... Le prêcheur Chérif Ousmane Madani Haïdara : \"Le fond du problème est que les chefs religieux ne s'entendent pas, c'est une question de personne et non de religion\" \"Nous allons nous impliquer dans les élections de 2012 parce qu'il s'agit de l'avenir du pays\"

L'escroquerie dont - il a été victime, les réformes institutionnelles, la situation en Libye, les élections de 2012, la flambée des prix des produits de première nécessité dans les marchés,  le sens du Ramadan, ses avantages et les prières et les sacrifices à faire pendant ce mois sacré. Tels les sujets que nous avons abordés avec le prêcheur international Chérif  Ousmane Madani Haïdara, le guide spirituel de l'association Ançardine. Parlant de la commission d'observation de la lune, il pense qu'il faut une unité entre les musulmans, sans quoi rien de potable ne sera réalisé par la communauté musulmane du Mali. Nous l'avons rencontré chez lui-même, à Banconi, quelques minutes avant la prière du  soir.

Bamako-Hebdo : Quel est l'importance du mois de ramadan pour un fidèle musulman ?

Chérif Ousmane Madani Haïdara : Le mois de ramadan est un mois de bénédictions, de prières, de pardon, parce que même Dieu nous pardonne pendant ce mois. Il est recommandé au cours de ce mois de faire de l'aumône, de donner à manger aux plus démunis. Pendant ce mois, les fidèles musulmans sont très proches de Dieu qui dit que ceux lui font confiance, croient en lui, ne doivent pas laisser passer ce mois important. Comme Dieu même le recommande, les fidèles  musulmans doivent jeûner obligatoirement jeûner pendant le mois de ramadan.

Le but du jeûne est de donner aux musulmans plus de foi en Dieu et en l'Islam. L'importance de ce mois est incommensurable. Les gens qui ont des moyens, qui sont nés dans l'aisance, ne connaissent ni la faim encore moins la soif. S'ils jeûnent, ils sauront les épreuves de la soif, de la faim, etc. Ainsi, ces riches pourront avoir pitié des pauvres et venir à leur aide.

En un mot, c'est un exercice, parce que celui qui ne peut se priver de boire, manger et s'abstenir de ses vices, doit pouvoir, après ce mois, se réserver de faire certaines choses prohibées. Pendant les nuits et les jours de ce mois, Dieu exhausse les vœux des fidèles musulmans en nombre incalculable.

Quel doit être la priorité d'un musulman pendant ce mois béni ?

Il y a plusieurs façons de faire des bénédictions et prières, de donner l'aumône pendant ce mois, mais le plus important c'est de venir en aide aux personnes démunies, les nécessiteux, d'aider ceux qui n'ont pas de repas de rupture, en leur donnant à manger et à boire au moment de la rupture du jeûne, pendant tout le mois. C'est l'acte que Dieu lui-même recommande aux fidèles musulmans qui ont des moyens. Les gens qui donnent et viennent aux secours des pauvres, misérables et nécessiteux pendant ce mois, personne ne peut mesurer la récompense qui les attend si ce n'est Dieu lui-même.

Le mois de ramadan, chez nous, c'est aussi la Commission nationale d'observation de la lune. Quelles sont les dispositions prises cette année ?

 Je l'ai dit partout. La question d'observation de la lune me fait rire souvent. Il y a des années, toute l'Afrique de l'ouest prenait notre pays comme exemple. Tout le monde posait la question de savoir si le Mali a prié. A l'époque, tous les Maliens priaient ensemble, de Kayes à Kidal, sans problème. Pourtant, il n'y avait pas de portable, d'Internet, de je ne sais quoi encore, et tout allait bien. Mais actuellement, on dispose de tous les moyens, on ne parvient pas à prier et fêter le même jour. C'est dommage, la nouvelle technologie doit nous servir.

C'est pourquoi je dis qu'il ne s'agit pas de faire des séminaires, des rencontres et des échanges inutiles autour de la question. Le fond du problème est que les chefs religieux ne s'entendent pas, c'est une question de personne. Parce que c'est le chef de tel groupe qui a dit qu'on a vu la lune, les autres ne prient pas. Il faut qu'on évite cela. Nous devons nous entendre, nous comprendre car nous sommes tous de la même religion. Il n'est pas bon que les gens se fassent discréditer. On a eu à gérer des cas plus compliqués que la question de lune, mettons le moi de côté, pensons à notre religion, aujourd'hui personne ne prie en fonction de notre pays. Donc qu'on s'accorde le minimum de respect pour avancer. Parce que c'est une question de personne et non de religion.

