L'ancien Premier ministre estime que la France « n'est pas sortie de la difficulté ». Pour le secrétaire d'Etat américain, l'intervention française est « couronnée de succès ».
L'ancien Premier ministre Alain Juppé a jugé que la France « n'est pas sortie de la difficulté » au Mali où la situation « inquiétante » dans le nord appelle des réponses rapides, sur la formation des troupes africaines et la stratégie avec les diverses tendances du nord-Mali. « C'est inquiétant, et il ne faut pas crier victoire trop tôt », a déclaré Alain Juppé à des journalistes à Bordeaux.
Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a estimé qu'il y avait en particulier « une grande incertitude » concernant la relève des troupes françaises. « On nous dit qu'on va partir en mars ou en avril, mais où en est l'organisation des troupes africaines ? Comment vont-elles être formées, encadrées, commandées ? On est encore là dans une grande incertitude », a-t-il ajouté.
« La France s'est fixé comme objectif de sécuriser la zone. Donc il y a une certaine logique, je ne dirais pas un engrenage, mais enfin il y a une logique. Mais il y a aussi une autre logique, c'est que nous ne devons pas y rester, et si nous n'y restons pas (...) il faut que nous soyons remplacés par une force alternative », estime Alain Juppé « Voila toute une série de questions qui méritent d'être posées et qui me font penser que nous ne sommes pas sortis de la difficulté », a-t-il ajouté.
« L'intervention française couronnée de succès »
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a, pour sa part, félicité la France pour son action militaire « réussie » au Mali, tout en exhortant le gouvernement à Bamako à organiser des élections et à discuter avec une partie de la rébellion dans le nord du pays.
« Je voudrais parler aujourd'hui des prochaines étapes au Mali à la lumière de l'intervention française couronnée de succès là-bas. Nous pressons le gouvernement de poursuivre le processus de transition politique jusqu'à des élections et d'accélérer les négociations avec des groupes non extrémistes dans le Nord », a déclaré M. Kerry, juste avant des entretiens avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.
Situation tendue à Gao
Sur le terrain, la menace jihadiste restait bien présente jeudi dans la région de Gao (nord du Mali) au lendemain de la découverte d'un engin explosif de 600 kilos. L'armée française a de son côté affirmé à Paris qu'elle se trouvait « dans une phase de sécurisation » des zones qu'elle contrôle dans le nord du Mali, en particulier dans l'extrême nord-est, vers Tessalit, près de la frontière algérienne, où elle recueille également des renseignements. C'est dans cette région du massif des Ifhogas qu'ont trouvé refuge une partie des chefs et combattants jihadistes après avoir fui l'avancée des troupes françaises et maliennes.
Plus au sud, Gao (1.200 km de Bamako), reprise aux islamistes le 26 janvier par les soldats français et maliens, a depuis été le théâtre des premiers attentats-suicides de l'histoire du Mali et de violents combats de rue entre les deux armées et des combattants jihadistes infiltrés dans la ville. Mercredi, trois jours après les combats de rue en centre-ville, l'armée française a désamorcé un énorme engin artisanal contenant 600 kilos d'explosifs, trouvé dans la cour d'une maison proche d'un hôtel où logeaient des journalistes étrangers.
Le retour du capitaine putschiste
Alors que la menace demeure dans le nord du Mali, à Bamako, le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des auteurs du putsch du 22 mars 2012 contre le régime d'Amadou Toumani Touré, a refait surface après un mois de silence. Il a été investi mercredi à la tête d'un comité chargé de la réforme de l'armée malienne, divisée entre ses partisans et ceux du président renversé, en présence du chef de l'Etat par intérim, Dioncounda Traoré, du Premier ministre Diango Cissoko et de hauts responsables militaires.
« Le comité militaire n'a aucune vocation politique et ne saurait se substituer à la chaîne de commandement militaire », a affirmé le capitaine. Affirmant que le comité de réforme n'était pas « issu du coup d'Etat du 22 mars », ni « un prolongement » de la junte qui avait gardé le pouvoir deux semaines, le président Traoré a estimé que le capitaine Sanogo a été choisi pour « ses qualités personnelles ».
Le capitaine Sanogo a accepté de quitter son quartier général de Kati, véritable forteresse pour lui et ses hommes à 15 km de Bamako, pour venir s'installer au siège de l'état-major des armées dans la capitale, où il est plus facilement contrôlable selon des sources diplomatiques et militaires.
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