Le 17 avril 2012, en nommant le Dr. Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de la transition, avec les pleins pouvoirs, beaucoup d'espoirs avaient été placés sur cet astrophysicien, même s'il n'avait exercé aucune responsabilité étatique au Mali.
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![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/07/Cheick_modibo_discor.jpg)
Cheick Modibo Diarra Premier ministre[/caption]
Il avait toutes les cartes en main pour mettre le Mali dans la voie de la récupération de son intégrité territoriale et assurer le retour à terme du pays dans l'état de droit, à travers l'organisation d'élections crédibles. 100 jours après, c'est la grande désillusion. Lâché par les responsables militaires, ayant perdu la confiance de la plupart des Chefs d'Etats et Ministres de la CEDEAO, décrié par les plus grandes formations politiques du pays (représentant plus de 80% à l'Assemblée nationale) et la 1ère formation syndicale du pays, critiqué par de nombreux diplomates en poste au Mali, le Premier ministre n'a plus aucune base légitime. Sa démission est réclamée par la grande majorité de la classe politique. De ce fait, il n'a plus la possibilité de former un Gouvernement d'union nationale. Depuis son arrivée, les difficultés des Maliens n'ayant fait qu'empirer, il est le seul à croire qu'il a une assise populaire. Comment est-il arrivé là en si peu de temps? Chronique d'un échec foudroyant.
e Mali est au bord du précipice. Dans les prochains jours, notre pays pourrait basculer dans l'abîme. Les données du désastre probable sont pour l'essentiel les suivantes :
1. Les 2/3 du territoire national sont occupés par des terroristes et des trafiquants. Les populations des zones occupées souffrent énormément sur place ou en exode. Les occupants se renforcent de jour en jour et sont en train de s'aliéner une frange de la jeunesse qu'ils contrôlent.
2. L'armée malienne n'est pas en mesure actuellement d'aller libérer le septentrion occupé. Elle manque surtout de moyens matériels et logistiques. Elle a besoin de temps pour restaurer une chaîne de commandement efficace et rétablir la morale des troupes.
3. Dans le Sud, encore libre, la situation socioéconomique se détériore. Les populations ressentent de plus en plus des difficultés dans leur vie quotidienne. Cette situation pourrait évoluer gravement.
4. La coopération au développement est suspendue avec les partenaires techniques et financiers. L'Etat vit actuellement avec les moyens du bord. Il pourrait être en cessation de paiement dans un court délai, si la coopération n'est pas reprise avec nos partenaires.
Ces données permettent de tirer une conclusion : le Mali laissé à lui même n'est pas à même de faire face à ses énormes difficultés. Il a besoin de l'aide de ses voisins et de la communauté internationale. C'est dommage, c'est regrettable, .... Mais c'est le constat amer de la vérité.
C'est sans doute cette réalité que le Capitaine Sanogo et les autres membres du CNRDRE ont compris en acceptant malgré eux de laisser la gestion de la transition aux civils. Le Président Dioncouda Traoré, dans son adresse à la Nation, le Dimanche 29 Juillet 2012, a admis cette réalité, même s'il s'est montré plus optimiste sur la sortie de crise. C'est pourtant ce fait évident que l'actuel Premier ministre veut ignorer en s'accrochant à son fauteuil.
La grande désillusion
Retour sur la chronique d'un énorme gâchis. Le 17 avril 2012, le Dr Cheick Modibo Diarra est nommé Premier ministre du Mali, sur la base d'un Accord-cadre signé entre les représentants du CNRDRE et de la CEDEAO. N'ayant exercé auparavant aucune responsabilité, ni étatique, ni élective au Mali, donc n'ayant aucune légitimité, le Dr Cheick Modibo Diarra ne doit son poste que du fait de la confiance placée en lui par les auteurs du coup d'Etat et les responsables de la CEDEAO. À sa nomination, il bénéficie au moins de la neutralité bienfaisante de la communauté internationale.
Trois mois après sa nomination, le Premier ministre a réussi à se mettre à dos tous ses soutiens. L'explication tient à une série de fautes politiques et à des comportements irresponsables.
