"L'Assemblée nationale a excédé ses pouvoirs pour se retrouver gaillardement sur le terrain propre du pouvoir judiciaire, en se confondant dans des motivations incongrues"
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![Cheick Mohamed Koné](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2015/05/CHEICK-Mohamed-kone.jpg)
Cheick Mohamed Koné[/caption]
La famille judiciaire est en guerre contre tous ceux qui se hasarderaient à empiéter sur ses prérogatives, serait-on tenté de dire. Ainsi, après avoir vigoureusement protesté et menacé de poursuites l'Etat pour se faire admettre au sein du CESC, le syndicat autonome de la magistrature (SAM) vient de réagir au refus de l'Assemblée nationale de lever l'immunité parlementaire d'un député. Selon le SAM, " l'Assemblée nationale dépasse ses prérogatives pour se retrouver sur un terrain qu'elle méconnait ".
Selon certaines sources proches du parlement, des députés reprochent au Syndicat autonome de la magistrature (SAM) d'avoir mal pris la résolution de rejet de la demande de la justice tendant à la levée de l'immunité parlementaire d'un député. Dans un document qu'il nous a fait parvenir, le SAM affirme que s'il a des griefs contre la résolution, "
ce ne pourrait que sur le seul point des motivations sans intérêt qui touchent incontestablement le domaine de la compétence du pouvoir judiciaire ".
Sur la résolution de rejet de la demande tendant à la levée de l'immunité parlementaire dont il est question, pour le SAM "
l'appréciation d'une demande de levée d'immunité parlementaire relevant des seules prérogatives de l'Assemblée nationale, il ne saurait mettre en cause une résolution souverainement prise en cette matière par la seule institution habilitée par la Constitution ". Le SAM reconnait que, dans son fond, "
cette résolution ne porte aucunement atteinte à l'indépendance de la magistrature ". Toutefois, le syndicat précise que "
la résolution de refus de levée de l'immunité parlementaire ne met pas en péril la procédure ou les procédures en cours, elle ne fait que suspendre les poursuites engagées contre le député, sans pour autant faire courir le délai de prescription de l'action publique".
Le syndicat de marteler : " Le SAM aurait gardé tout silence si le législatif s'était limité à ses attributions sans glisser sur le terrain du pouvoir judiciaire, en se perdant dans des motivations, inacceptables et inadmissibles ".
Enumérant ses griefs contre le parlement, le SAM de protester : "
Appelée à se prononcer sur une simple demande tendant à la levée de l'immunité d'un député, présentée par l'exécutif, l'Assemblée nationale, qui n'avait nul besoin de justifier sa résolution de refus, a excédé ses pouvoirs pour se retrouver gaillardement sur le terrain propre du pouvoir judiciaire, en se confondant dans des motivations incongrues ".
Selon le document, comme première motivation, les honorables députés du Mali soutiennent qu'au regard de leurs investigations, les faits reprochés à leur collègue en cause n'étaient pas fondés. Quant à la seconde motivation et toujours d'après le même document, les mêmes députés ont conclu à un arrêt des poursuites pénales à l'encontre du député concerné, au motif qu'une partie plaignante aurait adressé un retrait de plainte à la justice.
Sur ce dernier point, le SAM "
tient à rappeler à l'attention des parlementaires maliens, que le retrait de plainte ne constitue pas, dans tous les cas, un obstacle juridique à la poursuite de l'action publique ".
A l'analyse des deux motivations telles que présentées, il y a, à en croire le syndicat,
" violation du principe de la séparation des pouvoirs.
En effet, les députés aussi puissants qu'ils soient au Mali, n'ont aucun pouvoir constitutionnel pour décider du caractère fondé ou infondé d'une poursuite judiciaire, ou de se prononcer sur le sort d'un retrait de plainte adressé à la justice ".
Sur les justifications fournies par l'Assemblée nationale attribuant le blocage du projet de reforme à la Cour suprême qui aurait, selon le document, "
monté et présenté un dossier indigeste ", le SAM considère qu'il ne s'agit là que "
d'un amalgame qu'on tente de semer ".
Pour cause, "
la Cour suprême n'a pas à répondre de ces griefs paroxystiques portés sur coup de tête, contre un projet de loi dont elle n'est ni initiatrice, ni chargée de soutenir ou de défendre devant l'Assemblée nationale " précise le syndicat avant d'ajouter que "
l'Assemblée nationale restera incapable de justifier le fait pour elle d'abandonner au fond de ses tiroirs, un projet d'intérêt général très attendu, au seul motif qu'il serait mal ficelé ". Les professionnels du droit d'indiquer que "
la logique commandait au parlement, à faire retourner le dossier accompagné de toutes ses observations au gouvernement ".
Pour rappel, le gouvernement avait demandé à l'Assemblée nationale de statuer sur la levée de l'immunité parlementaire du député Mamadou Hawa Gassama, élu à Yélimané et qui faisait l'objet de trois plaintes dont deux relatives à la spéculation foncière et une sur agression physique. Statuant en plénière, le parlement avait opposé son refus.
Diakaridia YOSSI