Edito : De la prison à la présidence !
Dans le sillage des résultats préliminaires de la présidentielle du 24 mars 2024, Amadou Ba, candidat du pouvoir sortant à cette élection, après la publication des premières tendances, a aussitôt reconnu la victoire du « Président élu Bassirou Diomaye Faye » dès le premier tour en lui adressant ses félicitations. Par voie de communiqué, l’ancien Premier ministre de Macky Sall et candidat de la coalition sortante Benno Bokk Yakaar (BBY), va écrire : « Au regard des tendances des résultats de l’élection présidentielle et en attendant la proclamation officielle, je félicite le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pour sa victoire dès le premier tour. Je prie le Tout Puissant lui accorder l’énergie et la force nécessaires pour assumer cette haute fonction à la tête de notre pays ». Quelle élégance politique !
Par l’alchimie du système démocratique, le candidat antisystème, doublure d’Ousmane Sonko, président du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail l’éthique et la fraternité (Pastef), dissous par le pouvoir en juillet 2023, se hisse désormais à la tête de l’Etat sénégalais. Alors que l'élection présidentielle de mars 2024 était devenue très hypothétique. Devant intervenir dans un contexte politique tendu au Sénégal, le Président sortant et au pouvoir depuis 2012, avait décidé de la reporter. Mais ses opposants avaient dénoncé un "coup d'Etat constitutionnel", pointant du doigt la corruption de certaines institutions du pays.
En face de Macky Sall, il y avait un certain Ousmane Sonko qui a le vent en poupe. Soutenu par une jeunesse qui ne se reconnaît pas dans les politiques publiques, le leader de Pastef donnait du fil à retordre au pouvoir du président sortant. Le président du Pastef était devenu le maître de la rue et des réseaux sociaux. Les sondages lui classaient comme favori à la présidentielle 2024. Alors que les affaires dans lesquelles il est mêlé décuplent, paradoxalement, sa côte de popularité auprès de la frange juvénile.
Ce fort élan de sympathie le portait en triomphe et dopait ses capacités de nuisance. Le Président sortant va donc inlassablement œuvrer à lui nuire. Tout en renonçant à briguer un troisième mandat très risqué, Macky Sall va aussi sacrifier Sonko en l’empêchant de briguer la présidentielle 2024. Il se servira de la Justice pour lui faire condamner, renvoyer en prison et lui rendre inéligible. En dépit des rebondissements judiciaires qui remettaient Sonko en selle, le pouvoir est chaque fois arrivé à lui faire recaler. La messe semblait définitivement dite pour le maire de Ziguinchor et son pari, le Pastef.
Toutefois, contre toute attente, la providence divine était au rendez-vous pour les soutenir. Car, elle a permis à l’ex-Pastef de fournir tout de même un candidat à la présidentielle en la personne de son secrétaire général. Détenu depuis avril 2023 pour insurrection, Bassirou Diomaye Faye n’est libéré de prison avec le président de l’ex-Pastef que quelques jours avant le 1er tour du scrutin. Mais cela n’a pas empêché la doublure de Sonko de remporter la présidentielle dès le premier tour.
De la prison, Bassirou Faye se hisse in fine à la tête de l’Etat sénégalais. Cela, grâce à l’ancrage et la magie du système démocratique au Sénégal. Evidemment avec la dextérité du système judiciaire qui est parvenu à se rattraper. En somme, si Macky Sall a pu empêcher Sonko d’être candidat, il a été incapable d’empêcher à ce que son parti, même dissous, puisse remporter la présidentielle dès le premier tour. N’est-ce pas vrai que « l’homme propose mais que c’est qui Dieu qui dispose » ?
Gaoussou Madani Traoré
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