Honorable Baba Haïdara dit Sandy, Président du COLEN: «Le territoire du MNLA, ce sont les médias»
Dans l’interview que le Président du Collectif des Elus du Nord nous a accordée, l’Honorable El Hadj Baba Haïdara dit Sandy charge l’ancien Président de la République française, Nicolas Sarkozy, qu’il accuse d’avoir soutenu la création du MNLA. Il se prononce également sur les opérations militaires en cours dans notre pays. Lisez plutôt.
[caption id="attachment_70998" align="alignleft" width="310"] Sandy haidara[/caption]
22 Septembre: Vous êtes le Président du Collectif des Elus du Nord (COLEN). Quelle appréciation faîtes-vous des derniers évènements dans notre pays?
Sandy: On ne peut dire que nous sommes au bout de l’extase, mais je dois dire que nous sommes dans un processus de joie et de satisfaction assez grand. Nous, cette intervention, nous l’avons souhaitée et demandée. Je parle en tant que Président du COLEN. Nous avons fait beaucoup de plaidoyers en ce sens. Depuis précisément le 5 mai 2012, au cours d’une conférence de presse, nous avons fait un Appel des élus que nous remis au Président de la République et au Premier ministre sortant et à toutes les institutions du Mali, disant que l’intervention étrangère pour aider l’armée malienne pour libérer notre pays était indispensable, que nous la désirions et que nous la souhaitions très rapide. Nous avons porté ce plaidoyer hors du Mali, en France, en Europe, dans beaucoup de pays, au Canada à l’Union interparlementaire, où tous les Parlements des pays membres des Nations Unies se sont retrouvés pour faire ce plaidoyer. Nous pensions que l’armée malienne, telle que nous l’avions vu en mars sortir de nos villes n’était pas capable de faire face à ceux qui nous envahissaient. Donc, nous sommes heureux. Vive la France et vive le Président Hollande qui a fait cela.
Ne pensez-vous pas que cette intervention a été un peu tardive?
Je l’ai dit dans d’autres cadres, l’intervention a pris du retard. Nous le déplorons. Mais il faut accepter une chose, c’est la cacophonie à l’intérieur du pays. Nous avons passé 9 mois sans savoir ce que nous voulions. Citez-moi moi simplement un seul sujet, depuis les évènements de mars, et même avant mars, qui ait pu fédérer les Maliens, les amener à parler à l’unisson? Il n’y en a pas eu. La cacophonie était totale, à tous points de vue. Alors, quand cela arrive, il ne faut pas se plaindre. Que nous ne soyons pas cohérents et que nous demandions aux autres de l’être à notre sujet, ce n’est pas possible. Voilà ce qui nous est arrivé. Le retard est dû à cela. Au moment où la CEDEAO a dit nous serons prêts, le Président de la République, à qui on a demandé de formuler la demande, l’a fait après combien de temps? Alors que, peut-être, à la conférence de Dakar déjà, il aurait pu leur dire voilà ma demande. Il a raté le coche. Parce que, tout simplement, un Premier ministre le tiraillait et un Capitaine le menaçait. Il ne pouvait pas, il n’a pas pu prendre de décision. Vraiment, il ne faut pas en vouloir aux autres. Ce retard est de notre faute, dû à notre incohérence. Et aussi, il faut ne pas oublier l’évolution en France. Sarkozy a armé le MNLA. Il s’est trompé, il faut le dire, en pensant que le MNLA pouvait faire libérer les otages. Il avait des visions futuristes sur le Mali, pensant que ces gens allaient le récompenser avec tout ce qu’il y a comme richesses là-bas. Le calcul était celui-là et c’était ce que le MNLA lui avait promis. «Tu nous aides, on libère tes otages». Il s’est trompé, parce qu’il ne savait que le MNLA était une coquille vide. La Mauritanie s’est trompée aussi en aidant Sarkozy. Je dis que la défaite de Sarkozy a marqué le début de la fin de la rébellion au Mali. C’est ce qu’on est en train de vivre. Aujourd’hui, avec le changement d’homme, la France est toujours la même, mais la politique de la France vis-à-vis de notre pays a changé. Hollande a dit non, arrêtez!
