Edito : Restriction des libertés au Mali
Nul ne pouvait imaginer que 33 ans après l’avènement de la démocratie et de l’Etat de Droit, au prix d’énormes sacrifices, que le Mali allait se retrouver dans une situation très délicate s’apparentant à un Etat de non droit où beaucoup de libertés qu’elles soient individuelles ou collectives se trouvent confisquées. Le Mali est désormais en peloton de tête des pays où règne la loi du plus fort. En effet, après avoir dissout certains partis politiques et des associations à caractère politique, les autorités de la transition ont ensuite suspendu toutes les activités des formations et mouvements politiques en violation flagrante de la loi fondamentale qu’est la Constitution et à celle de la charte des partis politiques. Comme si ces actions antipolitiques, antivaleurs républicaines et illégales ne suffisaient pas les autorités de la transition, se cachant derrière ce décret de suspension des activités des partis politiques, ont fait une descente musclée au domicile privé d’un leader politique où se tenait une réunion d’un certain nombre des membres d’une plateforme dénommée Alliance du 31 Mars 2024.Ils ont été arrêtés sans sommation, sans mandat d’arrêt et sans convocation au préalable. Les onze participants à cette réunion ont été conduits manu militari à la gendarmerie où on leur a signifié un chef d’accusation relatif à un projet de déstabilisation de la transition. Selon nos informations c’est le comité scientifique de l’Alliance du 31 Mars 2024 qui se réunissait pour peaufiner le plan d’action et mettre en place un règlement intérieur permettant la bonne marche de l’organisation. Ils ont été appréhendés en possession de ces documents.
Au regard de ces agissements on peut affirmer sans risque de se tromper que les libertés n’ont pas été aussi malmenées au Mali que sous la transition. Le hic est que les autorités après s’être glorifiées d’avoir fait adopter par la voie référendaire une nouvelle Constitution, sont les premières à violer cette même constitution en restreignant les libertés. Sinon comment comprendre que la loi fondamentale, garantissant à chaque citoyen des droits et des devoirs, puisse être violée comme c’est le cas aujourd’hui. On transforme du coup notre République en une République bananière. En effet, les 11 cadres, dont trois anciens ministres, des universitaires et des chefs d’entreprises, ont été interpellés au domicile privé d’un de leurs, alors qu’ils étaient en train de discuter de leur plan d’action et des stratégies à mettre en place afin d’atteindre un maximum de maliens pour leur expliquer l’indispensable nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel. Quoi de plus normal pour un parti politique qui aspire gouverner, de réfléchir, d’analyser et de décrypter toutes les voies et tous les moyens légaux lui permettant de convaincre l’opinion du bienfondé de son combat. La raison d’être d’un parti politique est d’animer la vie publique, de proposer des solutions et d’élaborer un programme décliné en projets de société susceptibles de satisfaire aux besoins du peuple. Sa mission première est la conquête et l’exercice du pouvoir. Donc vouloir empêcher un parti politique de mener des activités c’est véritablement lui ôter une substance indispensable à sa survie. C’est également une violation de la Constitution qui garantit le libre exercice des activités politiques.
En somme, par souci de stabilité, de cohésion sociale et de paix, les autorités doivent jouer au rassemblement de toutes les filles et de tous les fils du pays afin de parvenir à un large consensus autour d’un chronogramme raisonnable permettant de sortir de la transition. Tout autre acte serait illusoire, superfétatoire et contreproductif.
Youssouf Sissoko
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