Forum des peuples 2011 : L’appel de Niono

Nov 10, 2011 - 18:30
Nov 10, 2011 - 18:30
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Au moment où les 20 pays les plus puissants du monde étaient réunis à Cannes en France pour décider d’un nouvel ordre mondial, les altermondialistes se concertaient à Niono pour dénoncer les politiques néolibérales. A l’issue de leurs travaux, ils ont adopté une batterie de recommandations.

Du 31 octobre au 2 novembre derniers, la ville de Niono (région de Ségou) a abrité les festivités marquant la 10ème édition du Forum des peuples. Organisée par la Coalition des Alternatives, Dette et développement (CAD-Mali) en partenariat avec les mouvements sociaux, cette importante manifestation se tient en contre-sommet du G20 tenu cette année à Cannes en France.

Haut lieu de la contestation des politiques du capitalisme sauvage, le Forum de Niono visait à « consolider la mobilisation citoyenne contre le néolibéralisme, d’analyser les politiques de développement et de proposer des alternatives sud-sud, et d’informer enfin les participants sur la crise boursière en Occident et ses effets sur les pays en développement ».

Le forum des peuples se veut donc « un espace de construction d’alternative, d’éducation populaire et d’analyse des politiques néolibérales ». Il vise « l’interpellation des décideurs au plan national et international en ce qui concerne leurs politiques aux conséquences désastreuses sur la vie des populations ».

Ainsi, au terme des 4 jours de travaux et de débats houleux autour des thèmes d’actualité sur le développement du continent, les participants ont adopté plusieurs recommandations. Dans un document intitulé « L’appel de Niono », le Forum des peuples 2011 exige l’expropriation (sans indemnisation) des grands propriétaires fonciers (nationaux comme étrangers) en vue d’une réforme agraire permettant aux paysans de disposer de leur ressource. « L’agriculture est la seule activité capable de nourrir l’ensemble de l’humanité tout en préservant la biodiversité » pensent les altermondialistes. Qui réclament le soutien (par des politiques régionales, nationales et internationales) des productions vivrières et de la souveraineté alimentaire, notamment la protection des produits locaux vis-à-vis des produits importés, la valorisation des semences paysannes et des pratiques agro-écologique, etc.

A Niono le Forum des peuples a demandé « l’arrêt du pillage des ressources naturelles, la destruction de l’environnement, et exige des réparations au titre de la dette écologique ». « Nous voulons la prise en compte du changement climatique et  de ses effets sur les peuples africains par un engagement contraignant des Etats du Nord responsables du changement climatique, lors des prochaines négociations de Duban et Rio+ 20 », réclament les altermondialistes dans leur déclaration.

Sortir du carcan de la dette

L’un des temps forts qui ont dominé les débats au Forum des peuples, a été  les espaces autour de la question de la dette des pays africains. A Niono, les participants ont revendiqué l’abolition des paradis fiscaux, la levée du secret bancaire et le développement d’une fiscalité juste. Niono a aussi exigé la fin des privatisations imposées aux gouvernements africains, l’abolition des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) et leur remplacement par des institutions démocratiques au service des peuples. En clair, la volonté des peuples à Niono est de parvenir à la création d’un front mondial contre la dette, la fin de l’impérialisme et du néocolonialisme. Les révisions constitutionnelles n’ont pas été occultées dans l’élaboration des recommandations de ce Forum. Les peuples ont en effet exigé au terme de leurs débats « la mise en place d’un processus populaire en vue de leur introduction dans des mesures et de règles garantissant la démocratie réelle, tant d’un point de vue politique qu’économique ». Niono, qui a lancé un appel à la poursuite de la mobilisation, a adopté des recommandations sur d’autres sujets d’actualité comme la promotion des femmes, la fin du nucléaire et de la fabrication des armes qui encouragent les conflits, « l’arrêt de la criminalisation et de la persécution des migrants en favorisant la libre circulation des personnes », etc.
Issa Fakaba Sissoko
Envoyé spécial à Niono



Forum des peuples à Niono
Les déboires de l’organisation

Le manque de sérieux dans l’organisation, en plusieurs endroits, a enlevé à l’évènement son audience des années passées. Et dix années après, la médiocrité et le paradoxe entre le discours et les actes, semblent prendre le dessus. Explications.