L'autre problème du ramadan, ce sont les commerçants, qui sont pour la plupart des musulmans. Mais ils sont à la base de la flambée des prix. Qu'avez-vous à dire ?

C.O.M.H : Nous avons beaucoup parlé dans ce cadre. Dans chaque travail, il y a des gens qui font bien, d'autres mal et même très mal. Nous avons parlé aux commerçants qui se disent musulmans, nous leur avons demandé de réduire les prix, mais pas de donner les produits gratuitement aux gens. Nous leur demandons encore des sacrifices, tout en faisant leur travail honnêtement, en respectant les prix fixés de commun accord avec les autorités. Il ne faut qu'ils essayent de spéculer parce que c'est le mois de ramadan. S'ils le font, c'est pour poser des problèmes, mettre les musulmans dans la difficulté pendant ce mois. Celui qui fait ça, n'a pas compris le sens du ramadan. Celui qui veut faire des recettes avec ce mois, ne sait pas que les recettes, les bénéfices, appartiennent à Dieu qui les donne à celui qu'il veut.

Le commerçant qui a de mauvaises intentions pour faire mal aux gens, doit faire attention parce qu'il y a des fidèles que Dieu aime et apprécie leur travail. Dieu peut faire en sorte que celui qui leur tombe dessus ne gagne plus rien. Celui qui fait mal avec son commerce peut gagner beaucoup d'argent, mais tôt au tard il sera confronté à des problèmes auxquels il ne trouvera pas de solution. C'est dire que celui qui respecte les prix en ce mois de ramadan, Dieu le voit et sait comment le récompenser. Les commerçants se plaignent beaucoup du gouvernement. Le gouvernement aussi dit qu'il a beaucoup fait pour les commerçants. Les deux doivent faire preuve de franchise pour le bonheur des populations parce que, chaque année, c'est le même problème.

Au plan politique, est-ce que vous avez été contacté ou écouté par rapport aux réformes institutionnelles ?

 Oui, le Haut Conseil Islamique du Mali a envoyé des gens compétents pour aller rencontrer les députés quand ces derniers nous avaient saisis. Nos préoccupations ont été prises en compte. Tout ce qui est en rapport avec la religion, notamment les aspects qui nous posaient des problèmes au départ, là ou on avait des doutes, nos gens ont posé des questions et ont eu des réponses satisfaisantes. Je pense que ça c'est bien passé dans l'ensemble, pour ce qui est de notre côté. Mais en ce qui concerne la mise en forme technique et les autres commodités politiques, nous n'en savons pas trop, parce que cela ne relève pas de notre compétence. Maintenant, est-ce qu'on pourra procéder aux réformes et aussi organiser les élections de 2012 ? Vraiment ce sont des aspects que nous ne maîtrisons pas bien et je pense que le gouvernement et ses autres partenaires vont se comprendre pour cela.

Vous avez parlé d'élection présidentielle de 2012, qu'est ce que vous allez faire ?

Tout sauf nous asseoir et laisser les gens faire. Nous allons nous impliquer parce qu'il s'agit de l'avenir de notre pays. Nous n'allons plus être des spectateurs, nous jouerons pleinement notre rôle. Nous allons voir les candidats, celui qui pourra faire notre affaire, nous allons voter pour lui afin qu'il puisse réaliser un programme pour tous les Maliens. Comme rien n'est encore fait même s'il y a des candidats déclarés, nous attendons l'officialisation de tout cela pour agir car c'est en ce moment que nous, chefs religieux du Mali, allons nous retrouver pour voir comment agir et qui soutenir pour la présidentielle à venir.

Et la situation en Libye, quel jugement y portez-vous?

 Je vois que la Libye a fait beaucoup de choses dans notre pays. Ne serait-ce que pour ça, nous devons aider la Libye et les Libyens à sortir de cette épreuve. Si c'était la population libyenne qui disait au président libyen de partir, de quitter le pouvoir, on pouvait comprendre. C'est-à-dire si c'était un problème de gestion du pouvoir, ou tout autre problème politique interne, on allait rester neutre. Mais que des gens viennent de par le monde pour lui demander de quitter le pouvoir, c'est incompréhensible. C'est pourquoi, nous demandons l'arrêt immédiat des bombardements. Nous souhaitons une gestion pacifique du conflit, comme l'a demandée l'Union Africaine. Ils peuvent continuer à bombarder, mais ils finiront par se rendre compte que la fin de toute guerre, c'est autour d'une table, c'est le dialogue, la négociation et l'entente.

