Elections 2012 : Candidats et médias
Le gouvernement vient de cautionner les dates proposées par le MATCL pour les prochaines élections. Mais à ce jour, les candidats à la présidentielle ne font pas de propositions et semblent éviter la presse nationale. Pourquoi ?
Le mercredi 18 janvier, le Conseil des ministres a, par décret, entériné la proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, Kafougouna Koné, fixant les différents rounds des prochaines joutes électorales. L’invité surprise ? Le référendum constitutionnel. La vedette de l’année ? L’élection présidentielle. Quant aux règles du jeu, elles sont connues depuis longtemps. Pour espérer devenir président de la République, par exemple, il faut être riche d’au moins dix millions FCFA et avoir la confiance de seulement dix élus. Il parait que c’est la preuve que l’on est honorable, crédible et de bonne moralité. Les aventuriers, les pauvres et les «mineurs» de moins de 35 ans sont priés d’aller jouer dans la cour des «petits».
Les candidats ont commencé les échauffements bien avant l’heure de monter sur le ring. A ce jour, on prête à une bonne vingtaine de riches parrainés l’intention de briguer la magistrature suprême. Mais, s’il y a eu des investitures, des appels à candidature et des déclarations de candidature, l’administration reste muette sur des dossiers de prétentions officiellement déposés. Les potentiels candidats ne se pressent pas, sachant qu’ils ont jusqu’au 29 mars, à minuit, pour se raviser ou foncer.
En revanche, alors que la durée de la campagne officielle est fixée du 8 au 27 avril, divers candidats s’empressent de descendre dans l’arène pour jauger leurs forces. Si les uns le font sous le couvert des activités statutaires de leur parti (conférences, congrès, conventions, assemblées générales, …), les autres ne s’embarrassent guère de fioritures et usent des meetings, visites de courtoisie et autres réunions avec la base.
Interpellés par la CENI et le CNEAME, les médias d’Etat, qui ne savaient plus ce qui relève des statuts ou de la propagande, ont décidé de mettre bon ordre au ramdam. Depuis, les images et les sons sont distillés avec parcimonie.
Mais ce holà, paradoxalement, n’est pas sans arranger la quasi-totalité des prétentieux. Car si les politiques se coursent en effet depuis des mois, ils ne révèlent absolument rien, s’ils en ont, de leur projet de société, de leur programme de gouvernance, de leurs propositions ou ambitions pour le Mali. Bien sûr, Moussa Mara de YELEMA, a déjà conçu son projet politique, débité en vingt segments et autant de semaines à la presse. Mais il semble bien être le seul qui sache quoi offrir aux Maliens et Maliennes, lesquels, à défaut de sortir du tunnel, espèrent au moins en voir le bout. C’est peut-être pour cela qu’il est le seul également à daigner accorder des interviews à la presse nationale (voir Le Prétoire, n° 100 du 23 janvier). Ce silence radio est-il voulu et volontaire ?
Oui, si l’on en croit certaines indiscrétions selon lesquelles, leurs agences de communication et de marketing social auraient conseillé aux prétentieux de la boucler face aux médias locaux. Ceux-ci seraient jugés avec mépris et dédain en raison de leur «faible» auditoire et «dérisoire» lectorat. Un vrai présidentiable, même celui qui n’aura au finish que 0,01% d’électeurs, doit voir grand, payer des pages entières dans les magazines étrangers, et de longs temps d’antenne sur les radios internationales. Il doit avoir son propre «canard» de propagande, à l’image du fameux Le Contrat qui a porté chance à un certain général.
C’est l’étranger qu’il faut séduire. La populace locale, quant à elle, traditionnel bétail électoral à outrance, doit se contenter du grand boubou blanc immaculé et du sourire hypocrite affiché sur les posters et tableaux numériques, des discours trompeurs des meetings et des colifichets.
Non, au contraire, si l’on pense comme ces observateurs selon lesquels, les prétentieux craignent de s’exprimer devant le peuple, de peur que celui-ci ne lise entre les lignes ou n’écoute au-delà des mots. Ils auraient peur d’être démasqués et mis à nu en pleine interview avec la presse locale, surtout, privée, largement lue. Ils craindraient d’apparaitre sous leur vrai jour et de montrer leur véritable nature à un peuple maintenant blasé par vingt années de mensonges électoraux et d’escroqueries politiques.
Assurément, les prétentieux de 2012 auront compris que la majorité est décidée à ne plus avaler de couleuvres, et à faire la différence entre un torchon électoral déjà souillé et une serviette encore propre à essuyer la crasse politicienne.
Cheick Tandina
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