Mécontents, disent-ils de la gestion laxiste du président ATT de la crise du Nord, des mutins de la garnison militaire de Kati, ont pris les armes et sont parvenus, à leur grande surprise, à renverser le Chef de l’Etat et à s’emparer du pouvoir dont ils ne savent pas actuellement quoi en faire. En effet, selon les observateurs de la scène politique malienne, ces mutins regroupés aujourd’hui au sein du Conseil National du Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE), n’avaient pas pour ambition la prise du pouvoir. Mais, le boulevard étant ouvert, il fallait y aller. Et aujourd’hui, le vin est tiré et il faut le boire jusqu’à la lie. Mais, sans le peuple malien qui a un œil vigilant sur ces jeunes qui ne savent pas apparemment à quel saint se vouer pour se tirer d’affaire. Comme pour dire que nous sommes tous en face d’un tombeau ouvert.
![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/03/Amadou-Y-SANOGO-X.jpg)
Nous sommes mercredi, 21 mars 2012. Une mutinerie éclate dans le camp militaire de Kati. Revendication des mutins : «Nous voulons des armes pour aller nous battre au Nord-Mali contre les rebelles». Apparemment anodine, cette mutinerie prend de l’ampleur. Dépêché sur les lieux pour calmer les mécontents, le Ministre de la Défense Sadio Gassama se fait proprement tabassé. Les mutins tentent de marcher sur Koulouba. N’ayant pas de véritable résistance en face, ils occupent l’ORTM, l’Aéroport international de Bamako-Sénou, le Palais présidentiel et ferme toutes les frontières. C’est la chute du régime ATT.
La junte militaire et ses revendications
Les mutins, comme nous l’avons souligné plus haut, demandaient au président ATT de les outiller pour aller au Nord défendre l’intégrité territoriale. Ils étaient particulièrement outrés par les massacres, les exactions et les carnages que commettaient les apatrides du MNLA contre les forces armées et de sécurité. Revendications légitimes, pourrait-on dire. Mais, cerise sur le gâteau, ils ont facilement cueilli le pouvoir comme un fruit mûr. Disons plutôt qu’ils l’ont trouvé et l’ont ramassé. Mais après cela, c’est la première déclaration télévisée des mutins qui a retenu l’attention du peuple malien. Ils évoquaient l’incompétence et la mollesse d’ATT à gérer le dossier du Nord-Mali. ATT qui avait privilégié la négociation à la parole des armes. Mais voilà, depuis la prise du pouvoir, la rébellion a repris de plus belle au Nord et les mutins se cherchent. Ils appellent même à la négociation. Sont-ils venus pour négocier comme ATT ? Si tel est le cas, il ne fallait pas donner un coup de massue à la démocratie malienne. Ils ont demandé les armes, ils les ont. Les Maliens n’attendent donc d’eux seulement qu’ils aillent mater les rebelles et ramener la paix et la stabilité sociale, afin qu’on aille aux élections générales, notamment à la présidentielle. Mais en réalité, c’est la première équation difficile que le président du CNRDRE, le Capitaine Amadou Haya Sanogo et ses acolytes ont actuellement à résoudre, surtout quand on sait que les rebelles ont pratiquement pris Kidal et menacent d’étendre leur conquête et d’instaurer leur République, l’AZAWAD.
Le niet de la classe politique et la société civile !
Autre problème à résoudre par le CNRDRE, la caution de la classe politique malienne. Celle-ci n’entend pas dans sa globalité lui faire allégeance, exceptée ce front composé de petites formations politiques que vient de former Oumar Mariko du parti SADI. D’ailleurs la Coalition anti-putsch, appuyée par une centaine d’Associations, la société civile et l’Assemblée Nationale entend multiplier marches de protestation, meetings et sit-in pour exiger le départ immédiat et sans condition de la junte militaire du pouvoir. C’est certainement cette farouche opposition qui explique la difficulté des putschistes à former un Gouvernement de Transition. On apprend même que le président de l’URD, Soumaïla Cissé, a décliné leur offre d’être Premier Ministre. De ce fait, ils ne savent pas vers qui se tourner, l’étau se resserrant autour d’eux.
Militaires pillards : les populations grincent les dents
Profitant de la confusion totale qui régnait, certains militaires se sont purement et simplement livrés au vandalisme, pillant les structures publiques comme par exemple la CANAM, la Douanes, la Cité administrative…, les propriétés privées comme la maison de Soumaïla Cissé, les stations d’essence, les magasins…De ce fait, la population était prise de panique. «Si ce sont ces militaires pillards et drogués qui prétendent nous gouverner, ce n’est pas la peine. Certes, ils disent qu’ATT a été incompétent dans la gestion de la question du Nord-Mali. Mais, ce qu’ils font actuellement est deux fois plus grave que ce qu’a fait ATT. Nous préférons ATT à ces militaires vandales», fulminait un sexagénaire très remonté contre les putschistes. Et d’ajouter que les interpellations et les arrestations arbitraires, la fermeture des frontières risquent d’entraîner le Mali vers le chaos. Déjà, la surenchère et la supercherie se sont installées et le Malien lambda ne voit pas clairement l’ambition réelle de ces putschistes pour le Mali.
