De l’immixtion du religieux dans la sphère politique au Mali : la laïcité en cause.

Juin 11, 2015 - 05:42
Juin 11, 2015 - 05:42
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[caption id="attachment_1010112" align="alignright" width="250"]Salia Lamine DIABY Salia Lamine DIABY[/caption] La religion musulmane est sans conteste la plus dominante au Mali. Cependant la loi fondamentale est claire en ce que le Mali n’est pas un Etat islamique mais laïc. Ce qui ne veut pas non plus dire que l’islam n’est pas pratiqué ou qu’il n’y a pas de musulmans pratiquants au Mali, bien au contraire. Cette laïcité fixe tout simplement les limites de la pratique religieuse qu’elle soit musulmane, chrétienne ou autres dans le champ public pour un mieux vivre ensemble dans la tolérance et la fraternité. Si avant, l’islam se pratiquait « raisonnablement », ne dépassait pas le cadre privé et était en marge de la chose politique, force est de constater que de nos jours avec l’avènement de la démocratie et la mauvaise interprétation de celle-ci, cette religion s’immisce dangereusement dans l’espace public notamment politique au vu et au su de tout le monde. Aujourd’hui, la République laïque et démocratique du Mali n’a rien à envier à certains pays islamiques tellement la religion est au coeur de l’action publique et les leaders islamiques ont investi le champ politique avec armes et bagages. Loin de moi, l’idée de fustiger cette belle religion ou sa pratique. En tant que musulman, l’imposture de la part de certains « leaders » religieux Maliens qui font de cette religion un fonds de commerce pour leurs ambitions personnelles ou pour des objectifs aux antipodes de l’islam, inquiète et nous interpelle. Nous savons tous que les préceptes de l’islam bien interprétés et bien appliqués sont des règles de bonne conduite dans une société donnée, et que la religion est une des sources du droit de manière générale. Que l’islam en tant que religion prône les bonnes vertus. Mais savons-nous que par rapport au caractère laïc de l’Etat Malien que toute pratique religieuse relève de la sphère privée ? Que la religion ne saurait interférer l’espace public ? Que la religion et la politique font deux au regard de la constitution du Mali ? Un musulman peut faire de la politique. Un homme politique peut être un musulman, mais on ne peut pas faire de la politique avec l’islam ou faire l’islam avec la politique, le Mali étant une République laïque ! Chacun est libre de pratiquer la religion qu’il souhaite pourvu que le champ public soit préservé. A la différence des leaders chrétiens du Mali qui s’abstiennent de tout interventionnisme suspect et s’en tiennent exclusivement à leur sacerdoce, la plupart des responsables musulmans de nos jours amalgament et font douter quant à leur engagement désintéressé pour la cause de la religion. Nos leaders musulmans rivalisent d’ardeur non pas dans les lieux de culte, mais dans l’agora politique, véritable capharnaüm où on ne sait plus qui est qui tellement la confusion est totale entre politiciens en mal d’audience et musulmans en quête de notoriété areligieuse. L’article 25 de la constitution du Mali prône la laïcité de notre pays. Cette disposition constitutionnelle est foulée aux pieds par cette confusion de genres et cette compromission entre religieux et politiques qui faussent le jeu politique et violent allègrement notre loi fondamentale. Autrefois, les religieux accompagnaient les initiatives publiques à la limite du champ qui leur était imparti par la constitution. Les choses étaient bien claires, et nos leaders religieux de l’époque remplissaient leur culte dans la sobriété, de manière désintéressée. Il y avait une forme de collaboration souple, une mission de veille qui faisait du leadership religieux un partenaire fiable de l’Etat dans la conduite des affaires du pays. L’avènement de la démocratie dans les années 90 avec la promotion des libertés publiques fut le point de départ d’un embrouillement dans l’interprétation, la bonne compréhension et l’application des textes de la république. En 