Le désormais ex-président de l’Assemblée nationale a été investi dans une atmosphère d’Etat de siège avec les forces armées et de sécurité répandues partout. Démonstration de force ou expression d’une peur panique de retournement de situation ? Les blindés, chars, BRDM et pick-up avaient envahi Bamako, faisant oublier qu’il ne s’agissait que d’une simple investiture d’un président par intérim.
![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/04/dioncounda-president.jpg)
Conformément aux dispositions de la Constitution du 25 février 1992, article 36, le président de l’Assemblée nationale devrait assurer désormais l’intérim du président de la République. A la tête de l’Etat donc, Dioncounda Traoré devrait remplacer Amadou Toumani Touré, démissionnaire depuis le dimanche 08 avril. Deux jours plus tôt, le 06, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (Cnrdre), la junte militaire au pouvoir depuis le putsch du 22 mars, et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) ont signé un plan de sortie de crise: «
l’Accord-cadre de mise en œuvre de l’engagement solennel du 1er avril 2012 », engagement pris par la junte militaire de rendre le pouvoir aux civils dans les meilleurs délais. L’article 4 du premier chapitre de l’accord-cadre stipule que «
le président de l’Assemblée nationale est investi par la Cour constitutionnelle comme président de la République par intérim avec comme mission d’organiser l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel de quarante jours ». Et c’est tout. Contrairement à tout ce que raconte la presse, notamment les médias internationaux, contrairement à ce que croient la classe politique et le citoyen lambda, il n’est mentionné nulle part que le président de la République par intérim doit nommer un Premier ministre et des ministres pendant ces quarante jours de règne. Du reste, censée avoir été rétablie dans son intégralité, la Constitution est claire: le président de la République par intérim ne peut ni nommer un Premier ministre ni mettre fin à ses fonctions, de même, il ne peut ni nommer un gouvernement ni mettre fin à ses fonctions (Article 58 de la Constitution). Il ne pas non plus organiser des consultations référendaires. En somme, Dioncounda Traoré ne peut pas faire grand-chose de légal et de constitutionnel. Il est juste une sorte de super délégué général aux élections.
Mission impossible
Or, avec les 2/3 de son territoire national occupé et une grande partie de ses populations en exil ou en déplacement, un fichier électoral malade, un trésor public plombé, il n’est point possible pour lui de s’acquitter de sa seule mission qui est d’organiser des élections libres, transparentes, équitables et crédibles. La mission de Dioncounda Traoré est impossible, et si on ne viole pas la Constitution (ce qui n’offusque plus grand-monde), le Mali va vivre 40 jours sans Premier ministre et sans ministres. Un vide institutionnel savamment préparé et un dindon de la farce sur mesures. En effet, à la date du 21 mai, le mandat de Monsieur le Président aura expiré et il devra rendre le tablier sans avoir rien entrepris. Et c’est bien pour cela que des farceurs ont inventé cet accord-cadre. Non pas seulement pour donner à ce pays un semblant de vie constitutionnelle normale et donner le change, mais aussi pour mettre définitivement ATT sur la touche et le punir de n’avoir pas été à la hauteur de ses pairs de la sous-région.
Mais il y a plus grave. Il est impossible que les parties signataires de l’accord-cadre n’aient pas vu qu’à partir du 21 mai, le Mali sera également sans président. Pour mieux comprendre et avant de lire la deuxième partie de ce document, il convient de ne point entretenir l’alchimie et l’amalgame entre ces deux notions : intérim et transition. L’intérim, disposition constitutionnelle, commence à la date du constat de vacance de la présidence de la République par la Cour constitutionnelle et s’achève au plus quarante jours après l’investiture de l’intérimaire constitutionnel. Dans le cas d’espèce, cette période, dirigée par Dioncounda Traoré, arrive à expiration le 21 mai à minuit. La transition, un montage institutionnel,
doit commencer à la fin de la période d’intérim et
va s’achever Dieu seul sait quand.
Elle est justifiée par ceci : «
Compte tenu des circonstances exceptionnelles que vit le pays, du fait de la crise institutionnelle et de la rébellion armée dans le nord, qui ont gravement affecté le fonctionnement régulier des institutions de la République et dans l’impossibilité d’organiser les élections dans un délai de quarante jours comme le stipule la Constitution, il s’avère indispensable une transition politique devant conduire à des élections libres, démocratiques et transparentes sur l’ensemble du territoire national. » (Article 6 de l’accord-cadre). Une période de transition deviendrait alors nécessaire. Ses organes seront pensés par les putschistes et la Cedeao. Ils seront mis en place par les mêmes parties signataires, à l’exclusion des véritables forces vives de la nation.
A la lecture de la deuxième partie de l’accord-cadre, ces organes de la transition sont, premièrement, un Premier ministre de transition, chef du gouvernement disposant de pleins pouvoirs, chargé de gérer la crise du nordet d’organiser les élections et, deuxièmement, un gouvernement d’union nationale. C’est tout. Il n’y a pas de président de transition organique, et s’il y en a, le document ne le dit pas. De même, il ne dit pas qui doit nommer ce Premier ministre et son gouvernement auquel vont participer les militaires au nom de l’union nationale.
De deux choses l’une : soit le Mali sera toujours flanqué d’une junte militaire à sa tête soit il sera sous la tutelle du médiateur burkinabé. Dans les deux cas, on n’est pas sorti du mess, pardon de l’auberge.
Cheick Tandina