L'armée française, motus et bouche cousue sur les opérations au Mali

Mar 2, 2013 - 06:22
Fév 8, 2014 - 18:19
 0  47
[caption id="attachment_130108" align="aligncenter" width="610"]Des soldats français los de combats dans la ville de Gao, au nord du Mali. Des soldats français los de combats dans la ville de Gao, au nord du Mali.[/caption] Après près de deux mois de guerre contre les djihadistes au Mali, l'arméefrançaise confirme son surnom de "grande muette", en verrouillant l'information sur ses opérations. "Nous ne savons rien": le leitmotiv des officiers de presse français est devenu une blague parmi les envoyés spéciaux, qu'ils soient confinés à Bamako ou à Gao dans l'attente d'un hypothétique accompagnement de troupes sur un théâtre d'opérations. Seules trois équipes de télévision ont été emmenées le 7 février à Kidal, dans l'extrême nord malien, où se déroule aujourd'hui l'essentiel des combats. Mais elles sont restées cantonnées à l'aéroport et n'ont de facto rien pu voir. Parfois, elle diffuse une séquence filmée montrant des combats dans une zone montagneuse du nord du Mali, le 26 février, sans plus de précision. PARIS PRUDENT SUR LE SORT D'ABOU ZEID Le président tchadien Idriss Déby a annoncé vendredi la mort de l'AlgérienAbdelhamid Abou Zeid, l'un des principaux chefs d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) lors de combats au nord du Mali, une information qui n'a pas été confirmée à Paris. "Le 22 février nous avons perdu nos soldats dans le massif des Ifoghas après avoir détruit la base des djihadistes. C'est la première fois qu'il y a eu un face-à-face avec les djihadistes. Nos soldats ont abattu deux chefs jihadistes dont Abou Zeid", a déclaré le président Déby après un hommage solennel rendu à 26 soldats tchadiens morts dans ces combats. Les Etats-Unis avaient auparavant jugé "très crédibles" les informations sur la mort d'Abdelhamid Abou Zeid, annoncée par des médias algériens. Paris n'a pour l'instant pas confirmé. "Des informations circulent, je n'ai pas à lesconfirmer parce que nous devons aller jusqu'au bout de l'opération", avait déclaré vendredi midi François Hollande, qui évoquait dans un discours l'opération militaire au Mali, entrée "sans doute" dans sa dernière phase, "sûrement la plus délicate". L'ex-otage français Pierre Camatte, enlevé fin 2009 au Mali par Aqmi, s'est dit soulagé vendredi après l'annonce d' Abou Zeid. PAS D'OSTRACISME Au Mali, les officiers de communication français ne sont plus "habilités" à répondre aux journalistes sur les "événements", c'est-à-dire les opérations en cours. "Pas d'humain", proclament aussi sans rire les "communicants" à ceux qui veulentparler aux soldats. Le porte-parole de l'état-major des armées, Thierry Burkhard, se défend de tout ostracisme. Depuis le début de la guerre le 11 janvier, "on a accueilli 280 équipes médias sur le théâtre", soit "370 journalistes""Ils n'ont peut-être pas vu tout ce qu'ils voulaient voir, mais on a accueilli des journalistes dans les unités", dit-il.
Mais les contraintes imposées sur le terrain semblent parfois ubuesques : un photographe de s'est vu empêcher de photographier la "mascotte" d'un pilote, un autre a provoqué des remous pour avoir photographié un soldat portant un foulard à tête de mort. Le 21 février, des journalistes, coincés à l'aéroport de Gao en raison de combats en ville, ont été bloqués par trois officiers de communication alors qu'ils se dirigeaient vers un blindé sanitaire arrivé en trombe. "Il ne se passe rien, il n'y a rien à voir", leur a-t-on rétorqué alors que deux militaires français venaient d'être blessés.   L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a, dans un communiqué, ironiquement félicité l'armée française pour avoir atteint son "objectif médiatique", à savoir "zéro image de combat", et dénoncé une "atteinte sérieuse à la liberté des médias", maintenus à distance au nom "d'arguments sécuritaires excessifs""Nous n'avons jamais vu une telle unanimité dans la frustration de la presse sur place", assure Ambroise Pierre, responsable du bureau Afrique de RSF. Pour le colonel Michel Goya, directeur d'études à l'institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire et blogueur de référence, ce contrôle de l'information est"contre-productif""Le ministère de la défense et l'armée ont toujours eu une vision défensive de la communication, dont ils ne voient que les aspects négatifs, perturbateurs, qu'il s'agit de restreindre", explique-t-il. "L'armée laisse ainsi passerune occasion de se mettre en avant, alors qu'elle est en train de faire quelque chose d'impressionnant, seule, sans nos alliés américains. Le militaire français se plaint souvent de ne pas être reconnu. Le public ne connaît que le nom des morts et éventuellement d'un général, mais les soldats restent anonymes".

Quelle est votre réaction ?

like

dislike

love

funny

angry

sad

wow