1994, un projet gouvernemental reformant le code de la famille n’a pu voir le jour du fait de la pression des leaders religieux et leurs affidés. Une démonstration de force qui émoussa le pouvoir d’alors dans sa volonté de reformer. Les choses se sont aggravées sous ATT, lors du vote de la loi sur la réforme du code du mariage et de la tutelle. Une mobilisation monstre sous la houlette du HCI de l’imam Mahamoud DICKO contre ce projet de loi a permis de comprendre que désormais il va falloir compter avec les religieux dans la gestion étatique. Petit à petit nos leaders religieux se drapent du manteau du politique, et les structures religieuses qui ont pignon sur rue se transformèrent en mouvements de propagande politique. Les religieux étaient dans les bonnes grâces du Président ATT, lequel avait compris qu’il fallait les avoir avec soi que contre soi pour une gestion apaisée de son pouvoir. Ils avaient leur entrée au palais et bénéficiaient des largesses du pouvoir, ce qui est d’ailleurs toujours le cas de nos jours. Les Mahamoud Dicko Madani Cherif HAIDARA, le chérif de Nioro pour ne citer que ceux-ci ne sont certes pas des chefs d’Etat mais leur force de frappe est telle que dans le Mali d’aujourd’hui ils sont incontournables. Des leaders religieux qui ont réussi à s’imposer par leur statut et leur rang et ce, au mépris du principe sacro-saint de la laïcité édicté par notre constitution. Lors des dernières élections (présidentielle et législative), ce qui apparaissait comme une intrusion illégitime et illégale s’impose dans l’inconscient collectif comme une « normalité » contemporaine. Des consignes de vote sont données dans les mosquées, des candidats au mépris de toute considération républicaine viennent solliciter les voix jusque dans les lieux de culte. L’homme politique se confond au religieux. On se fréquente, on s’affiche. Le copinage est flagrant, les alliances se nouent, la laïcité est mise à mal! L’actuel Président IBK était le candidat des musulmans, un secret de polichinelle dans tout le Mali. De l’argent a été donné par des religieux pour soutenir IBK. Des consignes de vote ont été données dans les mosquées et autres lieux de prêches .le mouvement d’obédience musulmane SABATI 2012 a ouvertement battu campagne pour le candidat IBK. Leur capacité de mobilisation connue de tous était pain béni pour la plupart des candidats qui faisaient des pieds et des mains pour séduire l’électorat musulman et espérer avoir leur suffrage. Le constat est alarmant, il est préoccupant, il est désolant ! En aucune façon la religion ne devrait investir le champ public. La défaillance pour ne pas dire l’irresponsabilité et l’incapacité de nos responsables politiques ont entrainé une situation pour le moins embarrassante et surtout dangereuse pour notre vivre ensemble. Connus auparavant pour leur religiosité, leur leadership dans le domaine de l’islam, ces leaders sont aujourd’hui de véritable politicien fieffé sous étiquette islamique. D’ailleurs Ils ne s’en cachent plus, et le revendiquent au quotidien. Ils drainent du monde et on les vénère. Les gens s’abstiennent la moindre contradiction ou contestation à leur endroit. Et ajouter à cela le manque de discernement et l’ignorance de certains, sans risque de se tromper, on peut affirmer que le Mali dérape dans ce qu’il a de plus fondamental à savoir la res publica. La religion musulmane est une religion de vérité. Un conseil : Evitons les comportements ostentatoires. Travaillons dans le sens d’une réappropriation saine et d’une bonne pratique de l’islam dans la crainte et l’adoration du très haut Allah. Il est regrettable de constater que beaucoup de jeunes leaders religieux notamment les prêcheurs s’adonnent à une course effrénée pour le « nom » mais aussi le lucre en pigeonnant certains de nos concitoyens. Le radicalisme islamique n’est pas loin avec tout ce que nous voyons dans notre pays. Adoptons les bons comportements ! Pratiquons notre religion dans l’humilité ! Wa salam. Salia Lamine DIABY Paris FRANCE

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