La préoccupation actuelle du respect du calendrier électoral précédemment défini dans un contexte de crise sécuritaire dans le pays, suite aux attaques perpétrées contre notre pays par des bandits armés se réclamant du MNLA, la problématique même du Nord-Mali, la participation du parti qu'il dirige, l'Union pour la démocratie et le développement (UDD) à la prochaine élection présidentielle. Ce sont là des sujets abordés par le président du parti de la colombe, Tiéman Hubert Coulibaly, dans une interview exclusive qu'il a bien voulu nous accorder. Pour ce jeune leader, étant entendu qu'il n'est pas possible aujourd'hui d'organiser des élections avec la participation de toute la population sur toute l'étendue du territoire national, dont une partie est en guerre, il ne sert à rien d'aller aux urnes pour élire un président de la République dont le pouvoir sera contesté à peine investi. Un léger report ne serait pas un crime. Au contraire…
L'Indépendant : Nous sommes à la veille d'échéances électorales décisives dans un contexte troublé. Quelle est la position du président de l'UDD ?
Tièman Hubert Coulibaly : Nous sommes à la veille d'élections importantes pour notre démocratie. Nous sommes surtout face à une situation politique exceptionnelle qui nous met en face d'un double défi. D'une part, organiser des élections pour choisir le prochain président dela République et les élections législatives pour renouveler l'Assemblée nationale.
Et d'autre part, ramener la paix dans le pays. Car, il est évident que pour permettre aux populations d'aller s'exprimer dans les urnes, il faut que l'ensemble des Maliens puisse voter. Or, nous vivons aujourd'hui une situation exceptionnelle, une situation préoccupante dans laquelle cette exigence semble impossible. Nous devons donc prioritairement œuvrer avec beaucoup de détermination et beaucoup de sérénité à rétablir la paix afin que ces élections se passent dans les meilleures conditions.
Comment l'UDD va-t-elle participer aux prochaines élections notamment la présidentielle ?
Aujourd'hui, je suis en mesure de dire que l'UDD participera pleinement à l'élection présidentielle prochaine et que le candidat de notre parti sera celui d'une alliance. Autrement dit, l'UDD ne présentera pas un candidat issu de ses rangs. Après des consultations des sections du parti, nous avons décidé que n'irons pas à cette élection avec un candidat choisi parmi nous.
Peut-on connaître le nom de ce candidat ou l'alliance de partis que vous aller soutenir ?
Disons que les débats se poursuivent dans les structures. Et c'est à la conférence nationale de l'UDD qui se tiendra ce samedi 28 février à Koutiala que nous ferons connaître à l'opinion publique nationale et internationale notre choix.
On dit que l'UDD est très proche de l'Adéma-PASJ et de l'alliance qui soutient son candidat, Pr Dioncounda Traoré ?
Nous avons des relations politiques très anciennes avec le parti dont vous parlez. Mais nous avons aussi de très bons rapports avec d'autres formations politiques. L'UDD a de très bonnes relations avec le RPM. J'entretiens des relations personnelles avec IBK, le leader de ce parti. Nous sommes aussi proches de l'URD et j'ai des rapports personnels avec Soumaïla Cissé aussi. Nous pensons à l'UDD que pour une élection présidentielle, l'apport du parti est important mais l'équation de la personnalité même du candidat est décisive.
La conférence nationale de Koutiala aura-t-elle pour seul enjeu le choix de l'alliance politique pour l'élection présidentielle ?
La situation du pays nous oblige à traiter les questions sécuritaires. Notre pays est actuellement en guerre, disons les choses telles qu'elles sont. Il est évident que dès lors que certains ont pris des armes contre notre pays, nous devons mobiliser toutes les ressources humaines et matérielles pour venir à bout de cette situation. Nous exprimerons donc, à cette conférence, notre vision de la gestion de cette situation de guerre.Mais, d'ores et déjà, nous avons appelé le chef de l'Etat, chef suprême des armées, à mobiliser l'ensemble des moyens pour combattre avec force et vigueur.Il n'est pas normal que l'intégrité de notre territoire soit menacée, que notre cohésion nationale soit en péril et que nous ne pensions qu'à l'élection du président dela Républiquedans un climat d'insécurité généralisé. Notre première préoccupation est la stabilité du pays.