Dix ans après la naissance de l’initiative, rien ne semble évolué dans l’organisation. Pour cette édition 2011, le spectacle était révoltant et on se demandait « d’où sortent ces gens-là ». Pour la journée du lundi 31 (c'est-à-dire le 1er jour de la manifestation), les participants repartis entre trois cars, on vécu une traversée du désert.

De l’amateurisme dans l’organisation
Pour un évènement dont le coup d’envoi est prévu à 15 heures, c’est le même jour que la délégation a quitté Bamako pour un trajet de près de 400 kilomètres. Ce n’est point une petite distance. Pis, pour un départ prévu à 6 heures 30 minutes, il faudra attendre 8 heures pour décoller. Et à moins de 100 kilomètres de Bamako, l’un des véhicules est tombé en panne. La réparation coûtera plus d’une heure d’attente. Avec les multiples arrêts, dus aux tracasseries routières et les caprices de certains individus (qui s’arrêtent partout pour des besoins qu’on ne connait souvent), la délégation a atterri à Niono vers les environs de 17 heures. C’est donc très exténués que les occupants des trois cars sont rentrés de plain-pied dans la cérémonie d’ouverture. Mais très affamés, les pauvres devraient faire escale dans une grande cour, pour avoir de quoi manger, juste pour ne pas « mourir de faire ».  Dans un décor qui rappelle les camps de réfugiés somaliens ou de la RDC, c’est le sauve-qui-peut…

Arriver au stade municipal de Niono (qui devait abriter les festivités), les choses sérieuses pouvaient maintenant commencer, avec la série de discours prévus au programme. La fatigue avait déjà eu raison de certains. Comme si cela ne suffisait pas, l’Energie du Mali (EDM-SA), est venue mettre le pied dans le plat. Comme si le délestage n’attendait que le discours du président de la CAD-Mali, la coupure d’électricité n’a pu donner chance à Sékou Diarra de faire passer son si long (mais intéressant) message. L’organisation n’avait prévue aucune disposition en la matière comme l’acquisition d’un groupe électrogène par exemple.

Vous avez dit « un autre monde est possible » ?
Pendant les quatre jours du Forum, l’accès des participants à la nourriture a été véritablement la croix et la bannière, malgré le budget de 40 millions (officiellement) débloqués pour la cause. Alter-mondialisme ne veut pas dire misérabilisme. Il exige (et c’est noble) la justice équitable dans l’accès aux richesses. Or, dans le cas de l’alter-mondialisme à l’africaine, particulièrement malienne, il n’y a ni justice, ni équité dans leur comportement. Car les participants n’ont pas droit au même traitement pendant le Forum. Pendant que certains dorment à même le sol comme de vulgaires voyous, d’autres font la belle vie dans les hôtels appartenant aux multinationales. Le paradoxe crève l’œil.

L’esprit du Forum des peuples est aussi de constituer un facteur de développement pour la localité qui l’abrite. Rien de cela n’a été à Niono. Car c’est dans les ordures que les débats se sont tenus. Tout autour du stade municipal, dans l’enceinte, l’assainissement était complètement absent. Ce n’est pas dans les ordures qu’on bâtira « un autre monde ».

Le plus révoltant c’est que depuis 2002, les mêmes comportements reviennent en des éditions différentes.  A Siby (en 2002 et 2003) à Kita en 2004, Fana en 2005, Gao en 2006, Sikasso en 2007,  Katibougou en 2008, Badiangara en 2009, et Bamako en 2010, rien ne semble, malheureusement évolué.

A Niono, le spectacle était inquiétant, car le forum a véritablement régressé. Tant par rapport au niveau des débats, à la qualité des exposés,  mais également sur le plan de la participation des opérateurs au « Marché des peuples ». A Niono ce sont quelques stands qui ont été installés, contrairement à Badiangara en 2009, où les participants étaient face à l’embarras du choix devant la diversité des stands.
Le Forum des peuples pense qu’ « un autre monde est possible ». Oui ! C’est bien possible, mais ceux-là qui le revendiquent n’ont rien d’altermondialistes.
I. F. Sissoko

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