Aujourd’hui, le MNLA demande son implication dans les opérations en cours. Qu’en pensez-vous?
Nul et vide. Le MNLA c’est qui? A l’Assemblée nationale, je peux le dire en son nom, en novembre 2011 nous sommes allés les rencontrer dans leurs grottes pour leur dire ne faites pas ce que vous êtes en train de tenter. Cela peut nous amener à l’aventure et ce n’est pas une bonne chose. Tenez-vous bien, le 16 octobre, juste un mois avant, ils avaient créé le MNLA à partir du MNA, grâce à l’arrivée du groupe libyen, bien armé. Ils ont transformé le Mouvement national de l’Azawad, en Mouvement national de libération de l’Azawad. J’étais là, ils nous ont donné l’information. Nous leur avons demandé de ne pas le faire, parce qu’ils ne représentent pas les populations touarègues, encore moins les populations du Nord. Quelle légitimité ont-ils? Qui les a mandaté et autorisé? Au nom de qui parlent-ils? D’ores et déjà, je considère que le MNLA ne signifie rien. Ils ont eu des armes, ils ont été malheureusement soutenus par Sarkozy. Ils ont engagé les hostilités sur le terrain, d’autres en ont profité. Ils ont été le porte-avions de ce qui nous arrive. Tous ces groupuscules sont venus parce que le MNLA a attaqué. Ils sont donc responsables de ce qui nous arrive. Mieux, ils ont été battus par leurs collaborateurs ou leurs complices d’un moment, car ils ont commis des exactions à Adiel Hoc à l’époque avec Ançar Eddine et autres. Ceux-ci les ont battus et les ont ensuite chassés. Ils sont sortis du territoire malien. Et, depuis, qui a entendu un groupe du MNLA s’exprimer depuis un coin du Mali? Leur territoire, ce sont les médias et les couloirs des hôtels du Burkina Faso, peut-être sous le couvert du Président du Faso. Ils n’ont pas de territoire. Ils n’ont rien du tout. Quelques uns de leurs partisans se sont dispersés et d’autres ont rejoint ceux qui paient, Ançar Eddine, le MUJAO et autres. Le dernier groupe est parti se livrer, par manque de moyens, à l’armée malienne, par l’intermédiaire de la Mauritanie. Le MNLA est vide. Alors il ne faut pas qu’on nous le ramène. Nous sommes contre toute médiation avec le MNLA. Ceux pensent que le MNLA vaut quelque chose se trompent. Ils ne représentent pas les Touaregs. Je suis même persuadé, avec tout ce que j’entends, que les Touaregs, mêmes Maliens, maudissent le MNLA pour avoir utilisé le mot Touareg. Ils n’ont qu’une activité d’aventuriers. Ils vont aider à travers quoi? C’est utopique, ils cherchent juste à quoi s’accrocher. Sont-ils les USA avec leurs drones? Les services de renseignement sont là, avec tous les moyens satellitaires dont dispose la France. Nous avons l’armée malienne, nos alliés, les populations. Merci MNLA et bon débarras!