Dans ce contexte, que dites-vous du projet de référendum couplé à la présidentielle ?
A partir du moment où peuple malien, à travers ses députés, a donné son accord pour la tenue du référendum, l'organisation de ce scrutin ne pose pas de problème. Toutefois, avec la situation actuelle, des questions e posent quant au moment où doit se tenir ce référendum.Je crois que votre question fait référence, en creux, à ce débat concernant le respect impératif des délais constitutionnels du calendrier électoral. Je crois qu'il existe des dispositions constitutionnelles pour préserver le fonctionnement stable des institutions en temps de crise.
Pour le calendrier électoral, nous, à l'UDD, nous ne faisons pas du respect des délais constitutionnels un fétichisme. Les élections étant très importantes, nous pensons qu'il faut prioriser le retour de la paix avant de les organiser avec la sérénité requise, afin que tous les Maliens puissent voter sur toute l'ensemble du territoire national ; même si cela peut exiger un léger report.
Etes-vous donc favorable à un report de la prochaine élection présidentielle annoncée pour le 29 avril 2012 ?
A situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel, si nous sommes d'accord qu'aujourd'hui, notre pays est en guerre. Une partie du territoire est en insécurité totale, des populations de cette partie du pays ne peuvent pas voter. Il mettre de l'ordre dans tout cela. Si cela peut alors conduire à un léger report, pourquoi pas ? Il ne s'agit pas de se précipiter pour faire élire un président dela Républiquequi sera contesté juste après son investiture…
Le président de la République sortant ne cesse d'annoncer que le 8 juin 2012, il va se retirer du pouvoir. Comment envisagez-vous la situation ?
Le 8 juin 2012, dans des conditions normales, le mandat du président dela Républiquesera éteint. Il devra alors être remplacé par le nouveau président élu. Si ce président ne peut pas être élu dans des conditions optimisées de normalité, il faudra, comme je le disais tantôt, aller vers les dispositions constitutionnelles qui règlent la question. J'en appelle, pour ma part, à une réflexion pertinente pour mettre en place un dispositif constitutionnel permettant de gérer le pays, de le pacifier dans son ensemble afin d'aller à des élections acceptables pour tous.Lorsque la paix reviendra dans le septentrion du pays, nous organiserons des élections avec la participation de tous les Maliens. Encore une fois, je pose la question suivante : si tous les Maliens ne peuvent pas voter, allons-nous élire un président dela Républiqueà n'importe quel prix, au risque d'instaurer ou d'aggraver le climat d'instabilité ?
Quelle solution préconisez-vous pour ceux qui ont pris les armes contre le pays ?
Nous savons que certains dirigeants des groupes qui ont pris les armes contre notre pays et qui commettent des agressions contre les populations sont dirigés par des étrangers. J'ai un message clair pour eux : l'intégrité du territoire ne peut être négociée. Nous ne participerons à aucune discussion relative à tout ce qui concerne l'unité et l'intégrité du territoire national. Ceux qui veulent porter atteinte à l'unité de notre nation doivent être combattus avec la dernière vigueur. Il convient que le Chef de l'Etat, chef suprême des armées mobilise l'ensemble du peuple avec tous les moyens pour combattre ces groupes armés. Le Mali est une nation, cela est un fait. Et ceux qui ont pris les armes aujourd'hui sont ultra-minoritaires et dirigés par des étrangers.
Votre mot de la fin
La classe politique malienne doit connaître se intérêts réels et ses intérêts durables à ne pas les confondre avec des intérêts de circonstances. Il faut, aujourd'hui plus que jamais, être lucide. Nous devons travailler à renforcer nos institutions, à les fortifier en ces moments difficiles. Cela nécessite de la part des acteurs politiques un certain degré de patriotisme et de sacrifice.
Il s'agit de redonner vigueur et moral à nos populations mais surtout à nos forces armées. Cela exige de se battre de façon solidaire pour anéantir le mal. Après cela, nous allons nous réorganiser au sein de notre espace commun afin de lutter efficacement contre les trafiquants de drogues et autres commerçants d'otages et leurs complices à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
Propos recueillis par Bruno Djito Segbedji