1. Première faute : la constitution de son Gouvernement. Plutôt que de former un Gouvernement d'union nationale comme le stipulait l'Accord-cadre, le Dr. Cheick Modibo Diarra a constitué un Gouvernement composé exclusivement par ses amis, ses parents et les connaissances de sa belle famille. Idem pour son Cabinet, où en plus des amis, on trouve son beau frère et son grand frère à des postes clés. Le Premier ministre aurait dû mettre en place un Gouvernement avec des ministres, ayant des compétences techniques avérées, issus des principales formations politiques et des associations sociales, auxquels pouvaient être ajoutés
"ses propres technocrates" et des représentants des communautés touaregs et Arabes. Le mélange hétéroclite des agronomes et des physiciens, des Sikassois et des Ségoviens....des griots et des marabouts.... ne constitue pas un Gouvernement d'union nationale. Celui-ci se compose avec les forces vives de la nation, les acteurs de la vie politique, sociale et culturelle du pays.
2. Ensuite, le Premier ministre a commis l'erreur de confondre "
action" et "
agitation". Ses agissements débridés, allant dans tous les sens, l'ont discrédité aux yeux de la plupart de ses interlocuteurs. En trois mois, il a effectué pas moins d'une dizaine de voyages, utilisant le plus souvent l'avion présidentiel, un Boeing d'ancienne génération, très consommatrice en fuel. De l'aveux de certains de ses interlocuteurs, le téléphone aurait suffi dans bien des cas. D'autres pensent qu'il aurait pu s'adresser au Médiateur de la crise malienne plutôt que de venir le voir. En réalité, la plupart des voyages du Premier ministre était dictée par des soucis de communication plutôt que la résolution des problèmes réels du Mali. L'impréparation des dossiers, sa propension à porter la contradiction (on se souviendra, entre autres, de sa passe d'armes avec le Président Yayi Boni, lors du Sommet des Chefs d'Etat à Abuja sur la question du retour du Président Dioncouda Traoré ), son absence de culture de la préséance ont achevé de casser son image, notamment auprès des Chefs d'Etats de la CEDEAO. Raisons pour lesquelles, lors du dernier Sommet à Ouagadougou, le Premier ministre malien n'a pas été invité, malgré l'absence du Président Dioncounda Traoré.
3. Le Premier ministre n'est pas exempt non plus de toute critique dans la gestion de l'agression barbare, dont le Président Dioncounda a été victime. En effet, lorsque le Ministre de la Sécurité intérieure a été mis en cause et que sa démission avait été demandée, il s'est défendu en précisant qu'il n'avait reçu aucun ordre pour envoyer des éléments pour renforcer la sécurité au Palais présidentiel. Cet ordre aurait dû être donné par le Chef du Gouvernement. Le moins que l'on puisse dire est que dans cette agression, le Premier ministre a manqué de sens de l'anticipation.
4. Enfin, le Dr. Cheick Modibo Diarra a laissé le doute s'installer sur son honnêteté et son honorabilité. Premier doute : son passé à la NASA. Longtemps perçu comme "le Malien qui a envoyé un robot sur Mars" et de ce fait l'objet de la fierté de toute une nation, les Maliens découvrent avec effarement que leur astrophysicien n'a joué qu'un rôle secondaire de vulgarisateur du programme pour les enfants. Pire, que le Conseil d'administration de la NASA a demandé à l'unanimité à notre
"héros national" de partir et que ce dernier nous a caché cette vérité pendant plusieurs années. Il y a 2 semaines, le Premier ministre occupait la une du magazine le plus lu en Afrique francophone (Jeune Afrique) avec le titre peu flatteur de "
Grand Bluff". Deuxième doute : l'entourage de Dr. Cheick Modibo Diarra a largement fait courir le bruit que dès sa nomination, les Américains interviendraient dans le Nord, grâce à ses amitiés et à sa citoyenneté outre-Atlantique. Aujourd'hui, il s'avère que l'Ambassadrice des États-Unis au Mali fait partie des diplomates les plus critiques à l'encontre du Premier Ministre. Troisième doute : son fameux voyage en France avec la journaliste de l'ORTM. C'est si lamentable qu'il ne faut pas s'y étendre. Les exemples peuvent être multipliés. La question de fond est de savoir si cet homme est sérieux au point d'assumer la fonction de Premier ministre du Mali. Sans nul doute non!
