Editorial : L’exploitation opportuniste de l’histoire
Qui veut exploiter l’histoire du Mali en la récrivant ? Modibo Kéita a donné au pays (ex-Soudan français) le nom Mali sous prétexte de le faire éternellement résonner dans le cœur de ceux qui ont fait échouer la Fédération du Mali. En réalité, c’est le Sérère Senghor, du royaume malinké du Gabou, qui, sans doute pour en imposer aux cadres Ouolofs, a obtenu qu’on donne ce nom à la Fédération. Et le 22 septembre, jour du congrès extraordinaire de l’US-RDA qui a pris acte de l’éclatement de la Fédération, est devenu la date de l’indépendance du Mali , qui, comme on ne le sait pas assez, est le 4 avril 1960. Et, en 2010, lors des fêtes du Cinquantenaire, le 22 septembre est devenu, rétroactivement, la date de la première bataille contre l’envahisseur colonial. En effet, selon un article du Pr Sékéné Mody Cissoko datant des années 70, le roi Niamodi du royaume de Logo Sabouciré aurait livré bataille le 22 septembre 1856 aux troupes coloniales françaises et y aurait trouvé la mort.
La radio, Radio Soudan puis Radio Mali, est venue ensuite à la rescousse, en jouant le rôle de Griot national. La musique de Bazoumana, une musique millénaire des griots du Mandé en l’honneur de Soundiata, dont Modibo est le descendant, est adoptée comme hymne national. Les griots, devenus fonctionnaires, seront d’ailleurs appelés à Koulouba à chaque fête de l’indépendance : n’est-ce pas eux qui, naguère, avec ce nom comme symbole, avaient fait basculer le pays du côté du RDA, le parti des descendants de Soundiata, Mamadou Konaté et de Modibo Kéita ? Une quatrième exploitation de l’histoire.
Plus près de nous, la création des nouvelles régions et la nouvelle politique linguistique nationale : pourquoi le gouvernement court il si vite ? Taoudénit et Ménaka, deux cercles déshérités sont promues régions : franchement, c’était aller trop vite en besogne et donner l’impression de vouloir amadouer les gens ! Treize langues nationales sont déclarées langues nationales. Soit. Une promotion d’officiers chante l’hymne national dans l’une de ces langues et rien qu’elle : passe encore, à condition que la prochaine le chante en une autre. Mais décréter, comme l’a fait le précédent régime, que le District de Bamako, les régions de Koulikoro et de Ségou sont un domaine réservé, ce n’est pas faire la promotion des langues nationales mais de l’apartheid, et, à terme, opter pour la disparition des autres langues.
Source : MADIKAMA
Ibrahima KOÏTA
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