De fortes pressions pour soustraire l'ex-ministre Modibo Kadjoké des mailles de la justice
Officiellement inculpés de " crime d'atteinte aux biens publics, de délits de favoritisme et de fractionnement de marchés publics ", les trois ex-directeurs généraux de l'Agence pour la promotion de l'emploi des jeunes (APEJ), à savoir les deux anciens ministres Modibo Kadjoké et Sina Damba, et l'ancien préfet Issa Tiéman Diarra sont, depuis, dans les couloirs de la justice pour détournement présumé de plus de 2 milliards FCFA au détriment de ladite agence. Seulement, voilà que depuis la mise sous les verrous, le 28 juillet 2015 de l'ex-DG de l'APEJ, Issa Tiéman Diarra, de fortes pressions sont exercées sur dame justice afin de desserrer l'étau sur cet autre ancien DG de l'agence, Modibo Kadjoké, nommé il y a peu président du Comité d'organisation du sommet Afrique-France. Alors que l'ex-ministre Sina Damba, dont la santé serait fragile, est aujourd'hui même convoquée au Pôle économique et financier de Bamako. Qui veut alors couvrir des présumés délinquants financiers dans ce Mali tombé plus bas que terre à cause de la mauvaise gouvernance ? La vieille recette de deux poids deux mesures sera-t-elle appliquée dans la même affaire ? Le temps nous le dira. En tout cas, le doyen des juges d'instruction en charge de ce dossier au Pôle économique et financier, Broulaye Kéïta et le Procureur général près la Cour d'appel, Daniel Tessougué, sont interpellés sur la question.
Si l'ex-ministre de la promotion de la femme, de l'enfant et de la famille, Sina Damba, a rendez-vous aujourd'hui même avec dame justice au Pôle économique et financier de Bamako, tel est encore loin d'être le cas de Modibo Kadjoké, pourtant inculpés tous les trois (avec Issa Tiéman Diarra qui séjourne depuis la semaine dernière en prison) dans la même affaire.
En effet, dans ce dossier relatif aux conclusions du rapport de vérification de la gestion financière et comptable de l'APEJ pour les exercices 2010, 2011, 2012 et 2013, le Bureau du Vérificateur Général a épinglé la gestion de ces trois anciens directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de la structure.
Inculpés et suspectés de détournement de plus de 2 milliards FCFA au détriment de l'Etat du Mali, ces trois ex-directeurs généraux de l'APEJ devraient, en effet, être logés tous à la même enseigne. Cela, si toutefois les multiples engagements des autorités pour un Etat de droit étaient réellement sincères, pas factices et si la justice, qui se dit jalouse de son indépendance, s'assumait comme cela se doit dans un Etat normal, démocratique.
Paiements non justifiés
Dans cette affaire de détournement présumé de deniers publics, sont également dans le collimateur de la justice l'agent comptable Abdoulaye Séméga et le contrôleur financier Mohamar Agalou. Tous les deux sont supposés " avoir procédé à des paiements non justifiés et ordonnés " par ces ex-directeurs généraux de l'APEJ désormais mis en cause.
Considérée comme une vache laitière sous le régime d'ATT, l'APEJ semble avoir été de tous les temps une mangeoire plutôt qu'une vraie agence dédiée à la promotion de l'emploi des jeunes. Les gros montants du budget d'Etat et l'argent des partenaires qui lui sont affectés pour former, encadrer et offrir des opportunités à des centaines de milliers de jeunes sans emplois, sont détournés de leur véritable objectif dans le plus grand silence par les dirigeants de ladite agence, avec la complicité présumée de hauts responsables de l'Etat.
Après leur forfait, des présumés délinquants économiques et financiers, au lieu d'être purement et carrément mis à la disposition de la justice pour ensuite être conduits en prison, se voient, en dépit de toute logique et sans aucune enquête de moralité, promus à de hautes fonctions de l'Etat. Où va le Mali avec cette prime à la mauvaise gouvernance ? Ne cessent de se lamenter les cadres honnêtes de ce pays.
La délinquance financière vit des jours heureux sous IBK aussi
Aujourd'hui encore, l'on se demande toujours où sont partis les montants prévus pour servir de frais de stage aux centaines de volontaires de l'APEJ dans les régions du Nord du pays pour les années 2012, 2013 et 2014. Cela dans la mesure où il n'y a eu pas de volontaires pour ces régions au cours de ladite période. D'autre part, les différents contingents de volontaires n'étant affectés dans les différentes structures d'accueil qu'en avril de chaque année, où vont les frais de stage des mois de janvier, février et mars ? Sont-ils reversés dans les caisses de l'Etat au Trésor public ? Ou bien sont-ils tout simplement détournés pour construire des villas, acheter des voitures ou payer les frais d'études des enfants aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre ou dans la douce Suisse ?
Il s'agit, en tout cas, d'un montant évalué à plusieurs centaines de millions FCFA constitué de frais de stage (variant entre 25 000 et 40 000F CFA par mois et par personne) pour quelque 5 000 jeunes volontaires concernés par chaque programme annuel. Comme on le voit, la réponse à toutes ces interrogations ne peut venir que de la direction actuelle de l'APEJ qui se doit de redorer le blason de sa structure aujourd'hui plus que jamais terni à la suite de ce scandale relatif aux interpellations de ses anciens hauts responsables.
Détournements à la pelle des deniers publics
Le président de la République qui, aussitôt investi en septembre 2013, a décrété 2014 année de la lutte contre la corruption, va-t-il assister impassible au détournement à la pelle des deniers publics ? Cela, après avoir tout récemment reconnu lui-même qu'il y a " t
rop de dérives ". Mais qui, mieux que lui-même, garant de la Constitution, pour arrêter les dérives de son régime et qui, mieux que le juge pour traquer les sangsues, les fossoyeurs des deniers publics ?
Maintenant comment comprendre que seul Issa Tiéman Diarra soit en prison alors qu'ils sont trois à être interpellés par la justice dans le même dossier ? En dépit donc de la profession de foi maintes fois réitérée des autorités en faveur de la bonne gouvernance et de l'indépendance de la justice, nous assistons à la politique de " deux poids deux mesures " dans cette affaire.
Pots-de vin et retro-commissions
Qui cherche donc à couvrir des présumés délinquants financiers dans ce Mali tombé plus bas que terre à cause précisément de la mauvaise gouvernance ? Ne cessent de s'interroger des citoyens qui suivent à la loupe ce dossier qui tombe au moment où le président de la République a dit qu'il sera "
sans état d'âme " et " impitoyable " vis-à-vis des preneurs de pots-de vin, de "
retro-commissions " et de ces délinquants à col blanc qui vivent " s
ur le dos du Mali ".
En tout cas, l'espoir suscité par le quasi plébiscite d'IBK à la magistrature suprême du pays a besoin aujourd'hui plus que jamais d'être ravivé et revitalisé. Car, pour le paraphraser, " Trop de dérives…Il suffit ! ".
Mamadou FOFANA