Élection présidentielle dans une démocratie quasi-censitaire... : Il faut de gros sous pour espérer accéder à Koulouba !

Sep 29, 2011 - 18:30
Sep 29, 2011 - 18:30
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Avec environ 40 000 bureaux de vote sur l'ensemble du territoire national, un candidat sérieux (et son parti, le cas échéant) à la magistrature suprême, doit avoir un représentant dans chaque bureau de vote (40 000 représentants). Il déboursera alors pour leur prise en charge (5000 F CFA par délégué), au bas mot, 200 000 000 F CFA le jour du scrutin. Sans compter l'importante hémorragie financière à laquelle notre cher candidat à la présidence de la République doit se préparer pour une campagne électorale digne de ce nom.

Pour aller à la conquête de la première institution de la République, il faut se lever tôt… ". Ce commentaire, fait la semaine dernière par un observateur averti de la scène politique nationale, vaut son pesant d'or. C'était pour dire simplement que n'importe qui ne devrait pas lorgner du côté du palais de la présidence de la République. On s'étonne en effet de voir avec quelle agitation des individus sortis ex nihilo semblent bomber le torse pour nourrir des ambitions, certes légitimes, de briguer la magistrature suprême, dans huit petits mois.

On a beau dire que nous sommes dans un système de démocratie représentative salué de par le monde. Mais, les exigences de la représentation(à travers les urnes) passant par des élections dans lesquelles d'importantes sommes d'argent sont injectées appellent à la réflexion.

Certains esprits n'hésitent plus à qualifier nos systèmes politiques modernes de " démocratie quasi-censitaire ", puisque pour accéder au pouvoir, le citoyen a besoin de moyens colossaux. Ce sont les fortunés ou ceux qui sont susceptibles de se procurer des moyens financiers importants qui peuvent aspirer à diriger le pays. N’en déplaise aux bonnes idées, à la compétence, au projet de société pertinent dont ils disposent! Si le phénomène est  peut-être moindre dans les scrutins communaux et législatifs, le scrutin présidentiel fait écarquiller les yeux par la saignée financière qu'il provoque chez les postulants.   

De l'avis de spécialistes, on table sur un budget estimatif  minimal de 2 à 3 milliards F CFA pour aller à la  conquête du prestigieux Palais de la présidence de la République.

Approché par nos soins, un jeune leader d'une formation politique (qui est actuellement en train d'explorer les voies et moyens pour se faire épauler en matière de financement de la campagne) détaille les différents volets des dépenses électorales. Il s'agit de : la logistique, le matériel roulant, la gestion administrative de la campagne, le transport, la gestion juridique du scrutin  et le volet communication.

La logistique de la campagne, a-t-il expliqué, comporte les T-shirt, les pagnes, les affiches(et posters géants), les bracelets, les parapluies, etc. Pour, ne serait-ce que les T-shirt, l'estimation moyenne porte sur 1,5 millions d’exemplaires à raison de 350 (commande en Chine) à 500F CFA l'unité. Ce qui donne en moyenne la bagatelle de plus de 50 millions de nos francs. A cela s'ajoutent les pagnes de la campagne pour environ 500 millions F CFA et d'autres gadgets pour 100 millions F CFA au moins.

Et notre leader de préciser que certains candidats peuvent s’allier pour avoir des délégués interchangeables. Exemple: le candidat du CNID-FYT et celui du PDES peuvent s’entendre pour se partager les charges financières des délégués dans les bureaux de vote. Ainsi,  par exemples, les délégués du CNID dans le sud du pays représenteraient leur candidat et celui du PDES et, dans le nord, le PDES déploieraient ses délégués qui défendront également les intérêts du CNID.

Le volet matériel roulant concerne les véhicules 4x4 pour un pays aussi vaste que le Mali. En 2007,  le candidat ATT avait affecté 2 ou 3 4x4 à chaque cercle, sans compter son propre cortège. On s’en sort avec au moins une centaine de véhicules dont il faut assurer l’approvissionnelment en carburant  pour la campagne. S’y ajoutent des motos à raison d’une moto au moins par commune (rurale surtout) pour permettre aux militants de faire le porte-à-porte.

Le clou, c’est la location d’un avion pour au moins deux ou trois brèves incursions vers les Maliens de l’extérieur. La note s’en trouve, comme on le voit, très salée avec au bas mot pour ce volet mobilité près du milliard F CFA!

La gestion administrative porte sur les séances de formation des militants et autres délégués depuis la phase de la distribution des cartes d’électeurs. Chacune de ces personnes devant percevoir un perdiem. Sans compter la gestion juridique, avec la constitution d’avocats, d’huissiers, de porte-parole et autres directeurs de campagne pour probablement des dizaines de millions de nos francs. Toutes ces dépenses n’incluent pas l’argent qui sera déboursé par chaque candidat ou son parti pour le transport des électeurs jusqu’aux centres de vote. Des fonds auxquels il faut ajouter le montant de la caution de chaque candidat et des frais divers.

Comme on le voit, le moins qu’on puisse dire est que les bruits qui courent les salons de Bamako selon lesquels plus d’un leader  politique a de l’insomnie du fait des difficultés à faire face à ces charges financières sont crédibles.

Face à ces besoins colossaux, le financement public des partis apparaît comme une goutte d’eau dans un océan. Il semble que c’est actuellement la course vers des mécènes et autres bonnes volontés dans plusieurs états-majors politiques. On ne peut que croiser les doigts pour leur souhaiter bonne chance!

 

Bruno D SEGBEDJI

 

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