Edito : 100 000 âmes pour libérer le nord Mali
« Demain, dès l'aube, je partirai ». Victor Hugo. Je partirai parce que je ne peux plus supporter d’entendre chaque jour le décompte aussi honteux que cynique de flagellés, d’amputés, de violées, dans une partie du territoire du Mali. Pour mériter le respect et la confiance de ma femme, de mes sœurs et belles sœurs, de ma mère et de mes tantes à qui le Mali a enseigné la soumission volontaire à l’autorité masculine en contrepartie de la protection obligatoire, j’ai décidé de rester sourd aux appels des ‘’grains‘’, des bars,…des discothèques et partir.
Demain dès l’aube, en tournant le dos aux appels des stades, des écuries et des hippodromes, je partirai pour mériter ce confort qui ne saurait être gratuit, qui a un prix que je dois payer
Je partirai pour que le viol et la violence subies par des femmes de manière répétitive et systématique ne soient jamais érigées en exemples à suivre, en règles normales, seulement parce que la grand-mère, la mère, les tantes et les sœurs ont subi la même chose, en même temps, presqu’au même moment, dans la même pièce et souvent de la part du même bourreau qui continue de vaquer à ses occupations et à assurer « la police des mœurs », comme si de rien n’était.
Je partirai alors pour que la femme traumatisée, déshonorée et humiliée de Goudam, de Douenzan, de Gao, de Kidal et de Tombouctou ne se sente plus seule; pour que demain elle n’ait pas honte de ses hommes qui ont toujours assuré sa sécurité et fait sa fierté
Je partirai pour que mes frères et neveux mineurs continuent de croire à cette organisation sociale millénaire construite autour de grandes valeurs héritées de nos ancêtres qui se retourneraient sûrement dans leurs tombes à l’idée que le Mali est aujourd’hui divisée et occupée par des bandits armés .
Je partirai pour que des enfants qui n’ont choisi ni ce pays ni cette histoire, n’aient jamais rien à reprocher à leurs parents et aînés par rapport aux valeurs théoriquement apprises et adoptées dont l’expression des antonymes se déroule tous les jours sous leurs yeux depuis que dure cette crise malheureuse.
Oui je partirai pour combattre le mensonge, la corruption, l’escroquerie, la duplicité et l’impunité érigés en nouvelles valeurs dans le Mali moderne, mais qui restent et demeurent en vérité, des contrevaleurs qui gangrènent la société malienne dont il faut épargner les nouvelles et futures générations.
Je partirai aussi pour favoriser le déclic au niveau de l’élite politique, en commençant par le Président de la République jusqu’aux commis de l’Etat en passant par le Premier Ministre et les ministres, déclic qui leur permettra d’avoir plus d’égards vis-à-vis du malien pauvre en l’assistant du fait de sa vulnérabilité tout en le respectant du fait de sa profonde dignité.
Mais je partirai sûrement pour mettre à l’aise l’Etat et ses serviteurs qui ne peuvent que respecter la légalité internationale incarnée par l’insensible et l’incohérente ONU qui demande à la malade victime de viol, de flagellation et de toutes les formes de sévices, d’attendre encore un an pour être consultée.
Je partirai demain pour que la classe politico-syndicale, la société civile et tous les maliens trouvent à travers mon geste la nécessité d’une union sacrée dans ces moments douloureux que la patrie est entrain de vivre depuis neuf mois. Ainsi ils m’accompagneront jusqu’à la sortie de Bamako au cours d’une procession commune de vœux et de prières à mon endroit.
Demain je partirai, parce que je continue à penser que la honte subie par le peuple malien touché dans son amour-propre, ne peut être réparée que par le don de soi, le sacrifice suprême de quelques-uns de ses enfants pour repêcher tous les autres en leur rendant leur dignité, leur fierté et leur honneur.
Oui je partirai surtout pour que nos frères et sœurs de la diaspora, en Afrique comme en Occident, ne se cachent plus du regard pathétique et méprisant des autres qui leur reprochent de n’avoir pas payé des pots qu’ils n’ont pourtant pas cassés. Conscient de leur attachement pour le Mali, mais aussi fier et reconnaissant pour les efforts qu’ils accomplissent pour assister les parents restés au pays, je partirai demain pour espèrer allèger le lourd et détestable fardeau d’une humiliation et d’une honte éternelles qu’ils doivent trainer toute leur vie et en dehors de leur pays.
Demain je vais partir pour que la jeunesse de mon pays soit désormais respectée, considèrée et honorée, et non plus toujours insultée et méprisée.
Je partirai pour que l’armée, avec le peu de moyens et d’équipements dont elle dispose, à son corps défendant, puisse se consacrer à la sécurisation des populations et des institutions sous les directives du chef de l’Etat et de son gouvernement.
Je partirai pour dire aux envahisseurs de nos territoires que toute la terre appartient à Dieu, y compris celle du Mali, mais « LA IKRA FI DIINE KHATA BAYANA RUSHD MINAL KHAÎ ». Que nous sommes un peuple certes paisible et hospitalier, mais qui n’accepte pas d’être assujetti. Que nous sommes disposés à sacrifier nos vies pour libèrer nos territoires qui sont occupés illégalement.
Mais je partirai demain, à l’aube, pour que nos honorables anciens qui sont au crépuscule de leur vie, puissent attendre tranquillement la fin avec dignité et espoir, parce que soulagés par la certitude d’une relève assurée par l’incarnation de valeurs perpétuées.
Demain dès l’aube, après avoir fait volontairement don de ma personne à la patrie, j’embrasserai ma fille et sa mère, demanderai les bénédictions de mon père, de ma mère, de ma grand-mère et de mes frères que je confierai à Dieu et à la République, je partirai pour remplir ma mission en m’inspirant du grand penseur négro-africain, Frantz Fanon qui disait : « Chaque génération dans une relative opacité doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir » et du français Antoine de St-Exupery « L’avenir tu n’as pas à le prévoir, tu as à le permettre »
Aliou Badara Diarra
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