Ne nous trompons pas. Le problème n'est pas pour ou contre le Premier ministre actuel. Il n'est pas non plus dans une confrontation entre le FDR et les pro Modibo, dont la CSM. Lorsque les uns auraient fini de dire que tous les maux du Mali sont dus aux mauvaises gestions de ces 20 dernières années et que les autres leur répondraient que les 23 années d'avant, celles de la dictature, furent les pires moments que les Maliens aient jamais connus, nous ne serions avancés en rien face à nos problèmes actuels. Le problème n'est pas non plus la CEDEAO. Quand le Premier ministre était reçu avec honneur et grands intérêts lors des Sommets de la CEDEAO, personne n'a entendu parler de
"solutions par les Maliens". Le problème pour lui est qu'il a fini par décevoir les Chefs d'Etat de la CEDEAO par son incompétence. Le problème est encore moins la communauté internationale, qui ne demande qu'à avoir un interlocuteur efficace à la tête du Gouvernement du Mali.
CMD est le problème : il faut tout reprendre, dixit un diplomate chevronné.
Non, le grand problème du Premier ministre actuel, c'est l'incapacité du Dr. Cheick Modibo Diarra à diriger le Gouvernement du Mali. Contesté par les 2/3 des forces vives de la Nation et lâché par les responsables militaires, il n'est plus en mesure de constituer un Gouvernement d'union nationale. De surcroît, ne bénéficiant plus de la confiance de la CEDEAO et de la communauté internationale, qu'est-ce qu'il pourrait faire pour le Mali? Ceux qui soutiennent le Dr. Cheick Modibo Diarra, certains parce qu'ils croient sincèrement à l'homme, pourraient avoir à le regretter amèrement un jour. Comme l'intéressé même le dit, il a toujours eu de la chance. Alors, si le Mali manque de chance, si par faiblesse ou par des combinaisons politiques, l'actuel Premier ministre restait dans ses fonctions, malgré ses carences évidentes, alors attendons nous au pire. Dans l'inconscient collectif, nous pensons que nous avons déjà atteint le fond, que nous ne pouvons plus descendre plus bas. Faux. Sans aller chercher loin, il y a une dizaine années, si on demandait à nos frères de Côte d'Ivoire que leur pays pouvait être plongé dans la crise qu'ils ont connue, qu'ils seraient au bord de la guerre civile et que cela pouvait durer 10 ans, très peu d'entre eux pouvaient vous croire. Cela fut et pourquoi?. A cause d'un homme, qui était à un haut poste de responsabilité qu'il ne pouvait pas assumer. Tout comme ce
"leader" de la Côte d'Ivoire, le Dr Cheick Modibo Diarra n'a pas simplement l'étoffe de diriger le Gouvernement du Mali..
Par ailleurs, le Dr Cheick Modibo Diarra se dit populaire, capable de remplir les rues de Bamako par des milliers de supporters. Là aussi, les faits le démentent. En réalité, il a essayé à deux reprises de faire sortir les Maliens pour le soutenir. La première fois, lors du dernier Sommet de la CEDEAO à Ouagadougou au cours duquel il avait peur de se faire débarquer. Heureusement pour lui que le Président Dioncounda n'a pas pu assister à ce Sommet. Sa deuxième tentative de mobilisation des populations est récente. En fait, il voulait faire précéder sa conférence de presse par une grande manifestation. Voyant le peu d'enthousiasme des leaders d'opinion sollicités, il a du renoncer. Il n'est pas d'accord : eh bien qu'il remplisse le stade Ouezzin Coulibaly, samedi prochain.
Enfin, n'ayant pas la grandeur de comprendre que lorsqu'on a échoué, il vaut mieux partir avec les honneurs, le Dr. Cheick Modibo Diarra cherche à nous entrainer dans un débat juridico-institutionnel pour justifier son maintien. Il n'en est rien. En effet, le Premier ministre peut être débarqué aisément à travers un nouvel Accord-cadre entre le Président Dioncounda Traoré et la CEDEAO. Ce nouvel Accord abrogerait le 1er Accord qui est devenu caduc avec la disparition du CNRDRE et entérinerait les nouveaux organes de la Transition : le Haut Conseil de l'Etat (HCE) avec ses deux nouvelles vice-présidences militaire et politique, la Commission Spéciale de négociation, ainsi que le relèvement de ses fonctions de l'actuel Premier ministre et son remplacement par un nouveau, choisi par le Président après consultations avec les forces vives.
Le plus tôt serait le mieux.
Dieudonné Doumbia
Enseignant