Entre gouvernement de rupture et d’arbitrage : Quand la restauration l’emporte sur la récupération

Avr 26, 2012 - 05:42
Avr 26, 2012 - 05:53
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Attendu avec impatience tant par l'opinion nationale que par les observateurs étrangers, le gouvernement d'union nationale préconisé dans l'accord-cadre a finalement vu le jour d'un accouchement au forceps. Il est composé de vingt-quatre (24) membres nommés par décret N°2012-194/ P-RM du 24 Avril 2012, choisis dans une logique de totale rupture avec les apparentements politiques mais avec une dose de considération pour les amitiés ainsi que pour les liens parentaux. Sa configuration ne profite en revanche ni aux forces hostiles à la junte ni à ceux qui comptait récupérer la situation aux fins d’inverser les rapports de forces politiques.   Il s'agit de vingt-un (21) départements pleins et de trois (3) ministères délégués respectivement rattachés à la Fonction publique, à la Jeunesse- Travail- Emploi et Formation Professionnelle, puis au département de l'Economie et des Finances. Lesdits 'sous-maroquins' sont par ailleurs respectivement dévolus aux nommés  Yacouba Diallo pour les Réformes Publiques et les Relations avec les Institutions, Marimpa Samoura en ce qui concerne le ministère délégué au Budget et Bruno Maïga pour ce qui est de la Jeunesse et de la Formation Professionnelle. Si le premier nommé est peu connu du monde administratif malien, le nouveau Ministre délégué chargé du Budget est un ancien trésorier-payeur à Ségou où il a longtemps servi avant de rejoindre une cellule du département de l'Economie et des Finances. Le troisième a, quant à lui, longtemps servi à Koulouba où il s'occupait jusque-là des archives du Palais Présidentiel. Les ministères pleins, pour lesquels on constate un effort évident de concentration visible au gigantisme des départements concernés, sont revenus  également pour l'essentiel à des personnalités tout aussi peu connues du public. C'est la conséquence sans doute d'une volonté manifeste de rupture avec l'ancienne élite dirigeante. Une logique qui ne saurait être applicable au Ministre Tiéna Coulibaly, dont le retour aux Finances, plus d'une vingtaine d'années après la Révolution du 26 Mars 1991, incarne sinon une restauration, pour le moins une réhabilitation des anciens dignitaires du régime du Général Moussa Traoré. L'actuel PDG de la CMDT n'est d'ailleurs pas le seul. On en dénombre près d'une dizaine d'autres membres sur les vingt-quatre (24) du gouvernement parmi lesquels figurent le Ministre de la Fonction Publique Mamadou Namory Traoré (Ségal des Maliens de l'Extérieur et ancien Directeur de la Coopération Internationale), le Ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, Moussa Léo Sidibé (Ségal du même département sous Seydou Traoré), le Ministre de l'Energie de l'Eau et de l'Environnement Alpha Bocar Nafo (PDG de la BRS), la Ministre de l'Artisanat, de la Culture et Tourisme, Mme Diallo Fadima Touré (ancienne Directrice des Domaines du District), entre autres. La liste n'est pas exhaustive. S'y ajoute également une personnalité et non des moindres, en l'occurrence le Ministre d'Etat en charge des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, le journaliste de formation Sadio Lamine Sow, un ami personnel du Premier Ministre et non moins proche collaborateur du Médiateur de la CEDEAO et président du Faso, Blaise Compaoré, auprès de qui il faisait jusqu'alors office de conseiller. Idem pour l'une des trois représentants de la gent féminine, en l'occurrence Mme Traoré Rokia Guikiné, Ministre des Maliens de l'Extérieur et de l'Intégration Africaine, qui n'est autre que l'épouse de l'ancien membre du BEC et actuel dirigeant du MPR, Drissa Traoré ; ainsi que pour le Ministre de l'Enseignement Supérieur,  Harouna Kanté, un promotionnaire au PM. Outre la présence massive d'anciens dignitaires ou de leurs proches parents, le nouveau gouvernement se caractérise également par la forte présence de représentants de la junte militaire du 22 Mars. Les putschistes et compagnons du Capitaine Amadou H. Sanongo, président du CNRDRE, y sont représentés, notamment par le truchement de hauts gradés de l'armée malienne et s'adjugent les départements de la Défense et des Anciens Combattants par le Colonel-Major Yamoussa Camara, précédemment chef d'Etat-major de la Garde Nationale ; de la Sécurité Intérieure par le Général Tiéfing Konaté, ancien directeur de la Gendarmerie Nationale ; de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation par le Colonel Moussa Sinko Coulibaly. Au nombre des autres composantes, on note l'émergence de Mme Alwata Ichata Sahi, présidente de l'Organisation de la Panafricaine des Femmes et chef de Cabinet des Domaines,  au département de la Promotion Féminine ; de l'ancien juge de Kati, démissionnaire de la magistrature, Malick Coulibaly comme ministre de la Justice et Garde des Sceaux. Quant au nouveau département de l'Action Humanitaire, de la Solidarité et des Personnes Agées, il est dévolu à    Mamadou Sidibé, ancien conseiller technique de la Santé ; un ministère qui revient désormais à Soumana Makadji, expert comptable de son état. Les fonctions de Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies doublées de celles de porte-parole du Gouvernement sont dévolues à Hammadoune Touré, ancien porte parole du Conseil de Sécurité de l'ONU dans la crise ivoirienne ; tandis que Mamadou Coulibaly, précédemment Ségal du Ministère des Domaines, se hisse au rang de Ministre l'Equipement, du Logement et de l'Urbanisme. Quant au département du Commerce, de l'Industrie et des Mines, il revient au Notaire Me Ahmadou Touré, le même qui a eu maille à partir avec des multiplicateurs d'argent. Comme on le voit, l'effort de rompre avec la vieille garde aura plus profité à la restauration qu'à la récupération,. Et pour case, aucun membre des associés politiques de la junte militaire, du MP 22 comme des autres forces masquées dans leur soutien, ne figure de façon visible dans l'équipe du Dr Cheick Modibo Diarra, gendre de l'ancien président Moussa Traoré. Idem pour le Front adverse, en l'occurrence le Front Uni pour la Sauvegarde de la Démocratie et de la République, qui n'a pas été également consulté pour la formation du Gouvernement et qui, par conséquent ne figure pas  également dans la nouvelle équipe. Même si certaines de ses composantes peuvent se reconnaître dans le nouveau Gouvernement, ils ne sont manifestement pas en mission de leurs familles politiques respectives. C’est dire que l’équipe gouvernementale proposée par l’ancien président du RpDM puis validée par le Pr Dioncounda Ttraoré fera figure, en dépit de sa tendance à la restauration, de force d’interposition et d’arbitre entre les nouveaux protagonistes de la scène politique créés par le coup de force du 22 Mars.  .       . Cette situation, qui résulte d'une volonté manifeste de mettre le gouvernement à l'abri des jeux et calculs politiques et politiciens, pourrait mettre la transition à l'abri de tout soupçon de préférence partisane, tout comme elle peut constituer un handicap en termes d'onction politique à ses objectifs. Autre particularité pour cette équipe annoncée comme un gouvernement d'union nationale, les équilibres ethniques sont complètement ignorés, tandis que la transition en a tant besoin pour prouver une volonté de ressouder un territoire coupé en deux à cause  des velléités sécessionnistes. A.Keïta    

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