La reconquête du Mali est-elle lancée ?

Sep 6, 2012 - 09:13
Sep 6, 2012 - 09:30
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Fin août, 75 conseillers militaires européens sont arrivés au Niger pour entraîner des soldats nigériens, maliens, mauritaniens. Objectif ? Préparer des forces armées à l'éventuelle reconquête du nord du Mali, tombé sous la coupe de trois groupes islamistes il y a cinq mois, dont Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique). Des informations font aussi état de drones survolant le massif montagneux où Aqmi, formé de djihadistes algériens, a installé son repaire, au nord du Mali, il y a une dizaine d'années. Un drone aurait été abattu il y a quelques semaines, tandis qu'à Tamanrasset, l'Algérie, qui craint l'arrivée de troupes étrangères à l'Afrique sur sa frontière sud, renforce son dispositif militaire. [caption id="attachment_90135" align="aligncenter" width="610"] Des islamistes du groupe terroriste d'Ansar eddine au Mali. © Romaric Ollo Hien / AFP[/caption] La reconquête militaire du nord du Mali serait-elle programmée ? Un obstacle politique vient d'être levé : le 4 septembre, le président par intérim du Mali, Diacounda Traoré, a demandé à la Cedeao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) de l'aider à remettre sur pied une armée malienne déliquescente afin de reconquérir l'intégrité territoriale de son pays. La Cedeao pourra désormais demander une résolution du Conseil de sécurité de l'ONUpour obtenir le feu vert à une intervention.

Intervention africaine

L'initiative du président malien ne semble pas faire l'unanimité. Le Premier ministre et le capitaine Sanogo, auteur du putsch du 22 mars et faiseur de roi à Bamako, se taisent. Sanogo continue à tirer les ficelles d'une classe politique déchirée entre les pro et les anti-coups d'État, les pro et les anti-interventions militaires africaines, les pro et les anti-négociations avec les islamistes. Le tout sur fond de rivalités pour le pouvoir. Le président Traoré est, lui, soutenu par la Cedeao (qui propose d'envoyer 3 300 hommes) et les Occidentaux. Même s'il n'est pas question, en particulier pour la France, d'envoyer des hommes sur le terrain. Les pays du Sahel sont d'ailleurs opposés à une intervention militaire non africaine. Mais Paris, comme l'UE et les États-Unis, sont prêts à fournir une aide logistique aux pays de la Cedeao si l'intervention se fait à la demande de l'ONU, car les armées de la région, à l'exception de celle du Nigeria, manquent de moyens militaires et financiers. En outre, reconquérir le nord du Mali ne sera pas une partie de plaisir pour des soldats peu habitués au désert face à des djihadistes qui y sont nés.

6 000 combattants djihadistes

Or le temps presse. Pour plusieurs raisons. La première : les islamistes poursuivent leur conquête sans trouver de résistance. Le 2 septembre, le Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) a conquis Douentza, au centre du pays, sans que l'armée malienne ne tire un coup de fusil. Le même jour, le Mujao, qui n'est probablement qu'un faux-nez d'Aqmi, a revendiqué l'assassinat du vice-consul algérien à Gao, enlevé avec six autres diplomates algériens avant l'été. Alger a refusé (c'est un principe) de payer la rançon demandée (15 millions d'euros) et de libérer trois djihadistes d'Aqmi. Deuxième raison : les djihadistes se renforcent. Si 230 000 Maliens ont quitté leur pays pour se réfugier en Mauritanie, au Niger, en Algérie, afin d'échapper à l'ordre moral et aux exactions des islamistes, ceux-ci recrutent parmi la jeunesse. Aqmi disposait de 500 combattants il y a quelques années, les trois groupes (Aqmi, Mujao et Ansar eddine) disposeraient aujourd'hui de 6 000 hommes. Ansar eddine, surtout, a le vent en poupe. Dirigé par un Touareg, Iyad ag Ghali, il a récupéré la majorité des Touareg du Mouvement de libération de l'Azawad (MNLA) pour des raisons claniques et financières. Les Occidentaux espéraient que le MNLA, officiellement laïque, serait le fer de lance de la reconquête du nord contre les djihadistes. C'est lui qui a cédé la place et il n'a plus guère d'existence sur le terrain.

Financés par le Qatar, la drogue, les rançons

Troisième raison : les djihadistes ont des soutiens financiers. Aqmi et le Mujao disposent de l'argent des rançons (énormes) payées pour libérer les Occidentaux enlevés, même si celles-ci n'existent pas officiellement. Ansar eddine reçoit aussi des fonds et de l'aide humanitaire du Qatar. Il s'achète ainsi des fidélités dans ces régions très pauvres. Et les trois mouvements bénéficient des nombreux trafics de drogue qui pullulent dans la région (haschich qui arrive du Maroc et cocaïne d'Amérique centrale et latine) et brassent des millions de dollars. Pour les Européens, il faut réagir avant que djihadistes et mafias de la drogue ne gangrènent la région. Sinon, elle deviendra un nouvel Afghanistan où les uns pourront s'entraîner et préparer des attentats en Afrique et en Europe, et les autres, développant leur trafic de drogue en toute impunité, pourront, dans ces pays fragiles, acheter les hommes politiques et les élections. Par MIREILLE DUTEIL Le Point.fr - Publié le 06/09/2012 à 16:05  

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