Justice malienne : Comment en est-on arrivé à la déliquescence ?

Août 13, 2012 - 23:04
Août 13, 2012 - 12:07
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Pour désigner la justice, on entend très souvent dire : «Nul n’est au-dessus de la loi» ou encore nul n’a le droit de se rendre justice. Toutes ces assertions  justifient le rôle combien important de la justice dans la vie quotidienne. Une bonne démocratie  passe forcément par une justice équitable. La justice est la qualité qui consiste à rendre et à conserver à chacun ce qui lui est dû. [caption id="attachment_72827" align="alignleft" width="346"] Malick Coulibaly, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux[/caption] Quant au droit, c’est la chose qui est due à chacun : «L’homme voulut, dit De Barante que la justice, ce sentiment universel, cet axiome ineffaçable de l’âme humaine, devint le droit c’est à dire fut réciproquement reconnu par tous les membres de la société.» Malheureusement, ce DROIT est aujourd’hui objet de beaucoup d’interprétations. Torpillé, violé, le droit tant attendu dans les verdicts par le peuple ne sera jamais dit durant ces vingt (20) dernières années (années de la démocratie). Et pour cause, la politique a fait son entrée chez les hommes de droit. Sur les 137 partis politiques existant et légalement reconnus au Mali, plus de la moitié ont été fondés par les avocats. Juges, avocats, magistrats ont politisé la justice malienne. Dès lors, les Maliens sont méfiants envers les juges, avocats, magistrats. Au Mali, il existe deux justices : une pour les pauvres et une pour les riches. Le juge est celui qui rend la justice, qui a le droit de juger. Il est préposé par l’autorité publique pour juger, pour rendre la justice aux particuliers. Le magistrat est un officier civil investi d’une autorité juridictionnelle, administrative ou politique. Il attire plus que le mot juge, l’attention sur la dignité de la fonction exercée. L’avocat est le nom que l’on donne dans, le droit actuel, aux licenciés en droit régulièrement inscrits au tableau ou stage du barreau d’une Cour d’appel ou d’un tribunal de première instance, et qui font profession de défendre en justice les personnes qui recourent à eux. C’est aussi celui qui, régulièrement inscrit à un barreau, conseille en matière juridique ou contentieuse, assiste ou représente ses clients en justice. Selon La Bruyère, la fonction de l’avocat est pénible, laborieuse, et suppose dans celui qui l’exerce un riche fonds et de grandes ressources, il prononce de graves plaidoyers devant des juges qui peuvent lui imposer silence, et contre des adversaires qui l’interrompent ; il doit être prêt sur la réplique ; il parle en un même jour, dans divers tribunaux, de différentes affaires. Quand on  a ainsi distingué l’éloquence du barreau de la fonction de l’avocat, et l’éloquence de la chaire du ministre du prédicateur, on croit voir qu’il est plus aisé de prêcher que de plaider, et plus difficile de bien prêcher que de bien plaider. Comment en est-on arrivé à la déliquescence  de notre justice ? La Constitution du 25 Février 1992 donne pleins pouvoirs aux Magistrats. Au titre du pouvoir judiciaire, la Constitution  stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour Suprême et les autres Cours et tribunaux. «Les Magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Les Magistrats du siège sont inamovibles. Le Président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature, veille sur la gestion de la carrière des Magistrats et donne son avis sur toute question concernant l’indépendance de la Magistrature. Le Conseil Supérieur de la Magistrature statue comme Conseil de discipline pour les Magistrats. Une loi organique fixe l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature. La loi fixe également le statut de la Magistrature dans le respect des principes contenus dans la présente Constitution.» Concernant la Cour Constitutionnelle : Les neufs (9) sages de la Cour Constitutionnelle sont désignés par le Président de la République (trois dont au moins deux juristes), le Président de l’Assemblée Nationale (trois dont au moins deux