ce jour-là la centrale qui alimente l’usine en électricité allait s’arrêter de tourner. Après des heures de travail acharné des ouvriers, le convoi entre enfin à Sadiola au crépuscule en compagnie du long fil de véhicules de transport et de particuliers, dont le nôtre. Nous y avons passé la nuit. Au lever du jour le lendemain matin, nous prenions le départ direction Kéniéba. Depuis à la sortie de Sadiola, nous renouions avec la souffrance, qui nous poursuivra jusqu’à notre transbordement au bord du Pick-up affrété par le père de mon ami. Jusqu’ici, la route Kayes-Kéniéba reste encore un calvaire pour les usagers, en dépit de la présence des 9 usines d’extraction d’or dans la zone. Tandis que les trois géants de l’industrie minière sud-africaine IAMGOLD corporation, AngloGold Ashanti et RandGolde ressource règne maître absolu dans le secteur. Ils y exercent un quasi-monopole sur l’exploitation de l’or de notre sous-sol depuis la deuxième moitié des années 90. Lors de l’inauguration de la nouvelle mine d’or de Gounkoto, le maire de Kéniéba, Mamadou Sarif Diallo, est revenu à la charge, concernant cette question cruciale de route entre Kayes et Kéniéba. Pourtant les deux villes ne sont séparées que de 250 km. Le projet routier Mali-Sénégal par le sud-ouest a rapproché Kéniéba à la capitale (Bamako). Par contre pour rallier Kéniéba à Kayes, c’est un véritable calvaire surtout, en période hivernale. La bourgeoisie minière qui ne se déplace qu’à vol d’oiseau n’a que faire des difficultés des populations dont elle exploite les ressources pour entretenir son immense terrain de vie à plus de 4 000 km de nos frontières en Afrique du Sud, Europe ou Amérique. À part Gounkoto, chacune des usines dispose d’une piste d’atterrissage. Après l’épuisement de ses mines d’or, qu’est-ce que les Sud-africains laisseront aux pauvres populations de Kéniéba et Communes rattachées : Baye, Dabia, Dialafara, Dombia, Faléa, Faraba, Guénégoré, Kassama, Kéniéba ; Kouroukoto, Sagalo et Sitakili ? La sur exploitation de l’or est en train de polluer tout l’environnement du Cercle, notamment l’eau de surface et en profondeur à cause du cyanure. Les grands cratères ouverts par endroits pour y extraire de l’or resteront à jamais des dangers permanents à la fois pour les personnes que pour les animaux. Les montagnes artificielles érigées en lieu et place des collines naturelles, mettront du temps à remplacer les grands arbres abattus pour le besoin d’extraction de l’or. Alors que vivants, ils participaient à l’équilibre de l’écosystème. Mohamed A. Diakité
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