Edito : Chantage obsessionnel de la CEDEAO !
En cas de non-respect des échéanciers de 24 mois fixés au Mali, Burkina Faso et à la Guinée-Conakry, des pays en phase de transition pour un retour à l’ordre constitutionnel, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ont annoncé, dimanche dernier à Bissau, la probabilité de sanctions majeures. Tout en insistant sur le respect strict des échéanciers électoraux, les chefs d’Etat ouest-africains avertissent les autorités de Transition de ces trois pays à ne pas faire obstruction au travail des médiateurs. Sinon, les pays récalcitrants seraient soumis à des sanctions majeures.
Outre ce chantage obsessionnel sur le Mali, le Burkina Faso et la Guinée pour une tenue à date des élections générales, la « mafia des Chefs d’Etat ouest-africains », pour protéger leur régime (qui ne sont pas le plus souvent démocratique), ont appelé à la création d’une force sous-régionale qui va « lutter contre le terrorisme international et empêcher les coups d’Etat militaires ». Or notamment en Afrique de l’Ouest francophone les régimes que l’on considère issus des urnes ne sont pas démocratiques. Car habituellement, ils procèdent au tripatouillage de la Loi Fondamentale de leur pays pour permettre aux Princes du jour de briguer un troisième mandat (voire un énième) anticonstitutionnel dans leurs pays.
En son temps, Alpha Condé a impunément eu recours à cette procédure. N’eût été le coup de force des militaires guinéens, il se serait éternisé au pouvoir, en dépit des grandioses manifs populaires. Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire reste accroché au pouvoir (en effectuant un troisième mandat), grâce à un coup d’Etat constitutionnel. Le président Macky Sall a fait doter le Sénégal d’une nouvelle Loi Fondamentale qui, selon lui, devait lui permettre de briguer à nouveau la présidence de la république, en dépit du fait qu’il aurait épuisé ses deux mandats consécutifs. In fine, après de nombreuses pressions populaires meurtrières, il a dû renoncer à son funeste projet. Alors les Chefs d’Etat maffiosi de l’Afrique de l’Ouest, qu’en est-il de ce genre de putsch ? Est-il vraiment correct que des Chefs d’Etat tripatouillent la Constitution de leurs pays pour s’éterniser au pouvoir ?
le président nouvellement élu du Nigéria qui est désormais à la présidence de la CEDEAO note :« Nous devons être fermes en matière de démocratie. La démocratie est la meilleure forme de gouvernance (…) Nous devons être l’exemple pour le reste des autres pays de l’Afrique. Sans la démocratie, il n’y a pas de liberté, il n’y a pas d’État de droit. Nous ne permettrons jamais que les coups (d’Etat) se succèdent en Afrique de l’Ouest ». Mais le Chef d’Etat du pays le plus peuplé et le plus puissant de l’Afrique de l’ouest, peut-il ignorer que les coups d’Etat militaires au Mali, Burkina Faso et en Guinée sont survenus à la suite de soulèvements populaires contre les régimes précédents ?
Au Mali, c’était suite au tripatouillage des urnes. En Guinée, le président Condé avait mortellement écrasé des manifestants qui s’opposaient (par des manières démocratiques) en vain à son troisième mandat. Où était la CEDEAO pour empêcher cela ? La CEDEAO ne doit-elle pas cesser d’être le syndicat mafieux des Chefs d’Etat au détriment des intérêts des populations. N’est-il pas temps qu’elle cesse de dénier la réalité politique de nos Etats ? Il faut nécessairement que l’Institution sous-régionale revienne aux peuples souverains !
De toute façon, les coups d’Etat constitutionnels doivent d’abord cesser, sinon aucun chantage, à travers une dissuasion militaire ou économique, ne saurait empêcher la survenue des coups d’Etat militaire. Alors, au lieu de s’obstiner à faire chanter les dirigeants de ses pays membres en Transition, il serait mieux que la CEDEAO revienne aux peuples de la sous-région. Autrement dit, il faut que la CEDEAO cesse d’être un syndicat des présidents au pouvoir pour devenir l’organisation des peuples.
Gaoussou Madani Traoré
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