Mali : la France, va-t-en-guerre ?
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La volonté affichée du président de la République se heurte à la complexité de la situation sur le terrain.
C’est à n’y rien comprendre. Depuis que, devant les Nations unies, le 25 septembre, le président de la République a appelé de ses vœux une intervention militaire dans le nord du Mali pour en déloger les différents groupes islamistes (Aqmi, AnsarDine, Mujao), ce ne sont que déclarations contradictoires et spéculations hasardeuses. En une semaine, le ministère de la Défense, concerné au premier chef, a ainsi expliqué que l’intervention était « une question de semaines », avant d’assurer que « l’heure n’est pas à l’intervention ». L’ANNONCE Pour François Hollande, la consigne est claire – « pas d’hommes au sol » dans une ancienne colonie française, comme ce fut le cas en Côte-d’Ivoire en 2011, pour chasser Laurent Gbagbo. L’objectif ? Que les Nations unies adoptent une nouvelle résolution, début décembre, ouvrant la voie à une intervention africaine. Jugée « inévitable » par le ministre malien de la Défense, celle-là serait menée par les forces armées maliennes (FAM), après une « remise à niveau » de deux mois, et un contingent d’environ 3000 hommes fournis par les pays de la région, regroupés au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). La France et les Etats-Unis n’apporteraient qu’un « soutien logistique », notamment en termes de « formation ». Parallèlement, la France tente de convaincre d’autres pays européens, ainsi que l’UE, de s’engager avec elle. LA SITUATION Les militaires français savent que l’affaire prendra de longs mois, tout simplement parce qu’on n’invente pas une force armée africaine, inexistante à ce jour, en claquant dans les doigts. Pour l’heure, seule la Côte-d’Ivoire, le Nigeria et le Burkina ont promis des hommes. Selon toute vraisemblance, la France déploiera ses trois drones Harfang opérationnels en décembre. Basés à Niamey (Niger), non armés et dotés d’une optique assez obsolète, ils n’approchent que de très loin les performances des drones américains au Pakistan... Par ailleurs, les forces spéciales tricolores sont présentes dans la région – Ouagadougou au Burkina, notamment – depuis plus de deux ans, dans le cadre d’une opération baptisée « Sabre ». Ces commandos ne sont pas censés participer à d’éventuels combats... sauf si le sort des six otages français, détenus par les islamistes, l’exigeait. LES OBSTACLES Le battage diplomatique et médiatique autour d’une intervention a une première conséquence : l’afflux de jihadistes de toutes nationalités dans le nord du Mali. « Ils viennent pour la grande bataille que nous leur offrons sur un plateau », assure Jean-Pierre Filiu, spécialiste du terro- risme islamiste. Combien sont-ils ? Quelques milliers tout au plus, mais avec un sérieux atout : leur mobilité dans une région que leurs hôtes connaissent parfaitement. En revanche, leur unité reste fragile. L’attitude qu’adopteront en particulier les centaines de combattants touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) pourrait modifier sensiblement la donne. Allié un temps avec les islamistes, avant d’être chassé de Gao et Tombouctou, ce mouvement qui réclame l’indépendance de la région est très divisé sur la conduite à tenir. L’autre verrou se trouve du côté de l’Algérie, seule véritable puissance régionale. Pour l’heure, malgré les pressions de Paris et de Washington, elle s’oppose à toute intervention étrangère et prône le dialogue plutôt qu’une action armée, même exclusivement africaine. De passage à Alger le 29 octobre, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a tenté d’infléchir la position d’Alger. Sans résultat tangible. François Hollande fera de même lors de sa première visite d’Etat sur place, prévue courant décembre. LE RISQUE En cas d’intervention, les émirs d’Aqmi – qui détiennent déjà les otages français – ou les chefs du Mujao ont promis d’organiser des attentats-suicides en Europe et de s’en prendre aux intérêts et aux ressortissants français en Afrique. La mise au jour récente de nouvelles filières terroristes en France ne permet pas d’en écarter avec certitude l’éventualité. Mais c’est surtout la perspective d’un conflit interminable et d’un enlisement « à l’afghane » qui hante les états-majors. Sans parler de la faible motivation de troupes afri- caines hâtivement constituées et d’un possible retournement des populations locales contre ces « envahisseurs » étrangers. Magazine Marianne / Lundi 5 Novembre 2012 à 16:00Quelle est votre réaction ?