Loi d’entente nationale : Une violation du droit malien et du droit international
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- le Mali a le devoir d’exécuter de bonne foi ses obligations nées des traites et autres sources du droit international, et il ne peut invoquer pour manquer à ce devoir les dispositions de sa constitution ou de sa législation.
- le Mali doit agir conformément au droit international et au principe selon lequel sa souveraineté est subordonnée à la primauté du droit international.
- au regard du droit international, la constitution et les lois maliennes ne sont que de simples faits n’ayant aucune autorité juridique particulière.
- l’octroi de l’impunité totale aux criminels par la loi : contradiction entre la loi d’entente nationale et l’accord pour la paix et la réconciliation, et contenu de la loi ;
- les principales critiques sur la forme et le fond de la loi : dialogue de sourds entre gouvernement et victimes, et ambiguïtés rédactionnelles de la loi ;
- les possibilités d’action juridique contre la loi : obligations du Mali en vertu de la résolution 60/147 AG – NU sur le droit à un recours et à réparation; violation du droit malien et du droit international ; attaque de la loi devant le juge malien et les organes des droit de l’homme de l’ONU et de l’UA ;
- le rejet de la loi d’entente nationale : un devoir pour les députes et les juges maliens ;
- le problème de l’amnistie et du pardon.
- les membres des groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation ;
- les membres des groupes armes non signataires mais ayant adhéré à l’accord,
- les personnes concernées autres que celles visées à l’article 3 de la loi,
- les personnes recherchées à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national, ce qui pourrait poser des problèmes d’extradition en droit international ;
- les personnes condamnées par défaut ou par contumace,
- les personnes détenues non condamnées définitivement.
- les crimes de guerre,
- les crimes contre l’humanité,
- les viols qui font d’ailleurs partie des crimes contre l’humanité.
- tout autre crime international déclaré imprescriptible.
- en faire volontairement et individuellement la demande,
- cesser les actions criminelles,
- se présenter volontairement aux autorités compétentes et faire la déclaration de cessation,
- la déclaration doit porter sur :
- les faits commis ;
- les armes, munitions ou explosifs ou tout autre engin détenu ;
- remettre les armes, munitions, explosifs et tout autre engin dangereux ;
- agir dans un délai maximum de six mois à compter de la publication de la loi au journal officiel. Commentaire: l’application concrète de ces conditions peut se révéler plus compliquée et difficile qu’il n’y paraît
- dans la phase d’enquête préliminaire, c’est le procureur de la République qui prend la décision,
- dans la phase d’information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui prend la décision,
- dans la phase de renvoi de l’affaire devant une juridiction de jugement, c’est celle-ci qui, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, prend la décision ; cette règle s’applique au pourvoi en cassation devant la cour suprême.
- au nom de la paix et de la réconciliation nationale, je renonce définitivement à poursuivre et traduire en justice les criminels et leurs complices,
- je m’adresse à vous les victimes des crimes, pour vous demander, à votre tour, de renoncer définitivement à porter plainte contre les criminels devant la justice ;
- je vous accorde en contrepartie une réparation ;
- je vous demande de l’accepter et de vous en contenter ;
- je laisse le soin à la CVJR de déterminer la nature et les conditions de la réparation ;
- mais surtout, je vous interdis de m’attaquer devant le juge pour demander réparation au titre de ma responsabilité civile >>.
- la loi d’entente nationale consacre ainsi le déni de justice, à l’encontre des victimes ;
- or, le déni de justice est contraire à la fois au droit malien - voir le code pénal article 155 - et au droit international, le principal acte juridictionnel internationalement illicite est le déni de justice.
- or, le fait d’empêcher les victimes d’engager la responsabilité civile de l’Etat est contraire au droit international, voir la résolution 60/147 de l’Assemblée générale de l’ONU et les règles pertinentes du droit humanitaire coutumier
- elle donne l’impression que les conventions et les textes internationaux relèvent de catégories juridiques différentes, il eût été préférable de dire simplement les textes ou instruments internationaux, pour ne pas tomber dans l’erreur du constituant français et par ricochet du constituant malien dans sa velléité de faire une différence technique entre le mot traité et le mot accord ;
- l’emploi du mot « ratifié » a une signification technique bien précise, il vise la seule catégorie juridique des traités ou accords en forme solennelle qui sont obligatoirement soumis à la procédure spécifique de ratification ;
- du point de vue de la terminologie, les traités internationaux en matière de droits de l’homme n’emploient pas en général les mots crimes ou délits, tel est par exemple le cas de la charte africaine des droit de l’homme ; mais on sait que dans la pratique, la doctrine et la jurisprudence préfèrent plutôt parler de violations graves ou flagrantes des droits de l’homme, même si cette expression n’épuise pas le besoin de précision plus technique; quant au droit humanitaire, les conventions de Genève de 1949 font une distinction entre les violations ou infractions graves et les autres violations. Bref, l’article 3 vise donc les crimes ou délits prévus et punis à la fois par le droit interne malien et par le droit international. C’est le lieu de rappeler que le fait que le droit malien ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la responsabilité en droit international de celui qui l’a commis. L’article 3 parle également de « faits qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale ». Cette rédaction appelle les commentaires suivants :
- par cette phrase, parle-t-on simplement des conséquences sociales ou politiques desdits faits ;
- ou s’agit-il ici de critères supplémentaires de qualification juridique des faits, mieux de viser de véritables catégories juridiques de crimes ou délits, à savoir : le crime d’atteinte à l’unité nationale et à la cohésion sociale, et le crime d’atteinte à l’intégrité territoriale. Le problème est de savoir ici si de telles qualifications existent en droit positif malien et/ou en droit international positif. On soit qu’il existe en droit international des « crimes d’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale ».On sait aussi que l’article 47 du code pénal malien a prévu le crime d’atteinte à l’intégrité du territoire.