juristes), le Conseil Supérieur de la Magistrature (3). La trop grande indépendance de la justice malienne et  inféodée aux politiques constitue un frein pour la bonne marche de l’appareil judiciaire. Pour s’en convaincre voici les propos de trois éminents avocats de la Cour : - «Pour des raisons de décisions de justice mal rendues, la prochaine révolution pourrait venir des tribunaux». - «Aujourd’hui  les juges se servent du Droit pour tuer le Droit». - «Le juge est indépendant de tout sauf de l’argent sal». Le jugement fait par ces trois avocats dépeint le mal dont souffre notre justice et ses hommes. Le mal du Mali est d’ordre judiciaire. Le pays est malade à cause du virus causé par les magistrats. Pour des raisons de mauvaises décisions de justice, la démocratie malienne a basculé dans une «magistracratie» avec une justice à la solde des princes du jour. De mémoire de maliens sur plus de quinze ministres de la justice qui se sont succédé à la tête de ce département aucun ministre n’a mérité la mention passable. Cependant, les Maliens interrogés par nos soins sont tous unanimes que maitre Hamidou Diabaté a «révolutionné» le département, mais à son propre profit ont-ils soutenu. «La sécurité du juge réside dans le droit dit et bien dit» aimait dire Alpha Oumar Konaré. La véritable plaie qui ronge la justice Deux syndicats (le Syndicat autonome de la Magistrature, SAM et le Syndicat libre de la Magistrature, SYLMA) décident du sort des juges en République du Mali. Cela a été rendu possible par l’injonction des hommes politiques. Comme on dit chez nous : «les hommes politiques n’aiment pas la vérité. Et les hommes de Droit ne disent plus la vérité quand l’argent doit décider. Ils préfèrent se servir du Droit pour tuer le Droit au profit de celui qui est prêt à débourser». Une rivalité existerait entre ces deux syndicats qui risquent même  de «tuer» de nouveau le département de la justice si le Premier ministre ne veille pas au grain. Le SAM était dirigé par Mahamane Founé Mahalmadane, lorsque ce dernier a senti son limogeage venir, il a démissionné pour créer le SYLMA. Rappelons que ce bouillant magistrat n’aime pas jouer les seconds rôles, c’est pourquoi il a fondé le syndicat libre de la magistrature pour se faire entendre. Rappelons aussi qu’Att un moment avait beaucoup de problème avec les magistrats. Pour se mettre à l’abri, il nomma Ousmane Amadou Touré comme ambassadeur à Abidjan qui est une force tranquille au sein de la magistrature. Mahamane Founé fut nommé conseiller à la Cour d’Appel. Toute chose qui n’avait pas plus à l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports. Déterminé qu’il est Founé Mahalmadane chercha un point de chute à l’Institut de Formation des avocats. Là-bas, il s’occupera de son syndicat et fera adhérer beaucoup de jeunes avocats sortants. L’actuel ministre de la justice est un pur produit du Sylma Malick Coulibaly est un élève du magistrat Mahamane Founé Mahalmadane. Les dernières nominations des membres de son cabinet et la vague de mutations des magistrats en sont une illustration. D’où la colère du SAM contre ce projet de mutation. Pourtant le SAM  n’est pas très apprécié par les usagers. L’opinion nationale estime que c’est au SAM que l’on retrouve les magistrats corrompus. Dans un pays ou le peuple doute de sa justice, il y a lieu de réfléchir à qui et comment confier la mission de juger. Dans l’affaire de la maitresse du Président, le juge a très probablement été poussé par la raison d’Etat qui n’a pourtant pas raison. Le syndicat libre de la magistrature est un syndicat composé d’anciens militants de l’AEEM. Si le Comité national pour le Redressement de la Démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) est composé de progénitures des ex dignitaires de l’UDPM. Le SYLMA est composé des fils des régimes ADEMA-ATT. C’est donc comprendre que si le CNRDRE a gagné la bataille militaire, le SYLMA gagnera la bataille judiciaire. Le ton est déjà donné par le procès sur l’agression de Dioncounda Traoré et la condamnation des membres de Yèrèwolo Ton. Safounè KOUMBA  

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