Rien n’a filtré de la rencontre entre Tiébilé Dramé et les bandits armés à Nouakchott mais tout semble indiquer qu’il a pu amorcer le dialogue avec le Mnla. Mais le schéma auquel certains croient, une alliance avec les criminels, est loin d’enchanter tout le monde.
[caption id="attachment_46076" align="alignleft" width="400" caption="Des rebelles en patrouille dans le désert du Mali (photo New York Times)"]
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La junte militaire qui a fait du nord le prétexte à son coup de force semble avoir totalement oublié que trois régions du pays sont toujours sous occupation armée. Rien n’est entrepris par les putschistes pour sortir la situation de l’enlisement. L’on avait cru que la Cedeao, après ces déclarations pompeuses et fanfaronnes allait foncer tout droit sur l’ennemi. La communauté internationale dans un bel ensemble a condamné l’invasion des bandes armées qui, sous la bannière du jihadisme comme Ansar eddine, Aqmi ou le Mujao, ou sous le prétexte d’une indépendance chimérique, comme le Mnla, ont posé des actes extrêmement graves dans le septentrion. A part condamner et recommander le dialogue et les négociations, rien.
Le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, qui vraisemblablement n’est plus candidat à la prochaine présidentielle, semble vouloir s’inscrire dans le même créneau. Il a envoyé spécialement Tiébilé Dramé, président du Parena, qui lui est toujours candidat à la magistrature suprême, prendre langue avec les bandits armés du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) à Nouakchott. C’est ce pays, complaisant et complice, qui accueille, loge, nourrit et finance les indépendantistes depuis des années.
Ancien ministre chargé des affaires étrangères, et un peu originaire du nord (il est de Nara), Tiébilé Dramé connait très bien le dossier du nord, quoiqu’en disent ses détracteurs. Il est sans aucun doute, avec Soumeylou Boubèye Maïga, le chef de la diplomatie malienne, l’acteur politique qui connait le plus ce dossier. Son parti a fait des contributions de qualité sur la question et n’a eu de cesse de tirer sur la sonnette d’alarme à propos des risques croissants d’insécurité, notamment ceux liés à la non-exécution correcte de l’Accord d’Alger (juillet 2006). Mais que peut-il faire ? D’une part, le Mnla a fait sa déclaration d’indépendance d’un Azawad qu’il ne contrôle pas. La réalité sur le terrain c’est que les indépendantistes ont été supplantés militairement et numériquement par les mouvements jihadistes qui eux ne veulent pas entendre parler de sécession, mais plutôt de l’application de la loi islamique, la charia, sur toute l’étendue du territoire national. D’autre part, les autorités maliennes et la communauté internationale restent inflexibles sur le fait que l’intégrité territoriale du Mali n’est pas négociable.
Tout semble indiquer que Tiébilé Dramé, à la demande de la France et de certaines autorités de la sous-région, est allé en Mauritanie pour négocier une action conjointe armée malienne, forces militaires de la Cedeao et combattants du Mnla contre les mouvements intégristes occupant le nord du Mali. Ce projet que la France, qui a fait du Mnla son protégé favori, a toujours nourri a toutes les chances d’aboutir d’autant plus qu’il a également l’aval de la Mauritanie et surtout de l’Algérie, deux pays incontournables dans la lutte contre les bandits armés.
L’Algérie, cible des intégristes, n’acceptera jamais de plein gré l’implantation d’un Etat islamiste à ses frontières sud. Pas plus que la Mauritanie et encore moins les pays occidentaux dont la vente florissante de ses ressortissants constitue la première source de revenus des jihadistes. Le Mnla, qui sait que son projet d’indépendance ne sera jamais accepté des populations ou des autorités maliennes, même s’il espère secrètement que la France et la communauté internationale pourraient fermer les yeux au nom de la lutte antiterroriste, aura tout intérêt à accepter un pareil deal contre l’assurance faite à ses chefs d’échapper à d’éventuelles poursuites pour toutes les atrocités commises lors de leur occupation. Mais aux yeux du Malien lambda, ce sera une compromission d’autant plus inacceptable que ses auteurs ne tiennent pas compte de l’opinion des principaux intéressés : les populations du nord qui souffrent le martyr.
En effet, de sources concordantes, ce sont les éléments du Mnla qui sont la cause de tous les actes de destruction, de viols, de barbarie, de pillage et de saccage perpétrés dans les villes occupées. Personne n’oubliera non plus que ce sont eux qui ont lancé la rébellion le 17 janvier 2012 à Ménaka, une occasion dont les autres groupes armés ont profité pour se lancer dans l’aventure. Et si ceux-ci ont participé à l’offensive, c’est pour se tailler un territoire pour y implanter leur charia. Et ils réussissent pour le moment. Ils pourchassent violeurs et voleurs, pilleurs et casseurs pour les punir conformément à la loi islamique. Ils assurent si bien la police et distribuent si bien la justice qu’ils sont aujourd’hui plus aimés que les éléments du Mnla honnis à jamais.
Dans la ville de Tombouctou, nombreux habitants sont en parfaite phase avec les barbus en qui ils se reconnaissent, des barbus venus pour redresser des mœurs en dépravation, corriger des déviances. Alors dire à ces populations qu’on s’est allié avec le Mnla pour combattre les jihadistes, c’est comme leur dire qu’on s’est compromis avec le diable contre Dieu. Mais si un Iyad ag Ghali n’a rien d’un saint et que son action a été entreprise uniquement dans le but d’intensifier ses activités mafieuses afin de se faire encore plus d’argent, l’union sacrée avec le Mnla sera perçue d’un très mauvais œil.
Alors monsieur le président par intérim, si tant est-il que vous avez quelque pouvoir, allez en guerre contre tout le monde, le Mnla en tête.
Cheick Tandina