- on constante que l’article 31 du code pénal ne reprend pas la distinction classique entre les crimes perpétrés dans le cadre des conflits armés internationaux et ceux commis dans le cadre des conflits armés internes,
- il se contente de citer les 34 crimes relevant des seuls conflits armés internationaux, en oubliant d’ailleurs la phrase introductive à cette catégorie,
- il ne contient donc aucune mention des 16 crimes relevant des conflits armés internes,
- d’où les questions suivantes : est-ce une erreur matérielle, est – ce un oubli, est – ce un choix délibéré, est-ce pour se débarrasser du fardeau judiciaire du conflit armé interne malien, est-ce pour trouver une échappatoire en s’abritant derrière l’argument du principe « nullum crimen sine lege » etc.
- même si le code pénal est muet sur les crimes liés aux conflits armés internes, le Mali demeure lié par les 4 conventions de Genève de 1949 et leurs 2 protocoles additionnels auxquels il est formellement partie depuis 1965 et 1989 le protocole II étant d’ailleurs consacré à la protection des victimes des conflits armés internes ;
- l’article 3 commun aux 4 conventions de Genève de 1949 qui contient les règles fondamentales minimales à respecter par les parties à un conflit armé interne, est désormais considéré par la doctrine et la jurisprudence comme reflétant le droit humanitaire coutumier, et est à ce titre applicable au Mali même en dehors de tout engagement conventionnel exprès.
- la compréhension du sens de l’expression « toute personne concernée autre que celles citées à l’article 3 » n’est pas très claire ;
- que signifie l’expression « toute personne concernée »,
- plus fondamentalement, que faut-il comprendre par l’expression « autre que celles citées à l’article 3 » ;
- l’article 3 définit à la fois la portée ratione materiac et ratione personae de la loi d’entente, à savoir que celle-ci ne s’applique qu’aux seules personnes ayant commis des faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par la loi malienne et la loi internationale, à la double condition que :
- ces faits soient survenus dans le cadre des évènements liés à la crise née en 2012,
- et qu’ils aient gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale. En partant du fait que l’article 3 repose alors sur la règle du « numerus clausus », on peut s’étonner de voir que l’article 15 parle, encore et à contrario, de personnes concernées autres que celles citées à l’article 3. Il faudrait donc dévisager cette catégorie mystérieuse de bénéficiaire de l’impunité. On aurait pu logiquement penser que venant à la suite de l’article 14, le 15 voulait simplement ajouter à la liste du 14 la catégorie des membres des groupes armés qui n’ont ni signé ni adhéré à l’accord pour la paix et la réconciliation.
- en laissant le soin à la CVJR de faire ce travail important, c’est l’incertitude et l’inconnu pour les victimes ;
- le texte ne précise pas s’il s’agira d’une réparation pleine et effective, ni ne donne aucune indication quant aux formes de réparation, qui peuvent consister notamment en : une restitution, une indemnisation, une réadaptation, une satisfaction, des garanties de non-répétition ;
- or, il est important de savoir ici, et la résolution 60/147 de l’Assemblée générale de l’ONU s’en fait l’écho, que la « satisfaction » des victimes de crimes devrait comporter, le cas échéant, des sanctions judiciaires contre les criminels.
- cela revient à interdire aux victimes d’attaquer l’Etat malien devant les tribunaux pour mettre en cause la responsabilité civile de celui-ci et demander réparation à ce titre ;
- or, cela constitue une violation des obligations juridiques du Mali en vertu du droit international coutumier et conventionnel ;
- il suffira de rappeler ici à titre d’illustration :
- la section IX de la résolution 60/147 de l’Assemblée générale de l’ONU qui dit clairement que « conformément à ses obligations juridiques internationales, l’Etat assure aux victimes la réparation des actes ou omissions qui peuvent lui être imputés et qui constituent des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire » ;
- la règle selon laquelle une partie belligérante qui violerait les dispositions des conventions de Genève de 1949 sera tenue à indemnité s’il y a lieu, elle sera responsable de tous actes commis par les personnes faisant partie de ses forces armées. Le Mali est partie aux conventions de Genève et à leurs protocoles depuis 1965 et 1989 ;
- la règle n°150 du droit international humanitaire coutumier selon laquelle un Etat responsable des violations du DIH est requis d’accorder une pleine réparation pour les dommages causés aux victimes, qu’il s’agisse d’un conflit armé international ou non-international ;
- la règle clairement posée à l’article 14 de la Convention contre la torture, à laquelle le Mali est partie depuis le 26 Février 1999, selon laquelle l’Etat est tenu : primo, de garantir à la victime d’un acte de torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de garantir aux ayants cause de la victime ayant trouvé la mort à la suite d’un acte de torture le droit à indemnisation…
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