Le cri du cœur des épouses des militaires lors de leur entretien avec le président de la république :
C'est, en effet, la quintessence du message que les épouses des militaires du camp Soundjata de Kati ont tenu à transmettre au chef suprême des armées lors de l'entretien qu'elles ont eu avec le président de la République à Koulouba le vendredi 3 février 2012. En réponse aux préoccupations de ces femmes, portant exclusivement sur les conditions de séjour de leurs époux au nord du pays, le président ATT a donné l'assurance que les soldats ne manqueront de rien en vue de la bonne exécution de leur mission de préservation de la paix et de l'intégrité du territoire national, qui est gravement menacé ces derniers temps. Il s'agit maintenant de savoir si ATT, après cette rencontre au style franc et direct, a pu convaincre ses interlocutrices. En tout cas, celles-ci sont reparties du palais présidentiel la mine serrée, comme à leur arrivée. Et sans… les traditionnelles poignées de main avec le chef de l'Etat.
Après avoir battu le pavé, deux jours durant, dans le but d'être entendues par le président de la République, chef suprême des armées, les épouses des militaires du camp Soundjata Kéita de Kati ont fini par avoir gain de cause le vendredi 3 février. Reçues au palais de Koulouba, avec en face le président ATT seul, sans aucune autre autorité militaire, la centaine de femmes de militaires ont choisi des porte-paroles pour transmettre, sans langue de bois, ce qu'elles ressentent sur le cœur : la situation que vivent leurs époux au nord Mali les " empêchant de dormir " et cela depuis les attaques de Ménaka, Tessalit…et surtout Aguel Hoc.
En regardant le président ATT droit dans les yeux, la première personne à prendre la parole n'est pas allée par mille chemins avant d'ouvrir le bal des révélations-accusations. Elle demandera d'abord : " si c'est vrai qu'il y a eu plus de 150 soldats de l'armée tués à Aguel Hoc et que les rebelles auraient reçu 2 milliards F CFA de nos gouvernants ". Une autre participante de proposer, au chef suprême des armées, ceci : " Il faudra contrôler si nos maris et nos enfants sur le terrain perçoivent leur dotation ". Une troisième de renchérir : " Nos enfants manquent de munitions et de nourriture. Chaque fois qu'ils doivent se déplacer, des rebelles intégrés dans l'armée nationale communiquent leur itinéraire aux bandes armées qui leur posent des guets-apens ". Prenant son courage à deux mains, une autre participante d'interpeller le président ATT : " Est-ce qu'un soldat doit manquer de munitions ou de nourriture? On a appris que c'est vous-même qui avez informé les rebelles que nos soldats sont en manque de munitions. Afin qu'ils profitent de cette situation pour les attaquer".
Et une dernière, presque en sanglots, de clamer haut et fort ce que toutes ces femmes de militaires ressentent aujourd'hui : " Nous, femmes de militaires, souffrons énormément maintenant. Nous sommes derrière nos maris, nos enfants. Au camp, personne ne dort plus…On a même dit que vous êtes le chef des rebelles. Si vous êtes assis, levez-vous. Nos maris ont fait les guerres de Sierra Leone, Libéria, Rwanda…Ils sont braves mais manquent de moyens face à des rebelles dotés de moyens sophistiqués. Nos soldats n'ont besoin que de moyens ".
Où sont nos hélicos et nos Migs ?
Dans sa réponse aux multiples questions et interrogations, le président de la République s'est dit tout étonné que des gens puissent penser que lui, ATT, soutient les rebelles. " Ce ne sont là que des diffamations. Certains veulent que tout se gâte espérant trouver leur bonheur dans cette rébellion. Il a été dit que c'est moi-même qui aie fait appel aux rebelles. Ce sont des personnes malintentionnées qui vont distiller ce genre de nouvelle dans le but de " gâter mon nom pour rien " a dit le président ATT avec beaucoup d'amertume. D'après le président de la République, " ce n'est pas vrai que les soldats sont envoyés sur le théâtre des opérations sans armes ni munitions. Les moyens ont été également débloqués pour la nourriture. Chaque mois, c'est un demi-milliard F CFA qui est mis à la disposition du Commandement dans le cadre de la gestion de la crise au nord Mali. Si cela s'avère nécessaire, je débloquerais tout l'argent du Trésor national à cette fin".
En réponse à une question relative à l'absence des hélicoptères de combat et des avions de chasse (qui avaient eu à défiler lors de la fête du cinquantenaire), ATT répondra que " tous ont été mis à la disposition de nos soldats…C'est vrai qu'il y a eu des difficultés d'approvisionnement à Aguel Hoc. Le colonel-major Ould Méïdou y a conduit une mission avec des hommes. Mais à l'arrivée des renforts, ils ne pouvaient que constater les dégâts. Le métier des armes est difficile et contraignant. Mais sachez qu'il y a eu beaucoup de contrevérités dans cette affaire…Ce n'est pas vrai que l'Etat a remis 2 milliards FCFA aux rebelles. Nous ne pouvons faire cela… Certains cherchent à nous jeter sur le terrain d'un conflit ethnique. En nous opposant les uns les autres ".
A l'issue de cet entretien, qui aurait duré plusieurs heures, le président ATT dira qu'il avait besoin, lui aussi, de ce débat pour dire ce qu'il ressentait sur le cœur. Accusé de tous les péchés d'Israël par les épouses des militaires envoyés au nord, ATT a dit " n'avoir jamais été informé par le Commandement d'un manque quelconque ". Il s'agit maintenant de savoir si le président de la République a-t-il pu convaincre les épouses des militaires, partant l'opinion publique qui a suivi avec beaucoup d'intérêt ce débat diffusé, le vendredi dernier, à la télévision nationale.
En tout cas, après la manifestation des épouses des militaires devant les grilles du palais présidentielle et cet échange franc et direct à l'intérieur même du palais, tout porte à croire que le président ATT prendra désormais le taureau par les cornes.
En tirant les leçons des erreurs d'appréciation et en tenant désormais le discours de la fermeté face à des gens (bandits armés comme intermédiaires) qui ne cherchent qu'à tirer profit de la situation de ni paix ni guerre.
En jouant, à cette fin, sur le sentimentalisme d'ATT et la mollesse présumée de son régime vis-à-vis des bandits armés. Une chose est sûre : désormais et plus que jamais, la balle est dans le camp du chef suprême des armées.
Mamadou FOFANA
Quelle est votre réaction ?