Parlons de vous-même maintenant. Vous avez eu 56 ans et ça a été fêté par vos disciples…

 Oui, cette année, ils ont voulu que je sois avec eux au CICB, pour la fête. J'ai accepté. Je remercie tous ceux qui sont venus, nos invités d'honneur, nos maîtres, imams, jeunes prêcheurs. En un mot je remercie tout le monde qui s'est déplacé pour la circonstance. Je n'oublie pas ceux qui m'ont donné des cadeaux. Je prie Dieu qu'il prête longue vie à tous les fidèles musulmans, beaucoup de bonheur pour notre pays.

On a appris que vous faites objet d'une escroquerie internationale sur internet et dans les téléphones portables ?

 Ils continuent de le faire. Celui qui avait construit un site internet avec mon nom est parvenu à tromper plusieurs personnes parce qu'il est parvenu à recevoir 5 millions FCFA de quelqu'un comme sacrifice.  Il fait ça en Europe. Quand les gens de l'Ançardine l'ont appris, ils ont entamé une poursuite contre le monsieur en Europe. Comment il procédait ? Son site est à mon nom. Il envoie des messages dans les boîtes des gens pour leur demander de faire des  sacrifices.

 Et pas de petites sommes ! Il est parvenu ainsi à piéger beaucoup de gens. Il continue de le faire en mon nom. Celui à qui il a pris 5 millions FCFA s'est confié à nos gens, en leur expliquant que j'avais demandé 5 millions FCFA pour faire des sacrifices et des bénédictions, mais depuis que j'ai pris la somme je me suis tu. Ils ont dit au monsieur qu'il a tout simplement été escroqué parce que ce n'est pas Haïdara qui a fait cela. J'ai dit au monsieur que ce n'est pas moi. Il m'a fait savoir que le site est construit en mon nom. Les recherches continuent en Europe.  Il y a un autre qui le fait avec le téléphone portable. Il m'a appelé moi-même au téléphone, disant que c'est lui Haïdara. Il m'a dit que j'aurai de l'argent et une longue vie. Qu'il venait de faire 40 jours de bénédictions et prières et qu'il m'avait vu. Il a oublié qu'il m'avait dit qu'il se nommait Haïdara. Après il me demandait qui j'étais. Mais ce qui m'avait étonné, il ne savait pas avec qui il parlait. Moi aussi, je lui avais dit que je m'appelais Abdoulaye. Il m'a expliqué que je devais donner  10 moutons, 10 chèvres et 10 bœufs.

 Je lui ai demandé comment on allait faire pour lui donner l'argent. Il m'a demandé de l'envoyer sous forme de cartes de recharge pour les téléphones. On a tout fait pour le voir, en lui proposant de lui remettre l'argent en main propre, mais il n'a pas voulu.

Ce phénomène est très développé en Côte d'Ivoire. Les Ivoiriens ne sont pas au courant, mais il y en a en pagaille. Ils prennent des sommes importantes avec les gens à mon nom et à mon insu. Certains se font passer comme mes fils, mes parents ou autres proches, pour escroquer les gens.

Il y a un de mes disciples qu'on a trompé comme ça. Il a ainsi perdu sa moto qui l'a remis à un jeune qui se faisait passer pour mon fils. C'est pourquoi, je demande aux gens de faire beaucoup attention et de ne jamais avoir confiance en des gens comme ça. Moi, je suis un prêcheur et non un marabout. Je ne demande pas à des gens de m'amener de l'argent pour des sacrifices. Je fais des bénédictions pour les gens, mais ce n'est pas pour  de l'argent. Prendre de l'argent pour cela ne fait pas partie de mes principes. Je ne cesse de le dire, Haïdara n'est pas un marabout, par conséquent ne travaille pas pour quelqu'un. Il fait des bénédictions, sans argent en contrepartie.

Le mot de la fin ?

Je remercie le directeur et tout le personnel de Bamako Hebdo qui, depuis 5 ans, vient m'interviewer à la veille du Ramadan.

C'est un signe de respect. Je fais des bénédictions pour notre pays et appelle les musulmans de notre pays à l'union, l'entente et la paix. C'est ce qui peut sauver notre pays. Pardonnons pour ce qui s'est passé, pour qu'on ait un avenir radieux. C'est mon appel aux musulmans de notre pays.

Kassim TRAORE