Femmes et politique au Mali: le calvaire d’être maire ?
Trahies par les siennes, abandonnées par le gouvernement et les partenaires techniques et financiers, les femmes-maires sont laissées à la merci de leurs adversaires politiques qui instrumentalisent une population qui a du mal à faire la différence entre les vrais acteurs du développement et les manipulateurs. Malgré tout, elles se battent comme de ‘’belles diablesses’’ pour améliorer le quotidien de leurs concitoyens.
A la sortie des élections communales de 2009, elles étaient neuf femmes à être élues maires. Aujourd’hui, elles ne sont plus que huit amazones à pouvoir jouir des privilèges de leur mandat, l’une d’elles ayant connu un destin tragique. En effet, le 10 août 2009, l’opinion nationale, voire internationale a été très choquée à la suite de l’assassinat odieux de Mme Maïga Salimata Dembélé, maire de la commune rurale de Ygougno dans le cercle de Koutiala. A l’époque, les condamnations étaient à la dimension de la lâcheté de l’acte. Quelques mois plus tard, le principal auteur, un certain Soungalo Dembélé, a été condamné à la peine capitale au terme d’une audience marathon de la Cour d’Assises de Bamako où cohabitaient émotion et stupéfaction générales. Ce mercredi 10 août, les femmes-maires se souviendront de leur sœur et collègue tombée les armes à la main et dans la fleur de l’âge. Mais deux ans après, ces femmes sont-elles à l’abri des atteintes physiques à leur vie ? Existe-t-il toujours un syndrome Salimata Dembélé ? Qu’en est-il de leur difficulté dans la gestion quotidienne des mairies ?
‘’On fait tout pour saboter nos actions’’
Le combat quotidien des mairesses pour le développement de leurs communes ne semble faire l’ombre d’aucun doute. Car le quotidien de leurs concitoyens est loin d’être catastrophique. Malgré tout, les femmes maires sont laissées à la merci des adversaires politiques qui arrivent facilement à instrumentaliser une population qui a du mal à faire la différence entre les vrais acteurs du développement et les marchands d’illusion.
Au moment même où le président de la République, Amadou Toumani Touré, nomme une femme premier ministre (la première dans l’histoire de notre pays), certaines femmes maires doivent désormais faire face à une violente guérilla organisée par des adversaires politiques prêts à tout pour démolir des « rivales » politiques. La seule femme maire du District de Bamako a bel et bien échappé à une agression populaire orchestrée par l’odieux député Mamadou Awa Diaby Gassama, en complicité avec les riverains de la décharge publique d’ordures, objet d’une fronde grossièrement injustifiée contre la personne de Mme Konté Fatoumata Doumbia. C’est dans la chambre du gardien où elle s’était réfugiée avec une dizaine de personnes, qu’elles ont pu se soustraire à la furie meurtrière de plusieurs manifestants lancés à leur poursuite avec de violents jets de pierres. De nombreux témoignages recueillis sur place attestent que ces « incendiaires » ont été longtemps intoxiqués et manipulés par « l’inclassable » député.
De la commune I à Goundam en passant par Pelengana et Dandougou Fakala, les femmes maires font preuve de grandes qualités morales et intellectuelles pour ne pas céder aux provocations délibérées de certains responsables qui ne sont pas du même bord politique. ‘’On fait tout pour saboter nos actions. C’est une femme. Il faut l’empêcher de travailler pour qu’elle ne soit pas réélue’’, nous a confié une femme maire qui doit faire actuellement face à une fronde orchestrée et téléguidée par le président d’une institution de la République devenu, par ses agissements, un véritable pourfendeur de la décentralisation.
Manque de solidarité féminine, complicité de l’administration !
Les femmes politiques ont fini par se rendre compte que les hommes ne reculent devant rien sur le terrain politique. En général, l’imagination prend la vedette sur la réalité. Au cours de sessions du conseil communal, elles sont copieusement prises à partie par les conseillers. Certaines conseillères mêmes se joignent à ce spectacle désolant où des propos très méchants sont tenus à l’endroit des édiles. Là, la solidarité féminine est à rude épreuve pour ne pas dire qu’elle n’existe pas. Face à ces campagnes de dénigrement savamment orchestrées par des adversaires politiques souvent de mauvaise foi, l’administration ne fait rien pour apporter des appuis techniques aux élues en détresse. Si les services du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales se trouvent face à un dilemme, ceux du ministère de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille brillent par leur absence. Certes, le département n’a pas les moyens de ses ambitions compte tenu de sa part très faible dans le budget national, mais ses services régionaux se déplacent même pour aller réconforter les femmes qui ont la chance d’être maires. Dans un entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, la maire de la commune rurale de Pelengana, dans le cercle de Ségou, Mme Diabaté Mariam Bamba, n’avait pas caché sa colère. ‘’On ne sait pas s’il y a une directrice régionale de la promotion de la Femme à Ségou. Elle n’est d’aucune utilité. Elle n’a pas eu la curiosité de venir assister à l’une de nos sessions.’’, a-t-elle souligné.
Le plus inquiétant, à la limite de l’aberration, c’est l’instrumentalisation des services techniques par des adversaires politiques qui arrivent à détourner des financements destinés à des communes dirigés par des femmes. Etre femme et maire, au Mali, c’est donc un véritable calvaire !
Que faire alors ?
Plus grave, les femmes maires ne bénéficient d’aucun soutien de la part de leurs sœurs de leurs propres partis politiques encore moins des femmes d’autres formations. Le cadre de concertation de femmes des partis politiques brille aussi par son absence. Ce cadre, selon une maire qui préfère garder l’anonymat, ne se signale que par des discours, voire des actions plus folkloriques que concrètes.
L’amélioration du taux de représentativité des femmes passe nécessairement par un certain nombre d’actions à mener. L’Etat et les partenaires techniques et financiers doivent aider les communes dirigées par les femmes en accordant une priorité au financement de leurs projets. ‘’Si on finance leurs projets, ça peut amener à un changement de mentalité au niveau de la population.’’, a souligné une autre maire, visiblement déçue. Ensuite, il y a une nécessité urgente d’assurer aux femmes une formation adéquate afin que leur leadership s’affirme de plus en plus. A l’heure actuelle, les organisations féminines doivent amener l’Etat malien à protéger les femmes maires. ‘’L’Etat doit sécuriser les femmes. On ne doit pas nous insulter’’, nous a confié la maire d’une commune rurale qui se dit hantée par le syndrome de Mme Salimata Dembélé. Le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, le très vigilant général Kafougouna Koné, est donc interpellé.
Chiaka Doumbia
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