Le procès en diffamation sur la mort de Modibo Kéïta a rendu son verdict : Amadou Djicoroni acquitté hier

Peut 31, 2011 - 18:30
Peut 31, 2011 - 18:30
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Le procès en diffamation sur la mort de Modibo Kéïta intenté contre Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni par les héritiers du Docteur Faran Samaké, médecin traitant du premier président du Mali indépendant, a enfin connu son épilogue. C'était lors de l'audience d'hier mardi, présidée par le président Karamoko Diakité. Le tribunal a déclaré Amadou Djicoroni non coupable des faits de diffamation. Cependant, si les témoins, à savoir les capitaines Soungalo Samaké et Zan Coulibaly, le colonel Sidy Mohamed Sall ainsi que Sinimory Kéïta ont répondu présents, ce ne fut pas, hélas, le cas pour l'ancien président Moussa Traoré et son compagnon, non moins porte-parole du CMLN, colonel Youssouf Traoré, qui ont brillé par leur absence. Tous les deux ayant refusé de prendre la citation à comparaître.

Il était un peu moins de dix heures quand une foule immense a pris d'assaut le tribunal de première instance de la commune III, attendant avec impatience l'arrivée du magistrat, en l'occurrence Karamoko Diakité, chargé du procès en diffamation sur la mort de Modibo Kéïta, depuis que les enfants de feu Faran Samaké avaient porté plainte contre Amadou Djicoroni à qui ils reprochaient d'avoir accusé leur père, à l'époque médecin traitant de Modibo Kéita, d'avoir assassiné ce dernier  par empoisonnement. Tous avaient hâte de savoir la vérité dans ce procès marathon qui déroule ses péripéties depuis plus de huit mois.

Au bout de quelques instants, le juge s'annonce et invite à la barre le prévenu Amadou Djicoroni, avant d'appeler les témoins à le rejoindre. Ils sont quatre témoins officiels, c'est-à-dire ceux cités plus haut, auxquels se sont joints deux autres personnes volontaires qui disent aussi en savoir sur la mort de Modibo Kéïta.

Il s'agit d'un certain Amadou Tandina, ancien militaire, et une ménagère du nom de Mme Diarra Astan Traoré, qui disait être proche de Faran Samaké. Il est à préciser que  tout au long du procès, nulle part il n'a été établi la responsabilité de Faran Samaké dans la mort de Modibo Kéïta.

La plaidoirie qui a d'ailleurs suivi les témoignages donne une idée précise de la profondeur des divergences entre les conseils des deux parties.

Maitre Ousmane Bocoum, conseil de la partie civile, soulèvera pour sa part qu'on ne peut pas partir sur la base de simples suppositions, à la  limite de faits divers, pour accuser Faran Samaké d'avoir assassiné Modibo Kéita. Il ajoute qu'il n'est prouvé nulle part que la mort de Modibo Kéïta est la conséquence d'une injection faite par Faran Samaké.

En l'absence de toute trace de l'ordonnance établie par Dr Faran Samaké et du produit qui fut inoculé par celui-ci, il demandera en conséquence au tribunal de maintenir l'accusé dans les liens de la prévention. Même son de cloche pour le ministère public, assuré par le Procureur Oumar Sogoba.

Ce dernier part aussi du principe que l'autopsie n'ayant pas été faite en raison du refus du Dr Mallé Kéita, aîné de Modibo, le caractère nocif du  produit inoculé à ce dernier n'étant pas aussi prouvé, par conséquent Amadou Djicoroni tient des propos diffamatoires. Que cherche-t-il à travers ce procès, s'interroge le Procureur qui ajoute qu'on ne peut pas se faire une vérité avec des éléments de seconde main.

