Gouvernance publique et manque à gagner : Macarons, écussons et caducées
Vendredi après-midi, une voiture sombre descend en toute vitesse de vers Koulouba, fait fi des panneaux de signalisation, a la chance de ne tamponner personne, de n’être percutée par personne, mais provoque un embouteillage devant des policiers médusés qui, perdant contrôle et pédales, se mettent à siffler à tout va. Ceci n’est ni une fiction, ni un banal fait divers mais le triste spectacle donné par un gouvernant.
Vendredi 6 janvier 2012. Il est 18h23mn, au carrefour du Grand-hôtel de Bamako, une Mercedes de couleur noire, immatriculée G-23, descend en trombe de vers la colline de Koulouba, en brûlant délibérément les feux rouges. Délibérément parce qu’étant déjà en excès de vitesse, le chauffeur a encore ce réflexe, sans doute conditionné par son maître, d’allumer les feux de détresse et d’accélérer au lieu de répondre à l’injonction colorée de ralentissement du feu orange. Comme un véhicule ivre, le G-23, se croyant sans doute sur la route dégagée de Sikasso, a failli emboutir une bonne dizaine de voitures, en provenance de CHU Gabriel Touré, qui venaient d’avoir le feu vert. Qu’est-ce que ce ministre avait de si urgent à faire à pareille heure, pour mettre en danger la vie et la santé de tant de motocyclistes et automobilistes qui, eux, étaient dans leur bon droit ? Avait-il été sermonné puis éconduit par le président de la République ? Avait-il une mission politique urgente à remplir ? Dans tous les cas, le conducteur du G-23 a fait preuve d’imprudence irresponsable.
Selon plusieurs témoignages, cet incident du 6 janvier est loin d’être un cas isolé. Les voitures ministérielles ne se sentent pas obligées de respecter le code de la route, en s’arrêtant aux feux rouges, en donnant la priorité à ceux qui y ont droit. Ils auraient même tendance à houspiller les policiers qui tardent à leur frayer un chemin ou à dégager pour eux un passage. On se rappelle, en ce même endroit, un député PASJ aurait apostrophé et molesté un agent de la circulation qui lui conseillait gentiment et poliment de rester dans la file et d’attendre patiemment son tour.
Forcer la circulation n’est pas la seule chose qu’on pourrait reprocher aux gouvernants (ministres, élus, hauts cadres de l’administration, gradés de l’armée, de la sécurité et des corps paramilitaires) de ce pays.
En effet, tout ces beaux gosses ont en commun le privilège de rouler dans des véhicules non dédouanés, non immatriculés, sans assurance, sans vignette, sans visa de contrôle technique. Mais personne n’ose les arrêter sans essuyer des foudres. Tout bonnement parce qu’en lieu et place des documents normaux et en règle, ces privilégiés ont, collés à leur pare-brise, des macarons, médaillons, écussons, « laissez-passer officiel », aux couleurs de la nation. Tous ces beaux gosses ont compris qu’ils ne sont pas aux commandes de l’Etat pour donner le bon exemple en payant les taxes et droits de douanes, en améliorant les recettes de l’Etat. Non ! Ils sont chefs, et à ce titre, ils doivent profiter et se servir au maximum des maigres biens publics. La complaisance et la permissivité des autorités aidant, ils entendent également faire profiter leurs trop nombreux parents et amis. Ainsi, ils cherchent et octroient des passe-droits à ces proches qui ne sont pas plus ministres, députés ou officiers que les clodos du quartier. Et par leur faute, il y a évidemment un énorme manque à gagner (selon l’expression de Sidi Sosso Diarra, l’ancien Végal, combattu parce que trop inquisiteur) par les caisses publiques. Mais il y a toujours pire : le citoyen lambda, même celui qui n’a aucun parent ou simple connaissance « en haut de en haut », peut se procurer le précieux sésame. Aujourd’hui, les macarons, écussons, médaillons, caducées, et autres laissez-passer sont vendus comme des biscuits sur n’importe quel étal du « Dabanani », à un prix très abordable selon la hiérarchie et la taille du sésame.
Et tout le monde est au courant. Mais si par conscience professionnelle, par intégrité ou par cupidité un policier a l’audace d’arrêter un de ces profiteurs à macaron, il est vite voué aux gémonies et accusé de toutes les plaies d’Israël, donc à mettre en quarantaine dans une voie de garage quelconque. Où il passera son temps à compter les vaches maigres.
En ce qui concerne les autorités, elles laisseront faire ces abus de pouvoir, trafics d’influence, mystifications, escroquerie, sans y mettre bon ordre. Du moment qu’elles en sont bénéficiaires, que les caisses de l’Etat ne soient jamais alimentées. Après elles, le déluge
Cheick Tandina
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