Croisade contre la corruption et la délinquance financière : Le garde des sceaux botte dans la fourmilière

Nov 22, 2012 - 03:17
Nov 21, 2012 - 18:22
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A la grande satisfaction de tous les maliens épris de justice et d’équité, le Ministre de la justice, Garde des Sceaux vient de prendre une décision courageuse qui fera date dans les annales de la lutte contre la délinquance financière.   [caption id="attachment_70930" align="alignleft" width="434"] Le ministre de la Justice, Malick Coulibaly[/caption] Il vient, en effet d’instruire au Pôle économique de remettre à plat, dans toute l’acception judiciaire du terme, les dossiers d’investigation du bureau du VEGAL et de la CASCA de 2003 à aujourd’hui. Sidati Dicko, procureur du pôle économique de la commune 3 de Bamako, a donc sorti les dossiers concernés et les a répartis entre ses 9 substituts. De sources sures, le Ministre serait irrémédiablement décidé à aller jusqu’au bout. Les tout prochains jours risquent d’être «très chauds» dans certains salons cossus de Bamako où on avait pensé que les dossiers étaient classés sans suite. Les spécialistes du droit pénal approchés à ce sujet, sont formels ; le classement sans suite d’un dossier n’est qu’une mesure d’administration de la justice qui ne veut forcément pas dire que la procédure est éteinte. Sauf cas de prescription avérée (dix (10) ans en matière criminelle), la procédure pénale peut être relancée à tout moment soit par le supérieur hiérarchique du parquet qu’est le Garde des Sceaux ou les victimes concernées au moyen d’une constitution de partie civile devant le juge d’instruction. Il faut savoir que de 2003 à aujourd’hui, pas moins d’une dizaine de rapports de contrôle ont été produits à l’attention du Président de la République, premier Magistrat. A ce jour, les limiers de la République, VEGAL et CASCA ont relevé que pas moins de 200 milliards de nos francs ont été détournés par des préposés véreux. Plusieurs structures grosses pointures ont été  concernées par ces investigations : INPS, Caisse des Retraites, Douanes, Impôts, Trésor et quelques structures dans lesquelles l’Etat est actionnaire telles que la BNDA et la BHM. Les actes dénoncés sont aussi disparates qu’exotiques. L’on note indistinctement des cas de détournements de plusieurs centaines de millions  de recettes publiques via des comptes bancaires privés;  des crédits de TVA injustement consentis ; des exonérations sans fondement ; de la surfacturation éhontée dont l’archétype  aura été la risible et désormais légendaire présentation par la DAF du ministère  chargé des mines des factures de thé et café pour plus 11 millions de francs CFA. Peu importe l’impact ou le procédé prédateur utilisé, le résultat est le même : L’Etat a été durablement frustré de ses deniers par des rapaces protégés par un leader permissif. De sources crédibles, le dossier BNDA serait un des plus préoccupants de l’heure car, en plus du rapport du VEGAL, un des Directeurs financiers de cette banque, soupçonné en 2009 d’avoir servi de «mouchard» pour aiguillonner les limiers du VEGAL a, suite à son licenciement, expressément dénoncé par plainte au parquet du Pôle économique les agissements répréhensibles de la Direction Générale. La litanie d’infractions citées dans cette plainte n’a rien à envier aux pratiques «calabraises» d’un autre temps: vol, fausse facturation, détournement d’actifs immobilisés, faux et usage de faux, etc. Pour des raisons inexpliquées, sa plainte avait été, tout simplement, classée sans suite. Interrogées sur les raisons de cette massive exhumation de dossiers sulfureux, une source proche du département de la justice nous confie que la plupart des rapports de contrôle du Végal et de la Casca avaient été remises au placard sous le régime d’ATT. A ce sujet, la même personne affirme que : «Les sommes en jeu sont colossales. Depuis 2003, le Vérificateur général, que le contribuable malien entretient à grands frais (21 milliards de 2003 à 2011), n’est pas pris au sérieux et ses dénonciations sont ignorées ou sciemment bloquées par la justice. Le tort est grand pour les Maliens et le crédit de l’Etat. En 2011, le rapport du Vérificateur général fait état de 10 milliards volatilisés. Celui de 2010 fait état de 34,5 milliards disparus. Entre 2004 et 2010, le BVG a effectué 102 vérifications financières dans 79 entités. Ces vérifications ont pointé 382,9 milliards de FCFA de manque à gagner pour le Trésor Public dont 252,81 milliards proposés au recouvrement. Elles ont concerné tous les services publics. A ce jour, presque tous ces rapports dormaient dans  des tiroirs. Et je vous fais grâce des détournements découverts par la Casca: en 2009, elle en était à 261 rapports auxquels aucune suite n’a été donnée. Vous mesurez alors  ce que le pays gagnerait à récupérer toutes ces sommes !» Les raisons de l’immobilisme Au grand dam des maliens et surtout des bailleurs de fonds canadiens qui avaient tant apprécié et financé l’institution de Bureau du Vérificateur Général, plus de 90% du travail d’investigation mené par cette structure avait été soigneusement rangé dans les placards de Koulouba et du Pôle économique. La plupart des responsables épinglés sont encore libres de leurs mouvements sans le moindre sou remboursé à l’Etat. Pire, certains continuent à occuper les mêmes fonctions pour lesquelles leur indélicatesse à été révélée. A l’analyse, nous pouvons dire que le traitement diligent des dossiers de crime économique a souffert de maux suivants : -    Limites organisationnelles pôle économique qui ne dispose pas de moyens matériels et humains pour approfondir les investigations ; -    Insuffisance du personnel judicaire, très souvent mal à l’aise s’il est question de s’écarter du juridisme pur et dur pour aborder les approches comptables des dossiers ; -    Corruption de l’appareil judiciaire; -    Influence négative du leadership suprême incarné par ATT qui avait publiquement désavoué le VEGAL en jetant publiquement le discrédit sur ses rapports de missions de contrôle. Le même ATT n’a pas hésité en déclarant urbi et orbi qu’il n’a pas l’intention d’humilier les respectables pères de famille fussent-ils de voraces criminels à col blanc ; -    Indolence de la société civile qui pouvait, comme nous l’avons vu au Sénégal voisin, s’ériger en défenseur farouche du pain collectif et constituer un véritable contrepoids à l’inertie des autorités politiques et judiciaires ; -    Et, reconnaissons-le, le manque de profondeur dans certaines investigations primaires et la tendance des rapporteurs à confondre  mauvaise gestion et gestion frauduleuse. Dans tous les cas, cette décision du Garde des sceaux est à saluer. Elle ne surprend d’ailleurs que ceux qui ne connaissent pas l’homme. Il a certes mis du temps pour bien analyser avant de décider. Par cet acte, il nous signifie qu’il est investi d’une mission salvatrice dans l’exercice de laquelle nul ne saurait être au dessus de la loi. Nous disons qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le Ministre a fait sa part du boulot ; reste maintenant celui des juges en charge des dossiers. Alors Honorables Juges ! Vous avez l’occasion historique de vous rendre utiles reconnaissants à la nation éprise de justice et d’équité. Il vous est simplement demandé de rendre la justice, rien que la justice. Il ne faut pas être étonnés que les personnes impliquées ou leurs alliés alimentaires aient recours à la vielle rengaine du règlement de comptes et de la bastonnade à l’aveuglette. Ce disque est à présent  usé. L’heure doit plutôt être pour ceux-ci au fignolage des stratégies de  défense. Birama FALL

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