Le chaos malien inquiète l'Ouest africain

Mar 31, 2012 - 09:18
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Alors que les voisins du Mali continuent à faire pression sur les putschistes pour un retour au pouvoir du président Touré, l'avancée des rebelles touaregs pousse la force armée de la Cédéao à mettre 2000 hommes en alerte. Pas question que l'unité territoriale du pays pâtisse de la crise. Depuis que des militaires mutinés ont pris le pouvoir au Mali, reprochant notamment au président Amadou Toumani Touré son échec contre la rébellion touarègue, les rebelles, voyant une opportunité dans ce changement de régime, multiplient les attaques. Et ils gagnent régulièrement du terrain. Vendredi, ils ont pris le contrôle de la ville stratégique de Kidal, dans le nord-est du pays. Après 48 heures de combats, le groupe armé islamiste Ansar Dine, appuyé par des éléments du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), le grand groupe rebelle touareg, a fait son entrée dans la ville. Et le chef d'Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, natif de Kidal, a pu s'offrir le plaisir d'un défilé triomphal à la tête d'un cortège de véhicules sur lesquels flottait le drapeau noir frappé du sceau du prophète, habituel emblème des salafistes et des islamistes radicaux. Samedi c'était au tour de Gao d'être sous le feu à l'arme lourde des rebelles touaregs. Principale ville du nord Mali encore sous contrôle des forces gouvernementales, à environ 1000 km au nord-est de Bamako, Gao abrite notamment l'état-major de l'armée pour toute la région septentrionale.

Une avancée qui a poussé la junte militaire à s'alarmer de cette situation "critique" et à appeler au soutien "extérieur" pour l'endiguer. Les nouveaux chefs du Mali semblent surtout incapables de contrer l'alliance objective qui s'est nouée entre le MNLA, groupe rebelle aux positions laïques, et le groupe islamiste Ansar Dine - deux fractions que rien n'unit, si ce n'est leur opposition à l'armée malienne. Avant Kidal et Gao, les rebelles s'étaient déjà attaqués, avec succès, aux localités d'Aguelhok, Tessalit et Tinzawaten, de sorte qu'ils contrôlent désormais la quasi-totalité du nord-est malien, considéré comme le berceau des Touaregs.

La tension monte à Bamako

Totalement isolée sur la scène internationale depuis le renversement du président Amadou Toumani Touré, la junte appelle désormais au secours. La Cédéao, qui réclame un retour au pouvoir du président Amadou Toumani Touré, a menacé jeudi la junte au pouvoir au Mali depuis le 22 mars d'un "embargo diplomatique et financier" faute d'un retour à l'ordre constitutionnel "dans un délai maximum de 72 heures", soit lundi "au plus tard". Mais face à l'avancée des rebelles, l'organisation politique ouest-africaine a "mis en alerte une force armée de 2000 hommes", a affirmé samedi son président en exercice, le chef de l'Etat ivoirien Alassane Ouattara, disant vouloir "préserver à tout prix l'intégrité territoriale du Mali". "Notre souhait est d'éviter la guerre. Si la légitimité est rétablie et que ces mouvements armés s'aperçoivent qu'il y a une mobilisation régionale et internationale, ils quitteront Kidal tout de suite", a-t-il estimé.

Face aux condamnations internationales unanimes, les putschistes se sont surtout efforcés jusqu'à présent d'instaurer un état de fait, multipliant les mesures visant à une normalisation, notamment l'adoption d'une Constitution censée régir la transition jusqu'à des élections à une date non déterminée. Ils savent pouvoir s'appuyer sur l'adhésion d'une partie des Maliens vivant dans la pauvreté et écoeurés par la corruption. Mais à Bamako, le climat s'est détérioré ces dernières heures, avec des affrontements jeudi entre pro et anti-junte, alors que la presse internationale est de plus en plus prise à partie par les partisans du nouveau régime.

L'envoyé spécial de Radio France à Bamako a ainsi été agressé et menacé de mort par des militaires pro-junte dans la nuit de mercredi à jeudi. Des militaires "m'ont demandé qui j'étais. Quand ils ont vu que j'étais journaliste, ils m'ont mis des menottes, attaché à un arbre, ensuite mis à genoux parce que mes poignets saignaient, puis ils m'ont autorisé à m'asseoir", a raconté Omar Ouahmane, grand reporter à la rédaction de France Culture. "Cela a duré toute la nuit, ils m'ont mis en joue, ont menacé de m'éclater la cervelle, (...) ils ont cassé mon matériel, (...) ils étaient en colère parce qu'ils accusent la France de soutenir" le président Touré. Son calvaire n'a finalement pris fin qu'à l'arrivée d'un gradé qui lui a permis d'être libéré. Ce qui n'a pas empêché l'un de ses tortionnaires de le menacer une dernière fois : "si je te revois, je te tue". Un incident révélateur des tensions auxquelles sont confrontées les journalistes étrangers depuis ces derniers jours à Bamako.

TF1
le 31 mars 2012 à 14:00

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