La Coalition pour l’Observation Citoyenne des Elections au Mali (Cocem) a publié depuis la semaine dernière un document par rapport aux échéances de 2022 au Mali. Le présent document est le fruit des travaux de réflexions réalisés les 10, 11 et 15 février 2021 au siège de la COCEM et auxquels les membres de la COCEM, du NDI (National Democratic Institute), des experts et universitaires ont pris part. Il se veut une contribution aux efforts des autorités de la Transition en les proposant l’architecture institutionnelle de l’organe unique, autonome et indépendant de gestion des élections au Mali.
Dans le document de la COCEM , il ressort que depuis quelques décennies, le système électoral du Mali est confronté à plusieurs défis notamment la pluralité des organes de gestion des élections. Interviennent dans la gestion des élections au Mali, le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD), la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) dissoute en janvier 2021, la Délégation Générale aux Elections (DGE). En effet, cette multiplicité d’intervenants crée, à certains égards, des dysfonctionnements dans l’organisation matérielle, technique et la supervision des élections. Au-delà de ces dysfonctionnements, cette pléthore d’organe s’avère peu efficiente. En outre, les résultats définitifs des élections législatives de 2020 proclamés par la Cour Constitutionnelle ont donné lieu à de vives contestations lesquelles ajoutées à d’autres facteurs ont abouti au coup d’État militaire du 18 août 2020. C’est pourquoi, plusieurs acteurs impliqués dans le processus électoral en général et des missions d’observation électorale en particulier appellent à des reformes électorales et institutionnelles prévues dans la feuille de route de la Transition Politique ouverte en septembre 2020. Des acteurs demandent en particulier l’instauration d’un autre système électoral à travers la création d’un organe unique, autonome et indépendant de gestion des élections au Mali. Par ailleurs, l’un des facteurs de la crise socio-politique à savoir les nombreuses contestations des résultats des élections législatives de 2020 a amené de nombreux observateurs, y compris la COCEM, à militer en faveur de la proclamation des résultats définitifs des élections par cet organe unique et indépendant en lieu et place de la Cour constitutionnelle.
Cette forte demande avait été faite par le Rapport de Daba Diawara de 2008 qui a recommandé la création de l’Agence Générale des Elections (AGE). De même, le Dialogue National Inclusif (DNI) de 2019 l’a recommandé.
Pour le Président de la COCEM M Drissa Traore ,si la nécessité de mettre en place cet organe unique et indépendant de gestion des élections ne fait plus débat, force est de constater que très peu de propositions concrètes sont faites quant à son format, son mode de fonctionnement et à ses attributions. Ainsi, conformément à sa mission de veille citoyenne et soucieuse de contribuer davantage à la transparence, à l’apaisement et à la crédibilité des élections, la COCEM produit le présent document dans lequel elle propose un schéma directeur sur la composition, le mandat, les missions, les ressources de l’organe unique et indépendant de gestion des élections au Mali. En effet, le présent document est le fruit des travaux de réflexions réalisés les 10, 11 et 15 février 2021 au siège de la COCEM et auxquels les membres de la COCEM, du NDI (National Democratic Institute), des experts et universitaires ont pris part. Il se veut une contribution aux efforts des autorités de la Transition.