La défense rejette d'un revers de la main les éclairages apportés par la partie civile et par le ministère public. A l'en croire, ce n'est pas à Amadou Djicoroni d'apporter la preuve, cela revient aux héritiers de Faran. C'est à eux de prouver que la défense a tort. Modibo est mort dans les conditions atroces et son médecin traitant était Faran et que ses enfants nous trouvent la trace de l'ordonnance établie par celui-ci. Tout sera clair. C’est du reste ce qu’exigent les conseils de Amadou Djicoroni.

L'autopsie, soutient la défense, aurait dû être ordonnée et non demandée à la famille de Modibo Kéita. Toujours est-il que, selon la défense, autant les conditions de l'arrestation de Modibo sont illégales autant les circonstances de sa mort le sont également.

Les avocats qui assuraient la défense de Amadou Djicoroni -- une dizaine - se sont succédé à la barre pour indiquer que Amadou Djicoroni n'est pas le seul à dire que Faran a tué Modibo. Ils ont rappelé que tout le Mali en parle.

Après des débats passionnés, le tribunal, statuant publiquement, a déclaré le prévenu non coupable des faits de diffamation et a, en outre, ordonné le versement à la partie civile de la consignation d'un montant d'un million de francs CFA.

Témoignages sur la mort de Modibo Kéïta

Capitaine Soungalo Samaké, Commandant de la Compagnie-para

C'est lui qui était chargé de la garde du premier président Modibo Kéïta. Il est l'un de ceux qui l'ont le plus côtoyé pendant sa détention.

Morceaux choisis de son témoignage: "Un jour, le soldat qui lui apportait ses repas est venu me voir pour me dire que Modibo était tombé de son lit. J'ai couru pour aller dans sa cellule. Il bavait. Je l'ai pris dans mes bras, j'ai dit au soldat, aide-moi. Nous l'avons couché dans son lit, je lui ai posé la question, qu'est ce que tu as ? Il voulait parler, mais le son ne sortait pas. J'ai fait appeler l'infirmier major et je lui ai posé la question : Modibo a-t-il été soigné ce matin ? Oui ! A quelle heure ? A dix heures. Qui a fait la prescription? C'est le Dr Faran Samaké. Qui a fait le traitement ? C'est moi".

Capitaine Zan Samaké, Officier à la retraite

Commandant  de la Compagnie de Kidal lors du passage de Modibo : "Modibo était très bien portant quand il quittait Kidal pour son transfert à Bamako. Contrairement à ce qu'on a dit, Modibo n'a jamais fait l'objet de transfert pour raison de santé. A Kidal, on m'avait instruit de m'occuper de tous les détenus jusqu'à ce que mort s'en suive. Quand il est arrivé à Bamako, je n'avais plus de contact avec lui".

Colonel Sidy Mohamed Sall, Médecin-chef de l'armée

Il était aussi chargé du traitement de Modibo Kéita : "Sans autopsie, nous ne connaissons pas la cause de la mort de Modibo. J'ai été son médecin pendant 8 ans, depuis son arrestation à son transfert de Bamako. Modibo est mort d'une infection cardiovasculaire. Je parle en connaissance de cause, puisque j'ai eu à examiner le détenu plus de 49 fois. Les gens souffrant d'une telle maladie peuvent à tout moment être exposés à une mort subite".

Sinimory Keita, neveu de Modibo Keïta

Sinimory Kéïta neveu de Modibo. Il a accompagné son père Mallé Kéïta à la morgue pour voir le corps: "Un militaire est venu nuitamment annoncer à mon père le décès de Modibo. Puisque ne pouvant pas conduire la nuit, il m'a demandé de l'accompagner à l'hôpital du Point G. Mon père est allé voir le corps dans la chambre froide. Du sang sortait de la bouche et du nez. Il y avait des traces d'ongles sur son corps. Mon père a essuyé le sang avec un mouchoir. Faran lui a tapé dessus au point de faire tomber le mouchoir. Un militaire l'a aussitôt empoché et a disparu avec".

           Rassemblés par Abdoulaye DIARRA

 

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