Vous parlez de lobby en Europe qui veut ramener le Mnla au devant de la scène…
Je vais vous dire pourquoi. Parce que ce lobby est lui-même trompé par le MNLA. J’étais face au MNLA à Strasbourg avec l’Honorable Assarid, Vice-président de l’Assemblée nationale. Vous savez, ils sensibilisent ces gens, le monde occidental, au nom de la communauté touarègue, quand vous n’êtes pas là, quand je ne suis pas là. Mais, quand ils sont sur les plateaux de télévision, ils parlent au nom de la population de l’Azawad. En fait, c’est cela leur jeu. Ils prétendent que la population touarègue malienne est brimée, maltraitée, sous employée, sous utilisée, chassée et martyrisée par le Mali et l’Etat malien. Au nom de quoi? Je l’ai découvert à Strasbourg. La conférence portait sur «La position du MNLA face au Mali». Quand nous sommes entrés dans la salle, tous les conférenciers, Hama Ag Mahamoud, Zakiatou Wallett, Bilal Ag Achérif et l’autre Oumar ont tous plaidé la cause du peuple touarègue face aux Européens. C’est pour cela que des gens sont sortis de la salle comme Alfonsi, au nom des minorités, des Corses par exemple. Ils font comme si c’est une race en voie de disparition, en train d’être exterminée par les Noirs du Mali. Voilà ce qu’ils expliquent. Certains Européens pensent que le Nord appartient aux Touaregs. Ces gens ignorent qu’ils ne sont que 5% de la population du Nord du Mali. Ils ignorent que, contrairement à d’autres qui ont dirigé des royaumes, des empires dans le Mali, il n’y a jamais eu ni royaume, ni empire touareg. Ça c’est historique et il faut que les gens le sachent.
Que pensez-vous des positions de l’Algérie et la Mauritanie?
L’Algérie, c’est deux faces. La première est étatique. L’Etat algérien a créé le FIS, l’a poussé à aller à la rébellion après les élections et a créé le terrorisme en Algérie. Le FIS s’est développé pour devenir le GSPC. Ce dernier, en s’affiliant à Al-Qaïda, est devenu AQMI. Ce sont les Algériens qui sont à la base de la création d’AQMI. L’Algérie a pu battre et les a poussé au Sud de son pays, c’est à dire au Nord du Mali. L’Etat algérien s’est débarrassé de ses saletés. Toute guerre qui risque de pousser ces gens hors du Nord du Mali ne l’arrange pas. C’est pour cela qu’il ne voulait pas la guerre, il préférait la négociation pour que ces gens restent au Mali. C’est peut-être compréhensible, mais égoïste. Parallèlement il y a les barons de la drogue algériens, dont de grands généraux, qui sont les relais et les complices de ces trafiquants de drogue, AQMI, Al-Qaïda, qui reçoivent Air cocaïne avec tout son chargement. Qui transporte? Qui laisse passer? Ils veulent que ce marché continue et autorisent le ravitaillement en carburant, en véhicules, en armement, très facilement. Aujourd’hui, l’Algérie, qui a tenté une médiation, s’est rendu compte que ce n’était pas des hommes crédibles. Iyad n’a jamais été crédible, le MNLA n’est pas crédible. La preuve, alors qu’ils ont signé un accord, certains vont le dénoncer sur les antennes et, immédiatement, déclenchent des hostilités contre le Mali. Malheureusement, l’Algérie n’a pas le choix. A quelque chose malheur est bon. Ils ont montré à l’Algérie que non seulement ils n’étaient pas crédibles mais qu’en plus ils étaient ses ennemis, vu ce qui s’est passé hier (interview réalisée le vendredi 18 janvier).
Le malheur de la Mauritanie, c’est d’avoir cru la France à un moment donné. Abdoul Aziz avait une sorte de leçon à donner à ATT, concernant le problème de la forêt de Ouagadou. Il y a aussi des Mauritaniens qui ont été libérés ici en échange d’otages autrichiens. Il ne l’a jamais pardonné à ATT. C’est à travers la Mauritanie que Sarkozy a aidé le MNLA, dont le premier siège était à Nouakchott, avec un drapeau qui flottait et une plaque. J’ai personnellement dit au Président Abdoul Aziz que les Maliens ne comprenaient pas qu’un pays qui se dit ami du nôtre puisse donner une résidence au MNLA. Il m’a dit qu’il prendrait des dispositions pour la fermer. La Mauritanie, pourtant, s’est rendu compte qu’elle s’est trompée, comme d’ailleurs Sarkozy, parce qu’ATT n’a jamais signé ses accords sur l’immigration. Sarkozy voulait le punir, Abdoul Aziz aussi. Ils ont malheureusement puni le peuple malien, fait du tort au peuple malien.