Architecture de l’OGE
- Support ou fondement juridique de l’organe : l’organe unique peut être consacré dans la Constitution (La consécration dans la Constitution renforce son assise et sa pérennité)
- Composition : l’organe peut être composé de 19 membres : i) Les Partis Politiques : Six (06) Représentant(e)s ii) Les Organisations de la société civile : Neuf (9) représentant(e)s pouvant être réparti(e)s comme suit : Les organisations féminines : Une (1) Représentante ; Les Missions d’Observation Electorale : Un(e) (1) Représentant(e) ; Les organisations de jeunesse : Un(e) (1) Représentant(e) ; Les organisations de personnes vivant avec un handicap : Un(e) (1) Représentant(e) ; Le Barreau : Un(e) (1) Représentant(e),Les Syndicats de Magistrats : Un(e) (1) Représentant(e) ; Les Confessions religieuses : Un(e) (1) Représentant(e) ;Les Organisations de Défense des Droits Humains : Un(e) (1) Représentant(e) ;Autre Société Civile : Un(e) (1) Représentant(e) . iii) Les Universitaires/Experts : Trois (3) Représentant(e)s. iv) L’Administration Publique : Un(e) (1) Représentant(e). NB : Les différentes structures doivent respecter la loi 052 dans la désignation de leurs représentant(e)
Le caractère inclusif de la composition de l’OGE est déterminant pour la réussite de sa mission. Il pourra être constitué d’un bureau de cinq (5) membres désignés par leurs pairs comme ci-après: Un(e) Président(e) : Il/elle doit avoir au moins 35 ans. Il/elle doit être issu(e) de la société civile avec au moins 15 années d’expérience dans un domaine utile pour les élections; Un(e) Vice-Président(e) : Il/Elle doit être issu(e) de la société civile ; 2ème Vice-Président(e); Deux (2) Rapporteurs : issu(e)s des Partis Politiques. Mandat : l’organe a un mandat de 5 ans renouvelable aux 2/3 tous les cinq (05) ans. Cela permet la capitalisation des acquis de l’OGE et garantit la sauvegarde de la mémoire institutionnelle. Avec ce schéma, aucun membre ne dépassera dix (10) ans.
- Autonomie / Gestion administrative et financière
L’organe unique doit avoir une autonomie de gestion administrative et financière.
Cette autonomie renforce l’indépendance de l’OGE vis-à-vis des pouvoirs publics ; Elle permet à l’OGE d’être efficace dans sa mission ; L’organe unique doit également fonctionner uniquement sur le budget national
- Recevabilité de l’OGE
L’OGE doit être indépendant et autonome. Cependant : Son compte doit être audité par le vérificateur Général ou par toute autre institution habilitée en la matière ; Ses membres doivent prêter serment devant la Cour Suprême avant leur entrée en fonction ; Ses membres doivent également déclarer leurs biens ; L’OGE doit rendre compte au peuple à travers des sessions publiques dont la fréquence peut être fixée à tous les 6 mois. L’OGE doit publier un rapport annuel d’activités qui sera remis au Président de la République. L’OGE doit aussi produire un rapport après chaque processus électoral Lors de ces sessions, les partis politiques et les citoyens peuvent directement s’adresser à l’OGE.
- Ressources humaines
En plus de ses 19 membres, l’Organe peut s’appuyer sur les ressources humaines composées de : Un(e) Secrétaire Général, un (e) Directeur/trice Administratif/ve et Financier(e) (DAF), un (e) Comptable matière
- Représentation locale de l’OGE
L’OGE peut avoir la même ossature que celle de la CENI dissoute avec des démembrements aux niveaux régional, local et communal. Leur composition doit être conforme au membership du niveau national :
En dépit de sa pertinence, certains, y compris les autorités gouvernementales, doutent de la possibilité de création et d’effectivité de l’organe unique pendant la Transition. A ce sujet, la COCEM rappelle que la transition est la meilleure opportunité pour mettre en place cet organe. Si nous la ratons, l’espoir de le voir risque de s’envoler à jamais avec pour corollaire, les contestations récurrentes des élections pouvant souvent déboucher sur des crises politiques graves et aux conséquences incalculables. Sans être la panacée, la création d’un organe unique, conformément à l’article 3 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, peut permettre au Mali de se prémunir des crises post électorales. Par conséquent, la COCEM exhorte les autorités maliennes à diligenter la poursuite du dialogue avec les partis politiques et la société civile. Si à l’issue de ce dialogue, les acteurs trouvent, d’une manière consensuelle, que le temps restant de la Transition est insuffisant pour rendre effectif avant les prochaines élections ledit organe, la COCEM propose l’alternative suivante : Consacrer la création de l’organe dans la Constitution tout en y prévoyant des dispositions transitoires prévoyant qu’un autre dispositif inclusif et consensuel sera mis place pour organiser les élections de la Transition. Cet organe transitoire peut prendre la forme d’une CENI reconstituée qui s’appuiera sur les démembrements locaux existants. Il peut avoir les mêmes attributions que l’Organe unique. Toutefois, l’organisation matérielle peut rester aux mains du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD).
Bokoum Abdoul Momini/maliweb.net