Djihadisme au Mali : la « pyramide » et le « gazon »
Nouvelles graines de violence
Pour bien mesurer cette dynamique inquiétante, un petit retour en arrière s’impose. Au début des années 2000, ils n’étaient tout au plus que quelques dizaines, voire quelques centaines de combattants islamistes boutés hors d’Algérie par l’armée, qui s’installèrent dans le nord du Mali sous l’œil passif des autorités de Bamako. Peu à peu, ces combattants étrangers ont élargi leur base en recrutant dans les pays voisins (Mauritanie, Sénégal, Niger), mais aussi, lentement mais sûrement, parmi les jeunes Touareg locaux en mal d’avenir. Au point que certains responsables au sein de la communauté touareg commencèrent à s’en inquiéter sérieusement et, pour certains d’entre eux, n’hésitèrent pas à apporter leur concours discret aux services français, puis aux troupes de l’opération « Serval » lancée début 2013 pour chasser les islamistes du nord du Mali. Avec « Serval », le « gazon » a de fait été arasé à Tombouctou, Gao et Kidal. Provisoirement. A l’été 2014, « Barkhane » prenait le relais, à l’échelle de la bande du Sahel, pour tenter de casser les réseaux terroristes qui, du sud de la Libye au nord du Mali, tentaient de renaître de leurs cendres. Mais très vite, on s’aperçut que de nouvelles graines de violence avaient été semées, cette fois dans le centre du Mali. Les troupes françaises étaient en quelque sorte prises à revers par l’irruption d’un conflit potentiellement plus dangereux encore, car impliquant non plus des combattants étrangers mais des populations locales. Cette fois, il ne s’agit plus de ce nord désertique qui paraît si loin de Bamako, géographiquement et mentalement. Mopti, c’est le cœur du Mali, la région des Dogon, dont les œuvres artistiques peuplent les musées occidentaux et les étagères des marchands d’art. Des tensions communautaires, liées le plus souvent au contrôle de la terre et à l’accès aux ressources, finissent par dégénérer, notamment avec les éleveurs peuls qui circulent dans cette zone. Alors que l’Etat est aux abonnés absents, le Peul Amadou Koufa fonde, probablement courant 2014, un groupe armé qui monte en puissance et, plus tard, fera alliance avec Ansar Eddine, le mouvement du Touareg Iyad Ag-Ghaly, au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).Guerre de tous contre tous
En parvenant à éliminer Koufa ainsi qu’une trentaine de ses proches, selon le bilan fourni par l’état-major des armées, la France a indéniablement porté un coup très dur à la nébuleuse terroriste dans cette zone. Elle prouve ainsi qu’elle a su réorganiser son dispositif, notamment sur le plan du renseignement, pour localiser, identifier et frapper au moment adéquat le chef de la katiba Macina. En s’attaquant « au haut de la pyramide », elle gagne du temps. Mais pour en faire quoi ?Quelle est votre réaction ?