Ne pensez-vous que les USA et l’Union européenne doivent faire plus que de l’appui logistique?
Vous savez ce qui a gâché tout cela? La cacophonie chez nous d’abord. Puis la communauté internationale s’est décidée c’est une bonne chose, en plus de l’effet de surprise. Celui qui était le plus prêt et le plus disponible est venu en premier. Les autres sont en train de venir. On l’a annoncé à la conférence des Ambassadeurs de l’Union Européenne. Le ministre des Affaires Etrangères français vient d’annoncer que certains pays étaient prêts à envoyer des hommes. Ce qui vient de se passer en Algérie va aussi dans le bon sens. Tous pays qui y ont eu des otages vont aider le Mali pour arrêter cela. Je crois que c’est l’occasion pour le monde entier de se mettre ensemble pour éradiquer le terrorisme.
En tant que Président des élus du Nord, ne craignez-vous pas des violations des droits de l’homme et éventuellement l’amalgame entre populations blanches et rebelles?
Dans la résolution de l’Assemblée nationale, c’était mon souci. Rappelez-vous bien les années précédentes, les rebellions précédentes. Je n’ai pas peur de dire ce qui s’est passé. Les Bérets rouges sont venus pour en finir avec la rébellion à cause de tout ce qu’ils ont subi, de ce que l’armée a vécu à Adiel Hoc. Ils ont envie de se venger. Se venger de qui? Tout ce qui a été fait contre eux l’a été par des peaux blanches. Tout ce qui à une peau blanche va leur brûler les yeux. C’est ce qui est dangereux. Toute peau blanche n’est pas un rebelle, toute peau blanche n’est pas touarègue. Tout enturbanné n’est pas rebelle. Nous avons des communautés multi ethniques. Nous avons des Arabes qui ne sont pas des rebelles, tous les Touaregs ne sont pas dans la rébellion. Alors, si on doit stigmatiser par la peau, cela va être un danger pour tous. Je recommande deux choses. Ce qui s’est passé à Tombouctou en 2006, avec le comportement malheureux des Bérets rouges, qui nous ont posé d’énormes problèmes pour consolider et refaire la cohésion sociale, fait que, jusqu’à présent, il existe des fissures. Cette année, qu’est ce qui a grossi le nombre des réfugiés? Tous ceux qui ont la peau blanche, dès qu’on a dit rébellion, ils ont fui, parce qu’ils se disaient que l’armée malienne allait venir, que les Bérets rouges allaient venir. C’est pour leur sécurité qu’ils sont partis. Cela, il faut l’éviter. Il faut éviter quelque chose qui a malheureusement été fait par des Maliens, par l’armée malienne. D’autant que cette année ils sont accompagnés des étrangers, qui ne connaissent pas le terrain et ne sont pas censés faire la différence. Prudence donc au niveau des militaires. Celui qui a pris les armes, abattez-le. Celui sur lequel vous n’avez pas trouvé d’armes, même s’il est coupable, emprisonnez-le, laissez-le à la disposition de la justice. Cela vaut mieux qu’une justice expéditive. A l’endroit des populations, je dirais que la dénonciation des coupables est une bonne chose, mais que la dénonciation pour nuire pour des raisons personnelles est indigne de notre religion. Les populations ont-elles aussi envie de se venger, parce qu’on leur a coupé les mains, qu’on les a lapidées, privées de leur liberté. Face à cette situation, comment faire? Il faut juste dénoncer. Populations civiles, n’essayez pas de vous faire justice. Si vous tentez de vous faire justice, si vous touchez un individu ou ses biens, c’est l’opposition garantie entre Noirs et Blancs. Cette guerre civile, même si elle n’a pas lieu, sera latente. Nous, élus, avons un rôle important à jouer dans cela. La réconciliation des populations, nous la préparons dès maintenant. Sachons raison garder.
Interview réalisée par Youssouf Diallo
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