Récupération des armes en circulation à Bamako: un défi pour la junte
Nous avons été ahuris par le constat probant que des armes à munition et des pistolets automatiques circulent à Bamako comme de petits pains. Intimidations, vols à mains armées, voilà ce à quoi se donnent ces « militaires voyous» de la République que prétend redresser le Capitaine Sanogo. Mardi, aux environs de 23 heures, des éléments dudit Capitaine, dit-on, ont semé la terreur au niveau de la place Bougie Ba sise à l’ACI 2000 de Bamako, contraignant les populations à écourter leurs activités et à se terrer par la suite dans leurs concessions, alors que ce sont les militaires, si putschistes qu’ils soient, avaient eu l’ordre de leur mentor de regagner les casernes. De qui se moque donc la junte militaire, se demandait un citoyen exaspéré de la situation politique de notre pays. Pourquoi, poursuit-il, après la levée du couvre-feu instaurée par le Capitaine Sanogo, ses éléments, continuent à semer la zizanie au sein de la population. Question essentielle : Si le putschiste en chef ne parvient pas à résoudre la question sécuritaire à Bamako, laissant les populations dans un désarroi total, comment pourrait-il combattre des rebelles venus de la Libye avec armes et bagages pour réinstaurer l’intégrité territoriale comme il le prétend. Nous attendons de le savoir !
Les menaces de la Communauté internationale
Gérer la crise du Nord avec des rebelles qui gagnent du terrain et régler la situation trouble à Bamako, voilà une équation à deux inconnues à résoudre par les putschistes. Mais, à cela s’ajoute la Communauté internationale qui brandit l’épée de Damoclès sur les têtes du Capitaine Sanogo et de ses acolytes. La France, les Etats Unis, l’Union Africaine, l’UEMOA, la CEDEAO, l’Union Européenne….Les appels à quitter le pouvoir se multiplient. De plus en plus isolée sur la scène internationale, la junte militaire est entre le marteau et l’enclume, surtout que les bailleurs de fonds du Mali, notamment les Institutions de Breton Wood l’ont lâchée.
Hier, après le sommet extraordinaire tenu à Abidjan, les Chefs d’Etat de la CEDEAO, une délégation de six présidents était attendue à Bamako. L’on retiendra tout simplement que la CEDEAO condamne avec fermeté ce coup d’Etat, étant donné que les militaires putschistes ont publié leur Constitution, mais qu’ils peuvent, soutient la Communauté internationale, être délogés du pouvoir par la force. Isolement politique, isolement social, isolement économique et financier. Dans ces conditions, comment et où va-t-elle trouver les moyens financiers non seulement pour faire face aux besoins les plus élémentaires des populations maliennes et à l’effort de guerre au Nord-Mali ? Difficile de répondre !
En tout cas, d’ores et déjà, les fonctionnaires grincent les dents, étant donné que les banques hésitent à ouvrir leurs portes de peur d’être pillées par certains éléments du Capitaine Sanogo, même si celui-ci affirme que ce sont plutôt des bandits et non des militaires. Si tel est le cas, qui leur a fourni les armes, les munitions, les 4x4, le carburant, les tenues militaires ? L’on ne saurait le deviner.
De toute façon, si la situation ne se décante pas avec les bailleurs de fonds du Mali et la Communauté internationale, la junte aura fort à faire quant au payement des salaires des fonctionnaires, surtout dans les mois à venir. Et là, elle aura à faire aux soulèvements populaires qui lui compliqueront la tâche.
La junte tente de prouver sa bonne volonté
Depuis la grève de faim entamée par les 14 Ministres et autres personnalités capturés, les putschistes essayent de prouver qu’ils sont à l’écoute du peuple malien qui appelle à la libération des personnes arbitrairement interpelées et détenues. Ainsi on apprend que Modibo Sidibé, candidat à la prochaine présidentielle ; Jeamille Bittar, président de la CCIM et candidat également à la présidentielle, Nouhoum Sidibé, Directeur de la CANAM….ont été libérés. Le Capitaine Sanogo a également ordonné l’ouverture partielle des frontières, la levée du couvre-feu et l’ouverture des Banques. Mais, cela suffit-il pour calmer les ardeurs de la classe politique et de la société civile qui ne veulent rien d’autre que le départ immédiat et sans condition des putschistes du pouvoir et le retour à la vie constitutionnelle et institutionnelle ? Assurément, non, car le Nord brûle encore et les élections générales inquiète la classe politique. Autant dire que le CNRDRE a du pain sur la planche et risque fort de ne pas parvenir à ses objectifs et à ses ambitions.
Bruno LOMA